Chapitre 24

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Agathe regarda la bague à son doigt. Mon regard suivit le sien. Elle prit la parole.

- Je ne pense pas que quiconque en ville nous ait vus ensemble avant ce matin. Nous n'avons croisé personne depuis que Hugues m'a fait sa demande et que j'ai acceptée. Je crois même que les derniers à nous avoir vus ensemble sont les personnes que nous avons croisées à la soirée de gala de samedi soir. Et à ce moment là, il ne s'était encore rien passé et nous étions comme les deux amis que nous avons toujours été. Nous n'étions pas encore fiancés, ni même...

- Amants, poursuivit le prêtre en souriant devant l'embarras de ma petite amie. Alors peut-être qu'ils n'en savent toujours rien. Devant les autres convives du dîner, êtes-vous certains de ne pas avoir fait quoi que ce soit de différent qui pourrait porter à confusion et faire naître le doute en eux ?

- Le tango ! laissai-je échapper.

- Oh... c'est vrai. Le tango, rougit Agathe. C'est vrai que c'était un peu inhabituel de notre part.

- Pour le moins. Nous avons dansé qui si nous étions littéralement collés l'un à l'autre.

- Je reconnais que cela portait à confusion, admit ma compagne.

- Qui nous a vus ? Une très grande partie des invités étaient partis ou traînaient au bar. Je ne pense pas que beaucoup de monde nous ait vu pour cette danse. Et pour celles que nous avons faites avant, à part ma maladresse, je ne vois rien qui ait pu attirer l'attention sur nous.

- Alors il y a de grande chance que personne ne soit au courant, conclut le prêtre. Agissons comme s'ils ignoraient le nouveau tour qu'a pris votre relation. Par contre Agathe, pour ta bague... je pense qu'il serait plus judicieux de la retirer ou de la cacher des regards trop curieux. Un gant ou un pansement pourrait faire l'affaire.

- Je ne veux pas la retirer, protesta-t-elle en serrant le poing. Elle représente trop de choses que j'ai longuement attendues. Je vais la dissimuler avec un pansement. Un gant toute la journée en cette saison serait gênant.

- Je dois avoir ce qu'il faut alors, concéda l'abbé en se levant avant de disparaître quelques instants.

Agathe et moi nous regardâmes. Sans rien dire, nos émotions circulèrent de l'un à l'autre. Si des personnes étaient parvenues à empêcher que je sois attiré par elle, de quoi serait capable ces mêmes individus alors que nous étions sur le point de nous marier ? Le prêtre réapparut rapidement en tenant en main de quoi recouvrir la bague.

- Voilà une première chose de faite, annonça le vieil homme. Par contre, je doute que ce soit suffisant pour cacher votre relation. Quiconque vous verrez ensemble saurait à l'instant même que quelque chose s'est passé entre vous et que vous n'êtes plus de simples amis. Je ne vois pas d'autre solution que de vous éloigner pendant le temps nécessaire. Hmm, voyons voir...

Même si cette solution ne m'enchantait guère, je reconnus qu'elle était la plus sage de toutes. Ne plus être vu ensemble était la meilleure façon pour ne pas attirer l'attention.

- Il faudrait que nous soyons séparés, dis-je. Mais uniquement dans l'esprit des gens, car il n'est pas question que l'on se sépare d'ici au mariage.

- C'est la saison des salons en ce moment. Il n'est pas rare que nous fermions nos boutiques pour nous rendre sur les salons ou les foires aux antiquaires.

- Oui, mais pas en même temps. Quand tu pars, c'est moi qui m'occupe de ta boutique et réciproquement. Fermer en même temps attirerait l'attention autant que si nous restions ensemble.

Agathe fit une moue déçue. Mais elle comprit que je disais vrai. Elle chercha une autre solution.

- Si je me souviens bien, il va y avoir plusieurs grosses foires aux antiquaires à Londres dans les jours qui viennent. Elle va durer plusieurs jours, réfléchit ma fiancée.

- Et il y aura des brocantes dans le sud de l'Angleterre jusqu'à la fin du mois. L'un de nous pourrait officiellement s'y rendre.

- Exactement. Tu pourrais dire que tu t'y rends. Pas besoin de préciser dans lesquelles tu irais. De mon côté, je pourrais me rendre en Belgique et aux Pays-Bas. J'y vais une ou deux fois par an pour me fournir là-bas auprès de collègues locaux.

- Tout cela me semble plausible, admit le prêtre. Cela devrait être suffisant pour déjouer la curiosité. Toutefois, il ne faut pas que l'on vous voit partir ensemble. Et je crois qu'il serait plus prudent que vous laissiez vos véhicules derrière vous durant ce périple. Il sera plus facile de passer inaperçu avec d'autres voitures.

- En principe, nous louons des fourgonnettes pour pouvoir rapporter la marchandise que nous achetons, expliquai-je.

- Alors ce sera parfait.

- Par contre, il faudra bien que l'on vous contacte pour l'organisation du mariage, reprit Agathe. Est-ce que Émilie pourrait nous servir d'intermédiaire ?

- C'est une jeune femme sensée et prudente. Elle fera parfaitement l'affaire, accorda le religieux.

- Dans ce cas, j'irai la voir dès que j'aurai mis un avis sur la porte de ma boutique, ajoutai-je.

- Je mettrai un mot sur ma boutique un peu plus tard. Nous devons convenir d'un endroit pour nous retrouver afin de quitter la ville.

- Une aire d'autoroute. La deuxième en quittant la ville vers le nord ?

- Parfait, on s'y retrouve vers 17 heures ce soir, acquiesça Agathe. Une autre chose me revient en mémoire. Quand je voyage à l'étranger pour faire des achats pour la boutique, j'emmène toujours pas mal de cash pour régler la marchandise. Une de mes adversaires travaille à la banque. Elle sera sûrement à l'affût de ce genre de détail.

- Vous êtes des jeunes gens intelligents, nous interrompit le prêtre. Je ne me fais aucun doute sur vos capacités à gérer tout cela. Toutefois Hugues, si tu ne veux pas partir trop tard, je pense que tu ne devrais pas tarder à faire tes bagages. Mais avant de partir, il faut que vous me signiez cette demande de dispense pour l'évêché. Sans elle, je ne pourrais pas vous marier avant le sabbat du clan d'Agathe. Pour le reste, je verrai avec ta sœur.

Nous remplîmes le formulaire que nous tendit le prêtre. Puis, il finit par nous convaincre de célébrer la cérémonie de notre mariage dans une autre église dont il avait la responsabilité, un peu en dehors de la ville. En nous éloignant de notre église familiale, nous diminuions le risque de surveillance. Nous fixâmes la date de la cérémonie pour le samedi après-midi précédent l'assemblée du clan d'Agathe.

EnsorceléOù les histoires vivent. Découvrez maintenant