Ensorcelé

Chapitre 13

Agathe marqua une pause. Ce moment de silence me permit de réfléchir à toutes les implications que cela avait. Jusqu'à présent, elle n'avait utilisé le sort de transformation que sur moi et jamais sur elle-même. Pourquoi ? Et puis le vague souvenir d'une phrase que m'avait dit ma sœur Émilie quelques années plus tôt au sujet d'Agathe affleura à la surface de ma mémoire sans que je puisse tout à fait la saisir. Mais qu'avait-elle dit ?

- Tu peux imaginer, reprit Agathe, que j'étais anxieuse à l'idée de ne pas pouvoir lire ce sort. J'ai recopié le texte en vieux français du mieux que j'ai pu et j'ai passé des semaines à faire des recherches pour traduire chaque mot. Le rédacteur des lignes avait vraiment fait de son mieux pour confondre les éventuels lecteurs et obscurcir le sens de sa formule. Mais plus j'étudiais, plus je réalisais que c'était dans mes propres connaissances de la magie que je trouverais la solution. Quand je suis arrivée à en déchiffrer les neuf dixièmes, je me mis à consulter tout mon arsenal de sorts pour en trouver un qui m'aiderait à compléter les manques. J'ai fini par avoir une copie fidèle et compréhensible de ce parchemin. Toutefois, pour ne pas prendre de risque au moment où je le mettrais en pratique, j'ai tout repris à zéro, plusieurs fois. Et à chaque fois, j'ai fini par retrouver la même formule. Il me fallait ensuite l'expérimenter sur quelqu'un. Et pour ça, il me fallait une personne d'importance à mes yeux car cela demandait une grande intimité et une bonne dose de confiance... La suite, tu la connais.

Agathe se mit à rire. Le reste, en effet, je le savais. Cette soirée avait été incroyable. Quelques minutes de transformation suivies d'une nuit de plaisirs. Et là, j'avais été transformé trois fois dans la même journée. Des questions me vinrent et je me risquai à les lui poser.

- Dis-moi, ce matin quand j'ai été emporté lorsque tu es sortie de la voiture, il s'est passé quoi exactement ? Parce qu'avec ce que tu viens de me raconter, je ne comprends pas.

- Lorsque que tu t'es envolé, tu as perdu le contact avec moi et donc tu es redevenu toi-même, tout simplement.

- Pourtant je t'ai entendu prononcé une formule. Je pensais que c'était toi qui m'avais fait reprendre mon apparence.

- Non, ce que tu as entendu c'est ma tentative pour retarder ta transformation. Je te voyais te métamorphoser au milieu de la rue et j'ai eu peur que d'autres personnes le voient aussi. Mais comme le disait la sorcière qui a annoté le parchemin, cela est impossible. Tu es redevenu homme sans que je puisse rien y faire.

- D'accord, je comprends. Si je peux encore me permettre, explique moi ceci. Tu as utilisé le sort quatre fois sur moi : culotte, chapeau, gant, jupe. Cela veut dire que je ne pourrai plus prendre cette forme là ?

- Tu ne pourras plus prendre la forme de cette culotte, ces gants, etc... Je devrais faire attention à l'avenir, d'ailleurs je devrais peut-être les marquer un peu de magie pour me rappeler quels objets j'ai utilisés.

- Et pourquoi tu n'as jamais utilisé le sort sur toi ?

- Et bien, si je m'étais trompée dans mon sort de transformation sur un homme, j'aurais pu toujours demander de l'aide à mes sœurs en sorcellerie. Avec leur aide, nous aurions probablement trouvé une façon d'annuler tout ce qui avait été fait. Il y avait un risque, mais il était léger. Il y avait plus de chance que tu ne te transformes pas du tout plutôt que de te transformer entre autre chose ou bien même que tu restes bloqué en étant le double de ma culotte. Le risque était vraiment minime et je gardais la possibilité de prendre mon téléphone pour demander de l'aide.

- Tu sais, à un moment, j'ai eu peur de rester une culotte tout le restant de ma vie. L'être quelques instants, je veux bien, mais toute une vie...

- D'autant plus que tu ne pouvais pas exprimer cette peur, n'est-ce pas ? Tu ne pouvais pas me parler.

- Non, tout ce que je pouvais faire c'était bouger. Et encore cela demandait beaucoup effort et j'ai besoin de pas mal de pratique pour le faire sans trop m'épuiser.

- Parfait, répliqua Agathe, maintenant, supposons que j'ai d'abord essayé le sort en premier sur moi et que cela ait mal tourné. Que serait-il advenu ? Je n'aurais pas pu appeler de l'aide et personne n'aurait su. Je me serais retrouvée prisonnière de cet aspect. Et si je l'avais fait devant toi, à qui aurais-tu demandé de l'aide ?

- Oui, c'est sur. Il y a à peine plus de vingt-quatre heures, j'ignorais que les sorcières existaient vraiment et que tu étais l'une d'elles. J'aurais eu du mal à en trouver une autre. Je suppose que vous n'avez pas de site internet pour vous contacter ou une association en règle avec vos statuts déposés en préfecture.

- Non, me confirma ma petite amie, un large sourire illuminant son visage. Nous ne procédons pas comme ça, en effet. C'est pourquoi je laisse de côté cet aspect là de ma magie. Pas avant que j'ai pu en discuter avec mes sœurs. Quand notre clan se réunira la prochaine fois, j'en discuterais avec elle.

- Et quand aura lieu cette réunion ?

- À la prochaine pleine lune... fit-elle avant de plaquer sa main sur sa bouche comme pour retenir ses paroles. Oups, je n'aurais pas dû dire ça. Oublie ce que je viens de dire Hugues, s'il te plaît ! Je ne suis pas censée parler du clan à des non-initiés. Et tu n'es pas initié.

- Oh tu sais, même sans être expert en sorcellerie, il y a quand même des idées générales la concernant qui circulent. Même si pour nous, les non-initiés comme tu nous appelles, ça reste du domaine de la légende urbaine. Donc le fait que vous vous rassembliez les nuits de pleine lune n'a rien de très étonnant. La seule chose qui m'intéresse est de savoir si vous vous retrouvez vraiment nues sous la lueur de la lune ou pas, plaisantai-je.

- Tu es un petit vicieux mon chéri. Plus sérieusement, quel genre de sorcière suis-je selon toi ?

- Mmh, je pense que tu dois être une sorcière blanche. Je ne pense pas que je serais tombé amoureux d'une experte en magie noire.

Cette réponse me valut un baiser.