Julio Aguilera :
Tout bascula à l'aube de la neuvième année suivant la création des refuges.
Cela faisait alors déjà des jours que je portais un très mauvais pressentiment en moi. Les éléments étaient perturbés, les tempêtes et autres catastrophes naturelles se multipliaient, et cela en plein été ! Nos montures se montraient nerveuses, effrayées, et l'ensemble de la faune et de la flore semblait agité. Tous ces événements apparaissaient clairement à mes yeux comme des présages de mauvaises augures... Hélas, le temps n'aurait su mieux donné raison à mes craintes.
Un matin, alors que je tenais conseil auprès des miens à Solaria, un messager arriva en toute hâte de Lunaria. Son récit était à glacer le sang. Il nous rapporta que son refuge avait subi une attaque, que les Cavaliers de la Lune avaient réussi, certes, à refouler, mais aux prix de sérieuses pertes. Selon le jeune demi-dieu, les assaillants, des monstres, seraient sortis de nulle part, leur proximité du col d'entrée de Lunaria étant bien trop grande, ils avaient alors contraint les défenseurs à intervenir, ne leur laissant guère le temps de s'équiper adéquatement. Le jeune guerrier, épuisé, était donc venu implorer l'aide des Gardes d'Argent, à la demande de son commandant Quino Dizino, blessé durant le combat. Lui ayant promis le départ de mes troupes pour Lunaria aux premières lueurs du jour suivant, je m'étais alors retourné vers les officiers de mon clan, une question taraudant mes lèvres : comment ces créatures avaient-elles bien pu s'approcher autant de l'entrée d'un des refuges ?
La conclusion qu'on en tirait semblait irréelle, comme sortie tout droit d'un cauchemar, mais elle apparaissait également comme la seule plausible. Si nos ennemis pouvaient dorénavant parcourir nos terres et nous traquer, cela signifiait que le voile protecteur de Yesenia n'était plus actif, et qu'il y avait forcément une raison à cette catastrophe. A présent vulnérables, la nouvelle question demeurait alors, pour nous, de savoir qui avait battu en brèche nos défenses et était susceptible de nous frapper à nouveau, à tout instant. Hélas, une fois de plus, la réponse ne tarda pas...
En effet, une fois la nuit venue, alors que je dormais avec mon petit ami, Léandro Parejo, confortablement installé dans mes bras, sa tête reposant sur mon torse nu, une clameur terrible vint brutalement briser notre cocon de chaleur et de douceur.
Quittant notre lit en prenant soin d'enfiler un sous vêtement, je m'étais alors dirigé vers notre balcon. A peine avais-je eu le temps de repousser les rideaux qu'une vive lumière rouge était alors venue envahir notre chambre, m'éblouissant avec force. Trouvant mon chemin à l'aveuglette jusqu'au balcon, ma vue s'était finalement adaptée avec peine, pour n'offrir à mes yeux qu'un spectacle des plus terribles.
Le refuge de Solaria était en proie à un véritable chaos. Une cacophonie générale de « Ils sont là ! », « nous sommes perdus ! », « mettez-vous tous à l'abri ! » émanait des nombreux demi-dieux sortant en catastrophe de leurs villas respectives. L'ensemble du paysage était surplombé d'une Lune de sang, baignant la vallée d'une aura pourpre. Des cieux chutaient de minuscules points lumineux, qui, en se rapprochant de mon champ de vision, se transformaient en véritables boules de feu, comme si le ciel s'abattait sur nous en une infinité de lambeaux enflammés. Ces débris incandescents venaient s'écrouler sur les habitations, provoquant des incendies aux quatre coins du refuge.
Mon attention obnubilée par le désastre se tenant devant moi, je tardais à apercevoir un point orangé chuter en ma direction à grande vitesse. Lorsque mon regard se redressa et entra enfin en contact avec l'objet en approche, il était trop tard, j'en étais certain, j'allais périr... Mais alors que je me préparais à l'impact, la chaleur écrasante disparut soudain, la pression de l'air chuta, et une sensation de vide s'installa tout autour de moi. Cette sensation je ne la connaissais que trop bien. Léandro se tenait devant moi, vêtu lui aussi d'un simple sous-vêtement, une aura de noirceur pure l'entourant. De ses mains, il avait réussi, à la dernière minute, à commander les ombres afin de former un bouclier improvisé. Les flammes ricochaient sur les murs d'obscurité de mon petit ami, les lambeaux incandescents éclairant nos visages de brefs éclats lumineux, à la manière d'une pluie d'étoiles filantes.
Me redressant, je m'étais alors approché de Léandro, toujours dos à moi, et l'avais saisi par les hanches pour l'enlacer.
-Tiens bon mon amour... Lui avais-je alors soufflé au creux de l'oreille, essayant de l'encourager à tenir du mieux possible.
Le jeune demi-dieu dans mes bras répondit d'un timide sourire, ses iris, comme tout son corps, marqués par la concentration, dans la tentative de maintenir les ombres sous ses ordres afin de nous protéger. Inspirant son odeur, mes lèvres s'étaient alors légèrement étirées en un sourire, à la seule pensée que Léandro restait juste sublime, même en un moment pareil.
Ses yeux ambrés, ses cheveux bruns, ses mèches rebelles retombant sur son front, son corps finement musclé... tout était parfait chez Léandro. Lui fils de Pluton, moi fils d'Hélios, l'on n'aurait su faire plus opposés, mais c'était justement cette différence qui faisait notre force. Et c'était dans cet instant précis que je m'étais alors rappelé chaque instant que nous avions savouré depuis que nous nous étions mis en couple. Notre premier baiser dans les airs alors que nous chevauchions nos pégases sous le coucher de Soleil ; nos après-midis sur la plage, Léandro lisant un livre, assis entre mes jambes, son dos reposant contre mon torse ; notre première fois, nos corps enlacés s'offrant l'un à l'autre durant une brulante nuit d'été, le son d'une légère brise marine venant seul accompagner celui de nos soupirs et râles de plaisir...
Ayant resserré ma prise sur ses hanches, sentant le corps de mon petit ami faiblir, les flammes nous assaillant disparurent presque simultanément à l'instant où le bouclier protecteur d'ombres céda. Epuisé, Léandro s'effondra alors immédiatement dans mes bras, ayant puisé jusqu'à la dernière goutte de son énergie afin de nous protéger.
J'avais alors soulevé le corps de mon petit ami à la façon d'une mariée, portant mes lèvres à son visage afin de lui murmurer :
-A mon tour de nous sortir de là mi Angelito...
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SUNFALL Tome 1 : La Chute de l'Olympe
Fiksi PenggemarLes Dieux ont failli. La prétendue victoire finale sur la déesse mère n'était qu'un leurre. Gaia est de retour, plus puissante et dangereuse que jamais, dévorée par sa folie vengeresse. Nico di Angelo ne le sait que trop bien, seul il n'aura aucune...