Ensorcelé

Chapitre 25

La matinée fut une véritable course contre la montre, chacun de notre côté. Entre les rendez-vous à reporter, des événements à reprogrammer, le passage chez ma sœur, la fermeture de nos boutiques et pour Agathe la recherche d'une personne de confiance pour nourrir Panthère et enfin les bagages à préparer, l'activité ne manqua pas.

Je fus le premier à quitter la ville en début d'après-midi après avoir loué un véhicule pour les jours suivants. Je pris la direction du nord et allai attendre ma compagne toute la journée sur l'aire d'autoroute où nous avions fixé nos retrouvailles. Elle arriva un peu avant dix-sept heures. Après nous être assurés que tout se passait comme prévu, nous allâmes boire un café dans le restaurant de l'aire d'autoroute. La foule y était peu nombreuse en ce lundi soir. Nous nous installâmes à une table assez retirée du reste des clients.

- Comment a réagi ta sœur, me demanda Agathe avant même d'avoir avalé la première gorgée.

- Elle a d'abord accueilli la nouvelle de notre relation avec un cri de joie avant de me reprocher, avec le sourire, d'avoir mis autant de temps à ouvrir les yeux. Luc était très content pour nous aussi. Nous avons ensuite cherché un moyen pour communiquer nos informations. Tout se passera par la messagerie de Telegram.

- C'est une bonne idée. Malgré nos pouvoirs, nos clans sont restés assez en retrait d'une certaine modernité. Aucun des clans que je connaisse n'a de hacker dans ses rangs assez pointu pour pirater le serveur d'une messagerie.

- Luc m'a dit la même chose. Ils se chargeront de prévenir nos proches en qui nous pouvons avoir confiance, conclus-je.

- Et maintenant, qu'allons nous faire de ces prochains jours ?

- Nous devons trouver un endroit où nous n'avons pas l'habitude d'aller, où personne ne nous connaît et qui ne viendrait pas immédiatement à l'idée.

- Cela exclut pas mal d'endroits, dit Agathe, pensive. Encore plus si nous voulons rester assez peu éloignés.

Nous passâmes en revue toutes les destinations possibles dans un rayon de deux cents kilomètres. La plupart de ces endroits avaient un lien avec nous. L'un ou l'autre y étions passés à la recherche d'articles de qualité pour nos commerces. De plus, toutes les communes avec des antiquaires que nous connaissions étaient également exclues. Cela écarta toutes les grandes villes et une grande partie des villes moyennes de la région. Nous élargîmes le périmètre d'une centaine de kilomètres en nous aidant de nos smartphones pour trouver plus facilement.

Mon attention se porta sur une ville moyenne dotée d'une bonne réputation touristique.

- Là ! Est-ce que tu y es déjà allée ?

- Non, fit Agathe. J'ai dû y passer mais je ne me suis jamais arrêtée. Et c'était il y a pas mal de temps déjà.

- Même chose pour moi. Alors on y va ?

- L'idée me plaît. C'est une jolie ville avec des endroits qui ont l'air sympathiques à visiter.

- Je pense que nous pourrons y être d'ici deux heures et demi. Avant cela, nous devons nous rendre à une agence de location de véhicules pour rapporter ceux que nous avons loués pour tromper d'éventuelles curiosités.

Trois heures plus tard, nous franchissions les portes médiévales de cette ville que nous avions choisie. Sur le trajet, nous nous étions mis en quête d'un hôtel ou d'une location de tourisme. Même si cela se fit dans la précipitation, nous trouvâmes un bed and breakfast situé dans le centre historique de la cité.

Nous y déposâmes nos bagages avant de sortir faire un tour pour nous dégourdir les jambes. L'endroit était charmant. La vieille ville et son château étaient mis en valeur par un éclairage soigné. Nous dînâmes dans une brasserie avant de faire une dernière balade sur les rives du fleuve qui séparait la ville en deux. Durant ces instants, main dans la main, les soucis nous parurent bien loin.

De retour à notre chambre, nous nous couchâmes l'un à côté de l'autre sur le lit aux dimensions XXL. Nous parlâmes longuement de ce que nous voulions faire ensemble dans le futur. Toutefois, la perspective du prochain sabbat du clan d'Agathe pesait au dessus de nos projets comme un nuage noir prêt à déclencher une tempête effroyable. Ma petite amie en était certaine, si elle échouait à maintenir son clan en ordre, elle devrait en subir les pires conséquences sur le plan personnel, pouvant aller jusqu'au bannissement et la perte de ses pouvoirs. Si telle était l'issue, notre ville risquerait de se retrouver sous le joug d'un groupe de sorcières avides de pouvoir et de richesse. Rêver d'un bel avenir ensemble dépendait du résultat de ce sabbat.

- Mon amour, que peux-tu me dire de plus sur tes pouvoirs, ai-je demandé.

- Hormis les pouvoirs de base, chaque sorcière à ses spécificités. Moi, j'ai une appétence particulière pour les objets inanimés. Je peux agir sur eux comme bon me semble.

- Je m'en suis rendu compte avec ta robe de soirée pour le gala, plaisantai-je.

- J'adore jouer avec les vêtements. Je vais te donner un exemple.

Je l'entendis marmonner doucement avec cette même mélodie dans la voix que j'avais découvert depuis peu. Alors que j'étais en boxer et en tee-shirt sur le lit la seconde d'avant, je me retrouvai revêtu de mes habits du jour et elle portait également la tenue dont elle s'était débarrassée dans la salle de bain.. Agathe lança un nouveau sort, j'étais de nouveau en boxer et elle portait sa longue chemise de nuit trop sage. Nos vêtements se trouvaient sur le fauteuil de la chambre, parfaitement pliés et propres.

- Tu vois, c'est un sortilège extrêmement simple. Les vêtements que j'ai portés sont les plus faciles à maîtriser pour moi. Et comme une part de toi est toujours en moi, les tiens le sont tout autant. Je peux presque tout faire.

Elle murmura un autre sort et en un éclair elle se retrouva nue quand moi j'avais sa chemise de nuit sur le corps, les poignets attachés par son soutien-gorge, les chevilles liées par ses bas et sa culotte en bâillon.

- Tu vois ce que je veux dire, s'amusa-t-elle. Oh mais oui, tu ne peux pas répondre, mon chéri.

Au même instant sa chemise de nuit s'envola dans la chambre pour retourner sur un cintre, le reste des vêtements qui m'entravaient filèrent reprendre leur place sur le fauteuil de la chambre.

Ma compagne se pencha vers moi et m'embrassa.

- Je te l'ai dit, je peux presque tout faire. Même ça.

Un objet apparut dans le creux de sa main mais avant que je puisse voir ce dont il s'agissait, je me mis à rétrécir et changer d'apparence. Impuissant, je vis sa chemise de nuit recouvrir son corps et moi devenir si petit que je finis par tenir sur son index et son majeur.

Agathe me dirigea vers sa tête et m'ajusta sur ses cheveux. J'étais transformé en un élastique dont elle se servit pour nouer ses cheveux. Elle s'installa confortablement pour dormir, me souhaitant une bonne nuit par la pensée avant de couper tout contact avec moi.

Je m'endormis aussi rapidement, bercé par la douceur de sa chevelure noire et ses arômes de lilas et de groseilles.