Chapitre 2

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Cette fois-ci c'est la bonne, salle 402, Mathématiques. La salle est vide, j'entre et m'assieds au milieu, pas trop loin de la fenêtre. Je sors mon portable et traîne sur les réseaux sociaux. Je me demande si la première journée de June se passe bien. Elle va sûrement nous bassiner les oreilles au sujet de ses nouveaux camarades et de sa maîtresse extraordinaire. Je n'ai jamais vu une enfant aussi enjouée par tout et n'importe quoi. Et quand il s'agit de l'école c'est encore pire. La sonnerie retentit, annonçant la fin du cours précédent. Je déglutis et me redresse sur ma chaise, prête à voir mes nouveaux camarades débarquer dans la salle. Je n'aurais peut-être pas dû rentrer directement, j'aurais dû rester dans le couloir et attendre qu'ils arrivent. Trop tard, une groupe vient déjà d'entrer et s'asseoir du côté droit de la salle. Puis les élèves entrent au compte-goutte ou par deux. Aucun ne fait vraiment attention à moi et tant mieux. De toute façon ce lycée est immense, comment pourraient-ils faire attention à une nouvelle élève parmi ces milliers de personnes ? Et je suis persuadée de ne pas être la seule non plus. J'essaie de me rassurer comme je peux. Tout le monde est très vite installé, je regarde tous ces nouveaux visages et me demande avec qui je vais bien pouvoir faire connaissance. Une femme de taille moyenne entre dans la salle.
Elle n'a visiblement pas plus envie d'être là que nous. Elle force tout de même un sourire en se présentant et reconnaît quelques élèves qu'elle avait déjà l'année passée.
— Donc je m'appelle madame Wood pour ceux qui ne me connaissent pas et je vous enseignerai la matière passionnante que sont les mathématiques.
Puis elle passe à l'appel, elle sort une tablette de son bureau. Plutôt moderne ce lycée. Nous étions sur des ordinateurs, et encore, quand ils ne plantaient pas. Évidemment l'ordre alphabétique me conduit à être dans les cinq premiers élèves appelés à chaque fois.
— Anderson Sacha.
Je lève la main et répond un « Oui » bien audible. Elle s'arrête sur mon nom et sens le rouge me monter aux joues. Pitié je ne veux pas me faire remarquer.
— Vous êtes notés absente au cours précédent, fit-elle remarquer.
Génial, je ne savais pas qu'ils avaient forcément accès aux autres cours. Et encore moins qu'elle en aurait quelque chose à faire.
— Oui, je ...
Je n'ai pas envie de jouer ma carte de la nouvelle élève maintenant et encore moins avec tous ces regards rivés sur moi.
— Panne de réveil, me contentais-je de répondre.
La professeur fait la moue.
— Je laisse passer pour cette fois parce que c'est la rentrée mais tu serais priée d'aller chercher un billet de retard à l'accueil la prochaine fois, je peux te refuser en cours sinon.
Je hoche la tête et m'enfonce un peu dans ma chaise espérant que je ne sois pas rouge écarlate. Madame Wood passe ensuite aux autres élèves qu'elle appelle un par un. Le garçon à côté de moi m'interpelle.
— Sacha c'est ça ?
Il me lance le sourire le plus chaleureux qui puisse être.
— Oui, soufflais-je pour ne pas attirer à nouveau l'attention sur moi.
Son sourire s'élargit, c'est peut-être un peu bizarre dit comme ça. Mais le ton de sa voix et son sourire me donne immédiatement envie d'être ami avec ce garçon.
— Si tu veux je peux t'accompagner à l'accueil tout à l'heure, t'as l'air un peu perdu.
Je ne sais pas si je dois le prendre mal, mais j'accepte volontiers. Plutôt que de passer encore une demi-heure à me perdre dans ce foutu bâtiment.
— Et toi tu es ?
Ses cheveux noirs bouclés coiffés/décoiffés et sa mâchoire saillante me font oublier que je suis en classe, je me rends compte directement que j'ai parlé un peu fort.
— Grant Felix, intervient madame Wood.
Il lève la main et répond en me regardant.
— Présent.
Enchanté, Felix, pensais-je en m'arrêtant sur le bleu perçant de ses yeux.
J'ai réussi à me faire petite le reste du cours. Madame Wood a passé plus de temps à expliquer le programme de l'année qu'à vraiment commencer son cours. A la fin de celui-ci, je suis directement sortie. Suivie de près par Felix. Il réajuste les anses de son sac à dos et me sourit à nouveau poliment.
— Je te guide ? Propose-t-il.

