Chapitre 33

64 6 0
                                    


L'avant veille du sabbat, j'avais fait parvenir à chacune des sorcières de mon clan de brèves instructions qu'elles devaient scrupuleusement suivre. La première était de se faire accompagner durant la réunion par un homme de leur choix digne de confiance. Pour que ceux-ci acceptent, elles devaient leur dire qu'une surprise les attendait. La seconde était de se munir d'une série d'objets dont j'avais dressé la liste.

Les réunions du sabbat se déroulaient dans un petit chalet que je possédais en dehors de la ville. L'endroit nous permettait de nous retrouver les nuits de pleine Lune et était suffisamment à l'écart pour ne pas attirer la curiosité.

Le soir du sabbat venu, Hugues et moi saluâmes chaque sorcière et son accompagnateur au fur et à mesure de leur arrivée. Les hommes étaient dirigés vers le bar que tenait Luc le mari d'Émilie, ma meilleure amie et toute récente belle-sœur. Les femmes se rendirent dans la salle des cérémonies où nous nous rencontrions habituellement.

Natacha Déhaisse fut la dernière à arriver, traînant derrière elle un mari qui n'avait pas l'air d'apprécier de se retrouver là.

- J'espère que cette réunion ne sera pas une perte de temps, Agathe, fit ma rivale. Je te rappelle qu'il t'en cuirait.

- Ne t'inquiète pas Natacha, je pense que tu seras surprise par ce que j'ai à vous dire.

- Je te le souhaite. Ou...

- Je ne pense pas qu'il y aura un ou, la coupai-je.

Natacha renifla et se dirigea vers la salle où se trouvait réuni l'ensemble du clan.

- Bon, je crois que c'est le moment, soufflai-je. Tout le monde est là. Maintenant il va être l'heure de ton petit numéro.

- Parfait, me répondit mon mari.

- J'enverrai Émilie te chercher quand je serai prête.

Hugues m'embrassa et me répéta qu'il m'aimait avant de rejoindre les autres hommes près du bar. Je me dirigeai vers mes sœurs en magie.

En pénétrant dans notre salle des cérémonies, je balayai l'ensemble de l'assemblée du regard. Mon clan était formé de treize sorcières. En apparence, nous n'avions pas grand-chose en commun. Nos âges allaient du début de la vingtaine à la soixantaine pour Elvira, notre doyenne. Même si je connaissais les idées de chacune, je ne pus m'empêcher de recalculer qui parmi elles seraient mes alliées et mes adversaires. Trois d'entre-elles étaient de mon côté. Natacha, ma rivale en comptait également trois. Cela signifiait que l'avenir de notre clan se jouait avec les cinq autres membres du clan. Pour que je sois destituée, il fallait que sept sorcières votent pour mon renvoi ce qui occasionnerait la perte de mes pouvoirs. Si c'était le cas, mon clan se tournerait alors vers Natacha et son envie de convertir le clan à la magie noire. Cette perspective m'était insupportable et je devais tout faire pour que l'on ne parvint pas à cela.

Lors de notre dernière réunion, Natacha m'avait lancé un ultimatum : comme notre magie se nourrissait en partie du sexe et de nos pouvoirs sur les hommes, je devais faire la preuve de ma capacité à séduire et contrôler un homme devant le clan sous peine d'être destituée par un vote. L'ultimatum lancé, le vote devait avoir lieu. Ce fut pour cette raison que je devins plus audacieuse envers Hugues, l'homme que j'aimais en secret depuis des années mais qui semblait ne pas voir les sentiments que je nourrissais pour lui.

Elvira, en sa qualité de doyenne, prit la parole. Cette tâche m'était normalement dévolue, mais comme j'avais été défiée lors du précédent sabbat, je m'étais vue suspendre provisoirement d'une partie de mes prérogatives.

- Il est temps de commencer ! Nous ne commencerons nos rituels qu'après avoir traité les questions en suspens depuis notre dernier sabbat. Agathe a maintenant l'occasion de démontrer qu'elle est digne d'être des nôtres et de nous diriger en faisant preuve de ses facultés et de son pouvoir sur un homme. Ensuite nous discuterons et nous voterons les deux mentions présentées par Natacha lors de notre dernière rencontre. Est-ce que tout le monde est d'accord ?

Il y eut des hochements de têtes de la plupart des participantes.

- Bon, Agathe, il est temps pour toi de faire une démonstration.

- Merci Elvira. Émilie, s'il te plaît, veux-tu aller chercher Hugues pour moi ?

- Oui, Agathe.

Émilie partit et revint quelques instants plus tard accompagnée de son frère. Celui-ci était entré en contact mental avec moi avant même de pénétrer dans la salle.

- Je te sens nerveuse mon amour. Ne t'inquiète pas, tout va bien se passer.

- Je l'espère. Excuse-moi par avance pour ce que je devrais te faire faire.

- Je t'aime, et ce qui doit être fait sera fait.

En franchissant la porte, Hugues observa chacune des sorcières avec hauteur puis il traversa la pièce pour venir s'agenouiller devant moi et m'embrasser la chaussure. Même sans un mot, je le sentis déverser en moi tout un flot d'émotions visant à m'apaiser.

- Ce n'est pas assez ! Vous n'allez tout même pas croire que j'allais me satisfaire de ça ! s'emporta Natacha.

- Silence, ordonna Elvira en levant la main pour imposer son autorité provisoire.

- Avant toute chose, je voudrais signifier à celles qui doutaient de mon intérêt pour les hommes, que j'ai épousé cet homme. Qu'il est un sorcier très prometteur et qu'ensemble nous sommes parvenus à lier un lien magique psychique particulièrement intense. Vous n'êtes pas sans savoir que cela n'est possible qu'en cas d'amour sincère entre deux sorciers. Maintenant, Hugues, s'il te plaît, fais le tour de la pièce et embrasse les pieds de toutes mes sœurs.

Hugues se redressa et avança vers la sorcière la plus proche de moi.

- Non, intervins-je. Pas comme ça. Avance à quatre pattes.

Mon mari obéit. Nous nous étions préparés à toutes les éventualités durant notre lune de miel, et celle-ci en faisait partie. La plupart des sorcières retirèrent leurs chaussures et présentèrent leur pied quand Hugues se présenta devant elles. Natacha poussa la perversité jusqu'à lui fourrer de force son gros orteil dans la bouche et lui ordonna de le sucer.

- La garce, ne pus-je m'empêcher de penser.

Mais encore une fois, mon homme me communiqua des ondes qui avaient pour but de me rassurer et fit ce que mon adversaire lui avait ordonné.

Quand il revint vers moi, je tapotai sur le siège installé à mes côtés.

- Assieds-toi ici, Hugues. Tiens ma main gauche.

Il m'obéit. De ma main droite, je sortis un foulard en soie bleu.

EnsorceléOù les histoires vivent. Découvrez maintenant