Les mots de Gabriel tourne dans ma tête depuis hier soir. Après qu'il m'ait dit cela, j'ai pris mes jambes à mon cou et suis partie de cette soirée qui commençait à sentir mauvais pour moi. On va dire que ce matin mon niveau de stress est au plus haut. Je prends la grosse épreuve de la journée et du week-end, Eliot est ici, Gabriel veut creuser mon passé que j'essaie d'enterrer comme je peux et Antoine sait une petite partie de ce dernier. Heureusement que j'étais fatiguée de ma journée d'hier parce que sinon je pense que je n'aurais pas fermé l'ooeil de la nuit.
J'ai plus ou moins éviter le groupe ce matin et je pense que cela n'a pas échappé à Danaë et Antoine. Tant pis, je fuirai la conversation s'ils viennent me voir. Après tout, je ne suis bonne qu'à ça : fuir. En soit, qu'est-ce que cela pourrait changer s'ils étaient tous au courant ? Pas grand chose. Ils sont gentils à m'inviter à leurs soirées, mais c'est parce qu'on se parle régulièrement. Je ne suis pas sûre que ce sera la même chose après. Je commence à les apprécier et à baisser ma garde avec certains, mais on n'est jamais trop prudent pour le faire rapidement.
- Je trouve ça amusant de te recroiser ici après ces années Garance.
Je sursaute et me fige sur place. Un frisson d'effroi traverse ma colonne vertébrale alors que je me concentre sur mon appareil photo et la piste qui est face à moi. Manque de chance, la pause pour remettre le sol à plat tombe pile à ce moment là. Le garçon à ma gauche me regarde, je le vois du coin de l'oeil, il me fixe. Je ne réponds rien : j'espère que face à mon manque de réaction il s'en aille mais c'est peut-être trop espérer venant de lui.
- Tu n'as pas changé en tout cas, juste murit avec l'âge.
- Oh tu parles maintenant, il souffle, ton ton calme et implacable ne m'a pas manqué en tout cas.
Je ne peux retenir un léger sourire face à ses paroles. C'est vrai qu'avant le départ de ma jument, j'étais plutôt neutre dans mes expressions : j'intériorisais tout. Maintenant, à force de trop intérioriser, je dois relâcher la pression plus souvent, mais avec tout ce que j'ai pu pleurer ces derniers jours, je suis plutôt sereine.
- Tu étais encore défoncé hier ce que j'ai compris.
- Ouais, il rit, j'étais très loin. D'ailleurs j'ai cru que c'est toi qui viendrais me calmer. A l'époque tu étais plutôt bonne pour ça.
Je lève les yeux au ciel et porte de nouveau mon regard sur la piste où le tracteur a fini de passer la barre.
- C'est mieux que je coupe les ponts avec ce qui me raccroche de Duchesse.
- Alors que fais-tu avec eux ?
- C'est une très bonne question.
Eliot hoche la tête et finit par s'en aller. Je ne comprends pas vraiment ce changement d'attitude mais je préfère ne pas chercher à comprendre. Je me reconcentre sur mes photos lorsque le premier cavalier de cette deuxième partie d'épreuve entre en piste. J'aurais aimé pouvoir me concentrer sur ce dernier.
- D'abord je découvre que tu connais plus que bien ma mère, et ensuite que tu connais aussi plus que bien Duchesse.
Gabriel. Sa main se pose sur mon épaule et me tourne violement vers lui. Mon corps entier se crispe et je n'arrive pas à remonter mon regard de mes pieds pour affronter le sien. L'angoisse m'envahie peu à peu.
- C'est donc ça que me cachait mes parents par rapport à leur lien avec toi. C'est toi qui l'a achetée.
Je suis incapable de répondre. Trop pétrifier pour oser bouger et affronter ses yeux, qui, à cet instant, doivent lancer des éclairs vers moi.
- J'espère qu'elle va bien au moins.
Je plaque ma main sur ma bouche et réprime un sanglot. Oubliez ce que j'ai dit tout à l'heure; je suis de plus en plus faible au fur et à mesure que le temps passe. C'est clairement visible avec l'évocation du nom de mon ancienne jument. Ce sujet revient beaucoup trop sur le tapis ces derniers temps.
- Répond-moi.
Je relève mes yeux vers lui à l'entente de sa voix. Il est beaucoup plus calme qu'à l'instant. Il s'est subitement adoucis. Est-ce de la pitié ?
- Elle, commençais-je la voix tremblante, elle est morte.
Ma voix s'est brisée sur la fin de ma phrase. Je n'ose même plus le regarder. J'ai envi de fuir une nouvelle fois. Je ne peux retenir un sanglot. Je plaque de nouveau une main sur la bouche comme si cela m'aiderait à la garder fermer. Je sens mes larmes dévaler le peu de joues visible et continuer leurs routes sur la main qui est toujours à la même place.
Une main attrape le bras qui est relié à la main sur mon visage et tire sur ce dernier. Je relève enfin la tête vers le châtain, mais je suis incapable de déchiffrer une émotion sur son visage. Il m'attire contre lui et passe ses bras autour de mon corps.
Sa chaleur m'enveloppe et cela réussi à calmer mes sanglots. Je ne me retiens pas et passe, à mon tours, les bras autour de son buste. La tête contre son torse je tente de me retenir de pleurer. Sa tête se pose sur le haut de la mienne. Dans ce cocon, je me sens en sécurité, comme s'il s'agissait d'une barrière face à tous mes problèmes, ou même les problèmes en général. D'une main il frotte mon dos pour calmer les spasmes de mon corps liés à mes pleurs. Je ressers ma prise autour de lui comme si je m'agrippais à une bouée de sauvetage. A ce moment précis, il joue un peu ce rôle, il m'aide à se pas me noyer dans mes vieux démons.
- Je suis désolé, chuchote-t-il.
Cette phrase. Cette phrase que j'ai déjà dite à sa mère alors que je m'excusais pour ne pas sa lui avoir ramener sa jument. Pourquoi s'excuse-t-il alors ce serait à moi de le faire ?
- Je n'ai pas été cool avec toi hier. Je comprends mieux pourquoi tu ne voulais pas en parler, continuait-il sur le même ton qu'avant, j'imagine que ma mère t'en a parlé.
Je me contente de hocher la tête et me décolle légèrement de lui pour le regarder dans les yeux. Je tente de sourire et cela semble le faire rire. C'est tout ce que je veux voir. Après cette annonce, je veux le voir sourire.
grncelagarde
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