Je le suis volontiers à travers ce labyrinthe.
— Sérieusement j'ai été ce matin même à l'accueil et pourtant j'aurai été incapable de retrouver mon chemin.
Comment font-ils tous pour se repérer ici aussi facilement ?
— Tu n'as pas le sens de l'orientation ?
Je grimace.
— Ce n'est pas mon fort, avouais-je.
Il essaie tant bien que mal de m'expliquer la logique de l'architecture du bâtiment. Les mathématiques sont toujours au premier étage, avec l'histoire et la géographie. La littérature et les langues sont aux deuxième et tout ce qui est scientifiques c'est le dernier étage. Pour le reste c'est au rez-de-chaussée. Plus ou moins.
— Comment t'as su que j'étais nouvelle ?
Il hausse les épaules.
— Je t'ai vu avec ton petit papier complètement perdu ce matin.
Je m'arrête net.
— Et tu ne t'es pas dit que tu aurai pu m'aider à trouver mon chemin ?
Il éclate de rire et me dit d'avancer.
— Je pensais que tu allais te débrouiller, je ne pouvais pas deviner que t'étais si nulle en orientation.
Je lui accorde ce point avant de me concentrer sur le chemin que nous prenons. Si je veux pouvoir le retrouver à l'avenir il faut que je mémorise tout autour de moi.
Après une dizaine de marches et trois virages dans des couloirs que je jurerai ne jamais avoir emprunté je me trouve enfin devant l'accueil.
— J'espère pour toi que ça sera Éva et pas Tobias, il ne supporte pas les gens en retard.
Super. Felix s'adosse au mur en me disant qu'il m'attend. Je le remercie et pousse la porte de l'accueil où j'ai la surprise de voir que ce n'est plus Eva, la gentille femme qui m'a donné mon emploi du temps de ce matin mais bien ce fameux Tobias. J'arbore mon plus beau sourire et m'approche de son bureau.
— Bonjour, excusez-moi.
Il lève brièvement la tête en soufflant. Je ne pensais pas qu'on pouvait traduire un « vous me faites chier » si facilement avec un simple regard.
— Super chemise ! Tentais-je en regardant le tissu vert à carreaux que Tobias porte.
Il ne prête pas attention à ce que je dis. Ça ne va vraiment pas être du gâteau. Je me racle la gorge.
— J'ai besoin d'un billet de retard, j'étais absente lors du premier cours et ...
Il me coupe, le visage moins crispé.
— Alors il vous faut un billet d'absence.
Il faut y mettre du sien Tobias, moi non plus je n'ai pas envie d'être là aujourd'hui et pourtant...
— J'étais juste en retard et je n'ai pas osé interrompre le cours en plein milieu, mentis-je.
Il croise les bras, déterminé à m'emmerder.
— Billet d'absence, qui sera donc signalé à vos parents.
Je m'apprête à le supplier, il ne connaît pas Libby et la vie qu'elle me ferait si elle venait à apprendre que j'ai raté mon premier cours mais on m'interrompt.
— Elle était avec moi, je lui ai fait visiter le lycée avant les cours et je l'ai mise en retard.
La fille aux cheveux roses de tout à l'heure s'adresse à mon nouveau meilleur ami.
— Allez Tobias, c'est la rentrée... Insiste-t-elle en souriant.
Il lève les yeux et me tend un billet de retard à contre-cœur.
— Merci Tobias, dis-je satisfaite.
Je sors de ce foutus accueil, victorieuse. Félix se redresse surpris.
— Oh alors tu es tombé sur Eva ! Lance-t-il.
La jeune fille aux cheveux roses sort à son tour et s'approche de moi.
— La prochaine fois attend qu'Eva revienne, Tobias n'est vraiment pas commode et je pourrai pas te sauver la vie à chaque fois.
Elle me fait un clin d'œil avant de faire volte-face et partir dans le sens opposé.
— Tu connais Daisy Colman ? Demande Felix surpris.
Je fronce les sourcils et vois la silhouette de cette fameuse Daisy disparaître.
— On s'est juste croisées ce matin dans les toilettes et là elle m'a sauvé la vie avec Tobias mais je ne connaissais même pas son prénom avant que tu me le dise à vrai dire.
Il sourit en coin et croise les bras.
— Qu'est-ce qu'elle a de si spécial cette Daisy alors pour que tu sois surpris qu'on se connaissent ?
Félix se décolle enfin du mur et commence à marcher, je le suis de près attendant une réponse
— Faire amie-amie avec la fille du directeur dès le premier jour, ça ouvre des portes, dit-il en montrant mon billet d'absence.
Mon cœur s'accélère. La fille du directeur ?
— Du directeur du lycée ?
Felix fourre les mains dans ses poches.
— Pas du coiffeur du coin en tout cas.
Puis je réalise : mon premier cours séché, la cigarette dans les toilettes. Oh merde...
— Et elle est sympa ?
Je ne sais pas trop ce que je cherche, mais si elle en parle à son père : je suis cuite.
Felix s'apprête à me répondre mais un groupe de garçons nous interrompt.
— Oh Grant, déjà à courir après les filles dès le premier jour, lance l'un d'entre eux.
Un autre passe son bras autour de ses épaules et lui ébouriffe les cheveux.
— On a pas eu de nouvelles de toi de l'été, on comprend mieux pourquoi maintenant.
Je me fais presque bousculer par un autre.
— Lâchez-moi les gars, dit-il en riant.
Il me regarde désolé, je lui lance un « à plus » et m'éloigne en écoutant ses amies lui lançant une dizaine de vannes à la minutes. Quelle journée.

Fix meOù les histoires vivent. Découvrez maintenant