Chapitre 34

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Félix est retourné se coucher une heure plus tard et je me suis endormie à la seconde où il a quitté ma chambre. June me réveille, comme presque à chaque fois.
— Qu'est-ce qu'il y a ? Grognais-je dans mon oreiller.
Il fait jour mais je suis sûre qu'il ne doit pas être plus de neuf heures du matin.
— Il y a un garçon dans la chambre d'amis.
Qu'est-ce qu'elle est allé faire dans la chambre d'amis en premier lieux ?
— C'est Félix, le garçon de ma classe tu sais.
Elle lève les yeux, réfléchissant puis ouvre grand la bouche.
— Papa sait qu'il est là ?
Je ne suis pas suicidaire, inviter un garçon à dormir à la maison en sa présence sans qu'il le sache me conduirait directement à une exécution en place publique.
— Oui il le sait.
Elle finit par me lâcher et redescend dans le salon. Je n'arrive pas à me rendormir alors je prends mon portable, neuf heure dix. Je n'étais pas loin. Je m'étends et me frotte les yeux. Sur le chemin de la salle de bain, je passe un coup d'œil dans la chambre de Félix qui dort encore à poings fermés. Je referme délicatement la porte et je le laisse dormir.

Onze heure et demie, je suis habillée, j'ai déjeuné et j'ai même rangé un peu le salon. Félix n'est toujours pas levé. J'imagine qu'il est épuisé. Mon père va rentrer dans une demi-heure pour manger, j'aimerais qu'il soit levé d'ici là. Je remonte et entre dans sa chambre. Il n'a pas bougé d'un centimètre. Je m'assois sur le rebord du lit, il a la bouche ouverte, de la salive est étalé sur son oreiller. C'est dégueulasse.
— Félix...
Il ne bouge toujours pas. Alors aux grands maux les grands remèdes. Je tire la couverture et ouvre grand les volets. Il grogne et replonge sa tête dans l'oreiller, furieux.
— Putain si j'avais su que c'était l'armée ici j'aurais été dormir dans la rue.
J'éclate de rire en le voyant rouler en boule.
— Tu dormiras mieux ce soir, assurais-je.

Félix est enfin douché, il a mis des vêtements propres et bois un café dans la cuisine. Mon père entre au même moment, il nous salue tous les trois et nous demande si on a faim. Une quinzaine de minutes plus tard nous sommes tous les quatre à table. Mon père nous parle de son travail et de son nouveau collège qu'il adore tandis que June lui demande quand elle pourra faire sa liste de cadeaux pour son anniversaire.
— C'est dans genre quatre mois, fis-je remarquer.
Ma sœur roule les yeux, me disant qu'elle est simplement très pragmatique.
— Tu sais ce que veut dire pragmatique ? Demande Félix surpris.
— Absolument pas, je trouvais juste que ça me donnait l'air plus intelligente.
Il rit silencieusement.
— J'aurais aimé avoir un petit frère ou une petite sœur, avoue-t-il.
S'il savait ce que ça implique, il ravalerait immédiatement ses mots.

Après manger Félix débarrasse la table. Mon père en profite pour me demander de venir dans son bureau. Il n'a pas cherché à trouver d'excuses, ce qui veut dire : Je veux te parler de Félix.
— Est-ce que tu as réussis à le convaincre ? Demande mon père.
Non et je n'y arriverais pas. Je ne connais Félix que depuis un mois et demi et la situation est bien trop délicate.
— Non mais c'est sur la bonne voie, laisses moi encore du temps.
Bien évidemment c'est faux mais je ne peux pas lui dire ça, sinon il prendrait les choses en main et appellerait sa mère directement. Mon père souffle, toujours aussi inquiet. Il a dû y penser une bonne partie de la nuit.

