Chapitre 8

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Un quart d'heure plus tard, Agathe stationnait son véhicule devant chez moi. En sortant trop rapidement de la voiture, elle me heurta contre le haut de la portière ce qui me fit tomber. Surprise, elle poussa un petit cri de terreur. Une rafale de vent fort mal venue, accompagnée par le passage d'un camion, suffirent à m'emporter loin d'elle et de tout contrôle. Même si mon quartier était paisible, à cette heure du jour de nombreux véhicules circulaient car les gens partaient au travail ou se rendaient au marché voisin. Agathe dut intervenir. Bringuebalé dans tous les sens, descendant ma rue à vive allure, je me mis à ressentir les effets d'une nouvelle transformation. Je reprenais apparence humaine. Certes, cela ralentit ma course incontrôlée, mais je fus rapidement nu, affalé sur le béton, au milieu du trottoir.

Dès que je fus stabilisé sous mon aspect d'origine, Je me précipitai entre deux voitures en stationnement. Au loin, une femme conduisant ses enfants au parc situé deux rues plus loin approchait dans ma direction. Mes voisins de la maison en face de la mienne se trouvaient également dans leur jardin avec une vue directe sur mon entrée. J'étais pris au piège, plein de poussière, légèrement écorché et nu.

Agathe fut rapidement à mes côtés.

- Hugues, comment ça va ?

- Je peux dire que j'ai connu mieux. Mais vite, il faut faire quelque chose, je ne peux pas rester caché ici.

Mon envoûteuse prit les choses en main avec vivacité. Elle retira sa veste dans un premier temps et la passa autour de ma taille. Certes, ce n'était qu'une solution provisoire, mais elle parait au plus urgent.

- Où sont tes clés de maison, je ne les trouve pas ?

- Dans ma veste de costume, je crois.

N'ayant pas eu le temps de se saisir du sac de voyage, il nous fallait retourner à la voiture. Mais certainement pas dans cette tenue. Si la femme aux enfants était passée à notre hauteur sans faire attention à nous, mes voisins montaient toujours la garde devant chez eux. Il était donc impossible de les éviter. Pire encore, une voix se fit entendre au loin.

- Il y a un problème mademoiselle ?

La voix s'était rapprochée. Agathe fit preuve d'une grande rapidité dans sa réaction. Elle fouilla rapidement dans son sac à main et en retira un gant noir, de ceux qu'elle utilisait pour manier les objets poussiéreux dans sa boutique. Aussi vite qu'elle le put, elle posa une de ses mains sur mon épaule et se mit à prononcer un nouveau sort à toute vitesse. Toujours pas remis de la précédente métamorphose, je fis de nouveau les frais d'un nouveau rétrécissement. Deux secondes à peine après être devenu la copie conforme du gant qu'elle tenait dans son autre main, mon voisin arriva à notre hauteur.

- Tout va bien... Monsieur... J'avais juste perdu mon gant. Mais je l'ai récupéré. Tout va bien, fit-elle d'une voix maladroite.

L'homme haussa les épaules en la dévisageant comme s'il avait croisé une folle furieuse, puis s'en retourna sans prendre la peine d'ajouter quoique ce soit. S' il avait pris la peine de bien y regarder, mon voisin aurait vu qu'il s'agissait de deux gants pour une même main droite.

Agathe retourna à son véhicule sans relâcher sa prise sur moi et mon « jumeau ». La sensation n'avait rien d'agréable et je pouvais ressentir le stress qui la tenaillait. Elle fouilla dans le sac de voyage pour en extraire mes clés puis se dirigea vers la porte d'entrée, accompagnée par le regard inquisiteur des voisins.

- L'est pas là, éructa l'homme.

- Oui oui, je sais, répondit Agathe tout en esquissant un sourire aussi détendu qu'elle le put. J'ai ses clés.

Quand nous fûmes enfin à l'abri de toute curiosité, ma sorcière poussa un profond soupir puis se dirigea vers le salon où elle s'effondra sur mon canapé – qui n'avait aucun des attributs particuliers dont recelait le sien.

- Mon petit Hugues, je crois que nous sommes passés pas loin de la catastrophe tous les deux.

Elle eut un petit rire nerveux puis elle déclara avoir besoin d'un peu d'eau. Tenant toujours sa paire de gants, elle se leva et se rendit dans ma cuisine.

- Mmmh, fit-elle, tu es vraiment un homme très ordonné. Tout est propre et bien ordonné chez toi.

Sans être maniaque, j'avais, il est vrai, le goût de l'ordre pour chaque chose. Chez moi, tout était à sa place.

- Où ranges-tu tes verres, demanda-t-elle tout en fouillant mes placards les uns après les autres.

Toujours sous l'apparence d'un gant, je ne pouvais lui être d'un grand secours. Mais je sentais grandir en moi un certain agacement de la voir agir de la sorte, sans la moindre gêne. Finalement, elle trouva les verres et en remplit un avec de l'eau du robinet. Après en avoir bu deux gorgées, elle me dit :

- J'ai eu tellement peur, que j'ai bien cru que j'allais me faire pipi dessus. Heureusement que je ne t'avais pas transformé en culotte.

Le verre dans une main, les gants dans l'autre, Agathe retourna dans le salon et se rassit. Elle posa un gant sur le canapé, à côté d'elle. Seulement, ce gant n'était pas le bon. Moi j'étais toujours fermement tenu dans sa main qu'elle venait de placer sur ses genoux. Elle murmura quelques mots inaudibles.

- Allez Hugues, tu devrais reprendre ton apparence plus vite que ça, s'agaça-t-elle en fixant l'autre gant. Si cette méthode ne fonctionne pas, je vais devoir en utiliser une autre plus rapide qui risque d'être plus désagréable pour toi.

Joignant le geste à la parole, elle lança son sort d'une voix tonitruante. Instantanément, je redevins moi-même, nu et allongé sur le dos sur ses genoux, avec sa main ferme posée sur mon sexe qui n'en demandait pas tant pour prendre vie. Comme si elle avait été piquée par mon dard, elle retira sa main.

- Oh ! cria-t-elle, en renversant la moitié de son verre d'eau sur moi. Tu m'as fait peur...

- Qu'est-ce que je devrais dire alors ? Tu as essayé de transformer le mauvais gant, puis tu m'as agrippé par la queue... et pour finir tu vides ton verre sur moi.

Nous éclatâmes tous les deux de rire devant le grotesque de la situation et surtout de soulagement après ce que nous venions de traverser

EnsorceléOù les histoires vivent. Découvrez maintenant