Je n'ai jamais répondu à son message. Sous le choc de ce que je venais d'apprendre, de comprendre, j'avais laissé tomber mon téléphone sur le carrelage de ma cuisine. Il a explosé sur le sol. Il s'était retrouvé autant fissuré que mon coeur. J'ai dû en prendre un nouveau puisque l'ancien était clairement mort. J'ai donc eu une bonne raison de ne pas répondre. Mais, ce que j'avais oublié, c'est que ce Week-end nous nous revoyons à l'occasion du Grand National. J'ai préparer ma valise à contre-coeur, bien trop angoissée pour pouvoir y aller de mon plein gré; si je n'avais pas les obligations envers le magazine pour qui je bosse, j'aurais renoncé à m'y rendre.
Je claque le coffre de ma petite voiture rouge que j'ai pu acheté récemment. Même si j'étais sur un concours il y a deux semaines, l'ambiance a réussi à me manquer. Je souffle un bon coup et m'avance sur le site, accréditation et appareil photo autour du cou et sac sur le dos. Les premières épreuves du samedi ont débuté il y a un petit quart d'heure, merci les bouchons sur la route de me faire arriver en retard. Ma casquette sur la tête pour me cacher du soleil je me concentre sur la piste afin de prendre les meilleures photos possibles. C'est ma première sortie officielles pour le magazine, j'ai la pression et je veux rendre le meilleure travail possible.
- Garance ?
Je sursaute et peste, j'ai raté ma photo à cause de cette personne. Je me retourne, prête à râler, mais je me retiens rapidement.
- Angelica.
Ma voix meurt au fond de ma gorge, sous le choc. Je m'appuie sur la rembarde de la carrière et tente de paraître normal.
- Comment vas-tu ?
Alors que je lui réponds, je la dévisage de haut en bas : elle est en tenue de concours. C'est sûr puisqu'elle a ses chevaux a sortir et à préparer pour les prochains internationaux. Il me semble que le prochain grand rendez-vous est en France.
- Lubin m'a dit pour Duchesse, elle souffle, je suis désolée.
- C'est moi qui m'excuse, rétorquais-je la gorge serrée, je n'ai pas pu vous la ramener.
- De quoi est-elle morte ?
- Fracture au pré, on a dû la piquée, je retiens un sanglot, elle aurait trop souffert de faire sur box ou être dans un petit paddock car elle n'aurait pas eu le droit de faire autre chose que du pas, et encore.
Alors que j'allais exploser en sanglot, elle vient me prendre dans ses bras. Les larmes coulent doucement, en silence, sur mes joues.
- Tu n'as as à t'en vouloir d'avoir fait passer sa santé et son bonheur avant le tiens, chuchotait-elle.
- Si tu savais comment elle me manque, sanglotais-je.
Elle ressers sa prise autour de mes épaules un instant avant de se détacher de moi. Une voix nous fait toutes les deux tourner la tête : il s'agit de Antoine. Un garçon est aussi dans son dos mais je ne le vois pas. Au même moment, Gabriel entre sur la piste. Je vois le visage de la femme à mes côtés s'illuminer. Alors c'est vrai, Gabriel est le fils d'Angelica et Lubin. J'imagine donc qu'Antoine est le fils d'Andréa et Eryne puisqu'ils sont cousins.
Ce dernier s'approche d'ailleurs de moi. Il me sourit en guise de salut et je me concentre à prendre des photos. A la fin de son tours, sans-faute, il lance un regard en notre direction. Je ne croise pas directement le sien puisque je suis sur mon appareil, mais à travers l'objectif, je peux voir son regard se poser sur moi. Je sens un frisson parcourir mon dos lorsque nos regard se croisent réellement alors que je baisse mon appareil photo. Ses yeux bleus ne reflètent aucune émotion contrairement à la dernière fois que nous nous sommes vu. C'est limite s'il me dévisage mais qu'en même temps il me regarde simplement. Je ne me sens pas à l'aise. Peut-être l'a-t-il vu ou senti dans mon regard ou sur moi en général, car il détourne ses yeux de moi pour se concentrer sur la porte qui s'ouvre quelques mètres devant lui.
- Vous vous connaissez déjà, remarque Angelica.
- Ouais on l'avait vu au dernier concours à la maison, répondait Antoine avant de me sourire et de s'éloigner.
Je souffle et me détends enfin. C'est à ce moment là que je remarque à quel point j'avais pu me crisper pendant ce lapse de temps.
- Ils ne savent pas que-
- Non, la coupais-je, pour l'instant c'est mieux comme ça.
- Tu avais dû les croiser à l'époque, même en coup de vent. Mais choisis bien tes mots si tu veux parler de Duchesse. Surtout avec Gabi.
Je souris face à ce surnom, il apporte un peu de douceur suite au poids qu'elle vient de mettre sur mes épaules. Un poids pesant, comme un fardeau. Je ne sais même pas si je veux en parler avec eux, mais même si je ne connais pas vraiment les garçons, je pense qu'ils pourraient être bien curieux par rapport à ma relation avec la cadette des Calabresse.
- J'ai cru comprendre que tu es en soirée avec eux ce soir, soyez raisonnable. Tu ne montes pas mais j'imagine la concentration que c'est d'être photographe.
Elle s'éloigne sur ces dernières paroles. Je la regarde partir.
- Donc tu connais ma tante.
Je sursaute et me retrouve face à l'aînée des deux cousins : Antoine. Il sourit face à ma réaction et je ne peux m'empêcher de l'envoyer chier. Soin rire redouble et je le fusille du regard.
- Sinon, comment vous vous êtes connues, j'ai cru comprendre que tu ne montais plus et puis tu ne peux as être une de ses cavalières sinon je me souviendrais de toi.
- On va dire qu'à une époque j'ai monté avec elle pendant un court moment. Et puis je l'ai prise plusieurs fois en photo sur des concours donc bah elle me connait aussi de là.
- Si jeune et déjà autant de contactes, quand on te dit que tu as un réel talent ce n'est pas pour rien !
Je fuis légèrement son regard, gênée, pour quoi ? Je ne saurais le dire, mais je le suis.
- Tu ne montes pas toi ?
- Je fais l'épreuve de cet après-midi.
- La Pro Elite !
- Et ouais, ma première en Grand National.
Je lui souris et pose ma main sur son épaule en signe d'encouragement.
- Tu viens toujours ce soir sinon ?
- Bien sûr ! Enfin si vous voulez toujours de moi.
- Evidemment, Danaë va être heureuse de te revoir. On ne va pas beaucoup la voir puisqu'elle passe presque ca journée à cheval ou à groomer.
Je ris avec lui lorsqu'il laisse échapper un rire et nous prenons le chemin du restaurant du concours afin de pouvoir remplir les ventres qui crient famine.
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lagardephotographie 😎 Photo du beau Aritmetik des Saline (@antoinecalabresse)