Chapitre 3

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Je viens de rentrer, la maison est plongée dans le silence. Ce qui est étrange. June est adorable mais elle est aussi très bruyante. J'entre dans le salon : personne. Je monte à l'étage. La voix de Libby résonne de l'autre côté de la porte de June. J'entre dans la pièce et vois ma petite sœur à son bureau, Libby assise sagement à côté d'elle à l'aider pour ses leçons.
— Tu as déjà des devoirs ? Fis-je remarquer.
Libby me rétorque qu'elle préfère prendre de l'avance plutôt que June soit assaillie par une trop grosse montagne de devoir. Je me retiens de lever les yeux parce que je sais qu'elle a horreur de ça mais j'en ai très envie.
— Et toi, ta première journée ? Demande ma belle-mère.
Je décide de répondre en donnant plus de détails que je ne l'aurai fait habituellement, ça évitera qu'elle pose un milliers de questions.
— Super ! Un peu grand comme lycée mais les profs semblent cool.
Elle hoche la tête, pas vraiment satisfaite. Elle s'attendait sûrement à ce que je dise que j'ai déjà un tas d'amis, que je me suis inscrit dans plusieurs cours optionnels et que j'ai sauvé la vie d'un chat dans un arbre. Ce que Cathy aurait fait quoi. À ce moment-là je ne sais pas trop ce qu'il me prend mais j'ai envie de me vanter, de dire quelque chose qui je sais lui fera plaisir.
— J'ai une nouvelle amie, la fille du directeur. Daisy.
Libby est très surprise, agréablement. A vrai dire même pour moi ça sonne vraiment faux.
— La fille de monsieur Colman ? Oh génial.
Ses yeux pétillent à l'idée que je puisse être d'une façon ou d'une autre rattachée au directeur de mon lycée. Et je réalise que je n'aurai finalement jamais dû dire ça.
— Tu devrais l'inviter à la maison un de ces jours, on pourrait aussi peut-être inviter ses parents à dîner un soir.
Non, je ne veux pas que mon directeur vienne manger chez moi par pitié.
— Oui, je verrai avec elle à l'occasion. Tu sais on vient tout juste de se rencontrer.
Elle se calme et avoue qu'après une journée c'est sûrement trop tôt.
— Tu pourras peut-être lui proposer à la fin de la semaine.
Je ne réponds pas. J'ai beau avoir eu une longue première journée, Libby me fatigue bien plus.
À table, mon père nous pose la question classique sur notre première journée. June raconte tout en détails, en passant par le nom de son institutrice jusqu'aux prénoms d'absolument chacun de ses camarades de classe. Elle a déjà neuf copines et trois copains, elle les adore tous et elle veut les inviter à son anniversaire. Elle est super pressée de revoir Roméo (son meilleur ami qui vit à côté de chez notre mère) pour lui raconter tout ça. En parlant du loup, mon portable vibre et le mot « maman » s'affiche. Mon père s'apprête à me demander de le ranger.
— Mais c'est maman, elle devait nous appeler pour nous demander comment c'était passé notre rentrée.
Il regarde Libby qui ne semble pas du tout d'accord avec ça mais accepte tout de même. Par politesse je tends mon portable à June et elle se précipite hors de table pour répondre.
— On n'avait dit pas de téléphone à table, dit froidement Libby.
Je regarde mon assiette, prête à assister à une énième dispute au sujet de la façon dont mon père élève ma sœur et moi.
— Elle travaille de façon complètement décalée, elle n'aurait pas pu les joindre après, défend mon père.
Je me lève de table quand je commence à entendre Libby dire que ma mère pourrait faire un effort en appelant à d'autres moments qu'en plein milieu du repas. Elle ne connaît pas ma mère mais ne l'a jamais aimé donc tous les prétextes sont bons.
June est dans le salon en plein récit de sa première journée. J'attends presque dix minutes avant que ma petite sœur daigne me rendre mon portable. June retourne à table, quant à moi je monte les escaliers. Je n'ai plus faim et je préfère parler à ma mère seule dans ma chambre.