Ne sachant pas quoi faire de notre après-midi, Félix a décidé de m'aider pour mon devoir d'algèbre. On y a passé quarante-cinq minutes mais on a fait plus de la moitié. Il a passé son temps à m'expliquer des choses que je ne comprends toujours pas. Comment est-ce que ça peut être si simple pour lui ?
— Chacun son truc, finit-il par dire en refermant le livre.
Je balance ma tête en arrière.
— Et je suppose que mon truc c'est...
— Être une amie géniale.
C'est censé être un compliment mais j'aurais tout de même aimé qu'il me trouve un vrai talent.
— Ça va, t'embrasse bien aussi.
Je rougis, j'avais presque oublié que c'était arrivé.
— Arrête de te moquer de mon inexpérience.
D'accord, je n'ai embrassé que deux personnes dans ma vie et l'une d'elle ne m'attire même pas. Mais peut-être que si j'avais assumé ma sexualité plus tôt j'aurai tenté un tas de trucs. Bien qu'une première fois dans une douche c'était quand même pas mal.
— D'ailleurs pourquoi tu sors pas avec quelqu'un toi ?
Il se tait, me regardant longuement dans les yeux , comme si j'avais dit une bêtise.
— La dernière fille que j'ai voulue me faire m'a mis un vent avant de m'avouer qu'elle était lesbienne, ça refroidit vachement tu sais.
Je suis prête à m'excuser avant qu'il n'éclate de rire et me lance qu'il plaisante.
— Disons que j'ai trop de trucs dans la tête en ce moment pour penser à ça.
Il se frotte le bras et retourne s'asseoir sur mon lit.
— Et ça ne te manque pas ? Genre le sexe ?
Je lui demande ça parce que moi si, un peu. Où peut-être que c'est Daisy qui me manque. Je pense que c'est surtout Daisy.
—Un peu, parfois.
Je resserre mes doigts les uns contre les autres. D'ici à ce qu'une autre fille du lycée commence à s'intéresser à moi, on n'y est pas encore. De plus, mon gaydar est complètement nul, je ne sais même pas si des gens arrivent vraiment à deviner la sexualité des autres où si ce sont des coups de chance. Les yeux de Félix s'écarquillent.
— Tu veux qu'on aille dans un bar gay ?
Je ris à la plaisanterie de mon ami jusqu'à croiser son regard on ne peut plus sérieux.
— Non Félix.
Ce n'est pas la première fois qu'il me le propose et c'est toujours hors de question.
— Allez, ça peut être cool. Ils doivent faire des cocktails géniaux et en plus tu trouveras sûrement plein de filles qui te plairont.
Je grimace en entendant parler de cocktails géniaux. A quoi il s'attend au juste ? Je m'apprête à refuser à nouveau et réalise que rien ne m'en empêche après tout.
— C'est d'accord, ce soir.
Félix me montre sa main pour que je tape dedans mais c'est hors de question.
— Je ne suis pas ringarde comme toi.
Il baisse sa main et passe son bras autour de mes épaules.
— On va s'éclater.
Je suis supposée être privée de sortie, alors grâce à l'aide de mon super ami qui a visiblement l'habitude nous allons faire le mur. Le repas est terminé et mon père ne va pas tarder à aller se coucher. Nous sommes tous les deux dans la salle de bain. Félix est en jean et torse nu. Je fais de mon mieux pour ne pas fixer ses bleus.
— Je n'ai pas de chemise, finit-il par dire.
Je m'éclipse dans ma chambre où j'ai pensé à piquer plusieurs hauts à mon père au préalable. Je ramène les différentes chemises et lui tends.
— Je peux choisir ta tenue ? Demande-t-il soudainement.
J'accepte, un peu méfiante. Félix à un bon style vestimentaire mais il serait capable de me choisir des couleurs qui ne vont pas ensemble ou encore des trucs beaucoup trop osés sous prétexte que nous sortons.
Il me conduit jusqu'à ma chambre et m'oblige à fermer les yeux le temps qu'il cherche des vêtements dans mon armoire. Il me place ensuite devant le lit où se trouvent les deux tenues qu'il a sélectionné pour moi. Il y a d'abord un haut noir transparent que je n'ai jamais encore mis (je ne sais même pas pourquoi je l'ai acheté.) Félix a pris soin de sortir un soutien-gorge noir que je pourrai mettre en dessous. Assortie à un pantalon de la même couleur et ma veste en cuir. Pour le coup, un sans-faute il n'a pas pris de risque étant donné que tout est noir. A côté un pull col roulé rouge très simple accompagné de ma jupe noir en cuir et de cuissardes de la même couleur.
— Alors ? Demande-t-il.
Je ne suis pas assez à l'aise pour mettre un t-shirt transparent alors c'est tout naturellement que je me tourne vers le col roulé et la jupe.
— Super c'était mon deuxième choix préféré, dit-il en repliant le t-shirt et le jean. Il me lance la veste en cuir et se décide enfin à jauger les chemises. Il considère longuement la blanche et la noir avant de choisir la verte.
— Tu ne vas pas vraiment mettre ça ?
Il hausse les épaules.
— Il y aurait plus mal habillé que moi.
Je secoue la tête.
— On va dans un bar gay, personne ne sera mal habillé.
Il répond qu'il s'en fiche, son choix est fait, ça sera la chemise verte. Il dit qu'en noir ou blanc il sera invisible.
— Dois-je te rappeler que c'est pour moi qu'on y va ?
Il sourit puis s'approche de moi.
— Peut-être qu'une fille bi aura pitié de moi et voudra m'arracher cette horrible chemise.
Il se mord la lèvre inférieure et je le repousse.
— Ne ramène personne chez moi ! Prévins-je avant de disparaître dans la salle de bain.
Me voici, vingt minutes plus tard. Maquillée, habillée et coiffée. Félix est assis sur mon lit, lui aussi prêt. Il se lève et défroisse son pantalon. Je le regarde de haut en bas, il a beau être très séduisant, cette chemise est vraiment ignoble.
Nous descendons sur la pointe des pieds, mon père est supposé dormir. Félix me signale de garder mes chaussures à la main et de ne les mettre que dehors. Je prend les clés de ma voiture en essayant de ne pas faire un bruit et appuie le plus délicatement possible sur la poignée de la porte d'entrée. Elle couine un peu, Félix me dit que je suis trop nulle. Nous sortons et il se charge de refermer la porte le plus silencieusement possible.
— Tu ne vas pas te sentir trop seul si je rencontre une fille ? Demandais-je à mon ami.
Je n'ai pas dans l'optique de rencontrer qui que ce soit, même si ça me ferait du bien. Mais j'avoue me sentir jolie et si quelqu'un venait me faire des avances je ne refuserais sûrement pas.
— Ouais, à ce propos...
Je me stoppe net, je connais ce ton et ça ne me plaît pas du tout.
— Je ne voulais pas être le seul hétéro tu vois, juste au cas où quelqu'un qu'on connaît serait là.
Il se frotte l'arrière du crâne.
— Félix, qui as-tu invité ?
Il marmonne quelque chose d'incompréhensible. J'insiste à nouveau en pointant mon doigt au niveau de son visage.
— Arthur.
Je me retiens de hurler. Sur tous les mecs qu'il pouvait inviter ce soir il a décidé de choisir le mec de la fille donc je suis dingue.
— Sérieusement ?
Si j'étais têtue je ferais demi-tour et lui dirait que je n'ai plus envie de sortir.
— C'est mon meilleur ami je te rappel et je voulais que tu vois qu'il est super cool !
J'avance jusqu'à la voiture sans dire un mot.
— Franchement Sacha, tu as quoi à lui reprocher à part le fait qu'il sorte avec Daisy ?
Sur ce coup-là, il a raison. Arthur n'est peut-être pas Einstein mais il n'a pas l'air si méchant.
— Tu es vraiment con Félix, c'est tout.
Il s'assied à côté de moi et je démarre la voiture.
— Vois le bon côté des choses, peut-être qu'il racontera à Daisy qu'on a été dans un bar gay et que tu t'es tapé une nana. Elle sera jalouse et tu l'auras dans la poche.
Je mets de la musique pour ne plus entendre ses remarques débiles alors il se met à chanter, pour détendre l'atmosphère. Je me laisse aller et chante avec lui, Félix est maladroit mais il ne cherche jamais à mal. Je ne peux pas lui en vouloir.

