Chapitre 26

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Felix est suspendu pour deux semaines. Les parents de l'élève ont décidé de ne pas porter plainte, ce qui fut un soulagement pour Félix comme pour moi.
Je n'ai pas la force d'aller au lycée ce matin. D'autant plus maintenant que je sais que Félix n'y sera pas non plus. Daisy m'a envoyé un message hier soir, pour savoir comment je me sentais. Je n'ai pas répondu. Je ne sais pas comment je me sens, comment je suis supposée me sentir. J'ai proposé à Félix de passer le voir après les cours. Officiellement pour lui donner les notes que j'ai pris en algèbre, officieusement pour vérifier que son beau-père ne le punit pas à sa façon. Mais il refuse. Il dit qu'il est puni de sortie, de visite et même de boxe, ce qu'il ne pensait pas un jour possible. Mais il m'assure qu'il ne faut pas que je m'inquiète. Évidemment c'est plus simple à dire qu'à faire. Je ne fais que penser à ce qu'il vit et ce qu'il a vécu. Me demander quand sera la prochaine fois et s'il ne me ment pas. Je ne pensais pas qu'il réagirait aussi mal, certes la remarque de ce mec était complètement stupide mais il lui a tout de même envoyer deux coups au visage et il n'y est pas allé de main morte.
Je regarde mon portable, il est presque l'heure de partir et je ne peux pas rester plus longtemps assise sur le bord de mon lit à me regarder de haut en bas dans le miroir. Aujourd'hui j'ai mis un pull kaki très large par-dessus mon jean et j'ai attaché la partie supérieure de mes cheveux en petit chignon. Je suis réveillée depuis cinq heure et demie, il a bien fallu que je passe le temps. J'angoisse, je me demande si les gens parleront encore de ça aujourd'hui. Probablement, après la réaction que Félix a eu hier, tout le monde doit se dire que je l'ai bel et bien trompé et avec une fille. J'ai le mauvais rôle, celui de la garce et Félix celui de la victime. Il se fait trahir, humilier et expulser. Heureusement il n'y a qu'une de ces trois choses qui est vrai : l'expulsion. Je finis par descendre, Libby me complimente sur ma coiffure. Je crois que c'est la première fois. Elle pense aussi que je devrais me laisser pousser les cheveux et je commence moi aussi à me dire que c'est une bonne idée. Je prends une banane pour ne pas mourir de faim et signale que je prends la route. J'ai proposé à June de l'emmener mais mon père doit voir son institutrice je pars donc seule.

Je baisse la tête dans les couloirs, je n'ai envie de croiser le regard de personne. À la récré, je fonce à la bibliothèque pour éviter de devoir rester debout dans les couloirs à imaginer les pires scénarios. Jusqu'ici je n'ai entendu qu'un rire en entrant dans la salle d'histoire et je ne suis même pas sûre qu'il m'était adressé. Après tout il faut que j'arrête d'être paranoïaque, je ne suis pas la première élève gay de ce lycée, on est au 21e siècle les gens se fichent de ce genre de chose maintenant.
— Salut.
Je sursaute, bien trop perdue dans mes pensées pour avoir vu Daisy me rejoindre. Je referme mon livre.
— Salut, répondis-je sur le même ton.
Elle est en face de moi, les cheveux nattés, je crois que c'est ma coiffure préférée, celle-là et quand elle les laisse simplement détachés. Mais je rêve de la voir avec ses cheveux bouclés, au naturel, comme elle les avait avant.
— Comment tu vas ?
Je hausse les épaules, j'essaie de me dire qu'il y a pire dans la vie.
— Et Félix ? J'ai entendu dire qu'il avait été suspendu, qu'est-ce qu'il s'est passé ?
Je lui explique brièvement qu'un mec de première n'a pas arrêté de le chercher et qu'il a fini par craquer. Elle me lance un regard désolé.
— Heureusement, personne ne t'a reconnu avec moi, au moins tu es sauvée.
Elle balaye très vite la salle du regard pour être sûre que personne ne nous a entendus. Évidemment que non, je n'aurai pas été si imprudente.

— Qu'est-ce que tu vas faire de ton week-end ? Demande-t-elle pour changer de sujet.
Je regarde l'heure, il reste cinq minutes avant la reprise des cours.
— Je suis chez ma mère, on fête son anniversaire.
Un sourire se dessine automatiquement sur mon visage à la simple idée de nous retrouver enfin tous ensemble.
— Tu veux qu'on se voie avant que tu retournes chez ta mère ?
Je lève les yeux, je comprends immédiatement ce que cela veut dire.
— Je n'ai pas envie de jouer à ça Daisy, dis-je en me levant.
Elle pose sa main sur la mienne pour m'arrêter, ça fonctionne, je me fige instantanément sous son touché.
— Je sais que c'est complètement le bordel dans ma tête et que tu dois le subir, mais j'aime passer du temps avec toi. Je ne veux pas tout gâcher.
C'est drôle que ça soit elle qui dise ça, alors que je dois prendre sur moi pour rester amie avec elle sans laisser mes sentiments prendre le dessus. Malgré tout, j'accepte. Même si ma raison m'ordonne de garder mes distances, je ne peux pas m'empêcher de vouloir passer encore du temps avec elle.
J'harcèle Félix de message, pour lui demander comment il va. Il doit en avoir marre. Il va finir par bloquer mon numéro. Mais peu importe. Il me dit qu'il s'ennuie et que les journées lui paraissent longues. Il m'envoie des photos de lui, affalé dans le canapé. Jusqu'ici tout va bien.

Fix meOù les histoires vivent. Découvrez maintenant