— Alors ma princesse, comment tu vas ?
Je lui explique que le lycée est beaucoup trop grand mais qu'en dehors de ça tout va plutôt bien.
— Et à la maison ? Ton père ça va ? Et June ?
J'inspire en assurant que June va super bien et que papa assure.
— Mais il y a l'affreuse belle-mère quoi...
Elle se retient difficilement de rire et essaie de prendre un ton sérieux en me demandant d'être sympa avec elle.
— Elle s'occupe bien de vous, c'est ce qui compte.
Elle a raison, on aurait pu tomber sur quelqu'un de bien pire que madame parfaite.
— On se voit dans deux semaines de toute façon hein ?
Deux semaines, deux longues semaines.
— Oui sans soucis.
Je lui souhaite bonne soirée et raccroche. Je ne lui dis jamais qu'elle me manque, je n'ai pas envie de la faire culpabiliser d'avoir choisi son travail. Mais en vérité j'aimerai être avec elle à la maison. Dans mon ancien lycée. Avec mes anciens amis.
Je reste allongée dans mon lit et décide d'aller voir sur les réseaux sociaux ce que les gens font. Ellie a posté son premier selfie du mois, devant son miroir, le téléphone cachant presque tout son visage. J'appuie sur le cœur et fait glisser mon doigt sur l'écran pour regarder le reste des actualités. Ma sœur Elizabeth a partagé un article sur la solidarité engendré par les actions pour l'église, j'ajoute un « j'aime » par principe, quelques publications plus tard une photo d'un chat tout gris endormis sur un canapé.
« Nouveau membre dans notre famille, #spa #bidule – avec @Scott »
Scott a finalement craqué pour un chat, ma sœur le tanne depuis qu'ils ont emménagés ensemble l'année dernière. Nous avons toujours voulu un chat à la maison, mais Lizzie en est allergique alors c'était impossible. Cette fois ci je commente :
« Enfin quelqu'un de plus beau que moi dans cette famille. »
Une notification s'affiche,
« Felix Grant vous suit désormais »
Je souris instantanément, il est déjà venu me chercher sur internet. J'appuie sur « suivre en retours » et m'aventure rapidement sur son compte. Je regarde ses photos et ses publications. À ce que je vois il fait de la boxe et il a carrément l'air bon vu toutes les coupes et médailles qu'il affiche. Il n'y a pas grand-chose de plus que des trucs de boxe en fait. Alors je quitte son profil et pose mon portable à côté de moi avant de finalement me décider à retirer mes vêtements pour aller prendre une douche.
Je laisse l'eau de la pomme de douche couler quelques secondes avant de me glisser en dessous. C'est toujours mon moment préféré de la journée. La buée recouvre les vitres de la douche sur lesquelles je me mets à dessiner des vagues et des petites formes inutiles avant de balayer mon œuvre d'art de la main. Je passe ma tête sous l'eau, les mèches de mes cheveux collant désormais à mon visage. Je les repousse en arrière et laisse mon visage sous le jet d'eau brûlant. Lorsque je me décide finalement à sortir de la douche ma peau est rouge écarlate. Je devrais baisser la température la prochaine fois. J'enroule une serviette autour de ma poitrine et applique ma crème hydratante avant de me sécher les cheveux. Libby entre dans la salle de bain au même moment, ce qui m'oblige à éteindre mon sèche-cheveux, elle me demande gentiment de les prévenir la prochaine fois que je décide de ne pas finir mon repas. Je retiens ma terrible envie de lui dire que je me fiche de ces foutus règles et acquiesce simplement.
De retour dans ma chambre je prépare ma tenue pour le lendemain, un pull gris et un jean bordeaux. Je regarde longuement mes vêtements comme s'ils étaient eux-même censés me dire s'ils allaient bien ensemble. Ça fera l'affaire.
Je m'allonge dans mon lit et enfonce mes écouteurs dans mes oreilles avant de lancer YouTube. Je me sens m'assoupir et laisse le sommeil m'emporter. Cette première journée a vraiment été épuisante.

Fix meOù les histoires vivent. Découvrez maintenant