Arrivés devant le bar/boîte, nous devons attendre Arthur. Je me retiens de faire remarquer qu'il est en retard et que je déteste ça. Mais à peine y ai-je pensé qu'il est déjà là.
— Oh mon dieu..., dis-je en mettant une main devant ma bouche.
Félix éclate de rire, Arthur s'approche de nous, fière de lui portant une chemise à sequin argentée ouverte à moitié.
— Tu es très beau, lui dit Félix en lui tapant dans la main.
Là, pas d'inquiétude, Félix n'est pas le mec le plus mal habillé de la soirée.
— Mais qu'est-ce qu'il t'a pris ?
Il hausse les épaules et tourne sur lui-même, je crois qu'il se trouve cool en fait.
— Je n'ai jamais eu l'occasion de porter cette chemise, je me suis dit « pourquoi pas ».
Je me demande s'il l'a acheté de lui-même, ou si quelqu'un lui a offert. Si c'est le cas cette personne ne lui voulait pas de bien. Je soupire en réalisant que je n'aurais jamais dû emmener deux hommes hétéros ici, tout ce qu'ils connaissent des bars gay et de ce qui concerne la communauté LGBT doit venir des films où série qu'ils ont regardés où les personnages sont souvent des clichés ambulants. J'essaie de me dire qu'au moins ils ont détendu l'atmosphère et que je ne risque pas de trop attirer l'attention sur moi.


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