Ensorcelé

Chapitre 9

- Je pense que je vais attendre un peu avant de porter en public une version de toi transformé. Du moins, pas avant d'y avoir longuement réfléchi, déclara Agathe.

- Effectivement, je crois que ce serait plus sage, admis-je. On revient de loin.

- Mmh, tu comptes rester sur mes genoux toute la journée ? Ou penses-tu aller t'habiller décemment à un moment donné ?

Depuis le petit déjeuner, les événements s'étaient enchaînés et il était temps de reprendre une vie plus normale et surtout plus paisible. Je quittai ma sorcière pour me rendre dans ma chambre et enfiler une tenue confortable et passe-partout avant de la retrouver. Elle se leva quand j'entrai dans la pièce et vint poser ses lèvres sur les miennes. L'accueil était des plus charmants.

- Tu as des projets pour cette journée ? ai-je demandé.

- Que dirais-tu d'aller faire une longue balade ? Maintenant que tu as entrevu ce que je suis réellement, je pense qu'il est temps que nous nous dévoilions tous les deux. Ne serait-ce que pour savoir jusqu'où nous pourrons aller dans le futur au niveau de mes dons.

- Cela me convient. J'aimerais en savoir plus sur toi. Tu es si différente de la fille que je connais depuis l'enfance et que je croise tous les jours. J'ai du mal à croire que tu puisses être la même personne.

- Pourtant, je suis bien la même. C'est juste que je ne peux me permettre de laisser les gens avoir le moindre soupçon sur le fait que je suis une sorcière. L'idée que les gens se font de la sorcellerie est totalement folle et trop souvent ils réagissent violemment. Trop de mes devancières l'ont payé de leur vie.

- Alors laissons-les dans l'ignorance. Moi j'aime cette version de toi, m'écriai-je. Non ! C'est mieux que ça : j'adore Agathe la sorcière !

Cela me valut de voir ses bras se placer autour de mon cou et de la sentir se blottir contre moi pour me couvrir d'une cascade de baisers.

- Hugues... Tu sais... murmura Agathe en rapprochant sa bouche de mon oreille. Je ne me suis pas dévoilée devant toi sans raison. Cela fait si longtemps que j'en avais l'envie. Cela fait des années que j'attends d'avoir le courage de le faire. J'ai souvent demandé à ta sœur des conseils pour que tu changes ton regard sur moi. J'ai souvent eu du mal à supporter ce regard quasi fraternel que tu portais sur moi. Mais je n'y arrivais pas. Émilie me disait que je devais attendre que tu le fasses par toi-même. Alors j'ai attendu... des années. Mais tu ne semblais pas me remarquer comme j'en avais envie.

- Je t'ai toujours vu comme une amie, c'est vrai. Peut-être que j'avais besoin de voir la vraie Agathe. Celle que je ne connaissais pas. Mais maintenant, elle est là, devant moi. Et je la trouve irrésistible.

Nous échangeâmes un long baiser avant de nous séparer. L'euphorie des amours naissantes m'envahit. Nous préparâmes quelques sandwiches, une bouteille de vin et un thermos de thé qui remplacèrent mon costume dans le sac de voyage avant de rejoindre ma voiture, plus confortable que sa petite citadine pour des balades à la campagne. En me voyant sortir avec Agathe, la mâchoire de mon voisin faillit tomber au sol. Quelque chose avait échappé à sa grande curiosité et nulle doute qu'il allait renforcer ses observations les jours prochains. Si ma relation avec une sorcière devait perdurer, il me faudrait faire preuve d'une grande prudence.

Nous quittâmes la ville par la sortie sud. Nous ne savions pas où aller précisément, mais nous avions besoin d'être ensemble. Nous roulâmes pendant plus d'une heure avant de traverser une forêt particulièrement dense. Nous empruntâmes alors une route forestière. Une petite aire à la végétation moins fournie nous parut être l'endroit idéal pour une halte. Comme il était encore trop tôt pour déjeuner, nous nous enfonçâmes à pied sur un petit sentier. Rapidement nous constatâmes que nos connaissances sur la faune et la flore étaient complémentaires. Je connaissais le nom des arbres et des plantes, elle celui des animaux, des oiseaux et des insectes. Nous profitâmes du spectacle de cette nature qui nous environnait. Il nous semblait comme évident de marcher tranquillement, côte à côte, en se tenant par la main, comme deux jeunes adolescents. Notre complicité grandissait à chaque minute.

En revenant vers la voiture, j'eus l'impression qu'Agathe et moi étions ensemble depuis des mois et non pas depuis quelques heures. Un voile s'était déchiré et je la découvrais telle qu'elle était vraiment sans que je m'en sois rendu compte durant toutes ces années. À présent, j'étais subjugué. Assis sur une couverture posée sur un tapis d'herbes foisonnantes, Agathe passa son bras autour de ma taille et moi j'entourai son épaule du mien. Quelques baisers tendres accompagnèrent ce moment rempli d'affection.

- Hugues, fit-elle doucement. Qu'allons nous faire maintenant ?

Au ton de sa voix, je réalisai que cette question ne concernait pas les prochaines heures de la journée, mais notre destin sur un plus long terme.

- Je pense que nous devrions simplement profiter de notre relation au fur et à mesure qu'elle se développera. Nous verrons où cela nous mènera, répondis-je avec le plus grand sérieux.

- Je suis d'accord... mais j'ai aussi envie d'explorer avec toi toutes les possibilités de ma magie. Mais il faut que ce soit avec ton accord car je ne veux pas te contraindre à faire des choses dont tu n'as pas envie.

- Même si je le voulais, je ne pourrais pas changer ta nature. Tu es une sorcière et cela me plaît, la rassurai-je. Et les possibilités que cela offre pourraient être particulièrement excitantes. Alors tout ce que je demande c'est que, quoique tu fasses de moi, fais le avec douceur et amour, s'il te plaît.

- Bien sûr que je le ferai... dit-elle en se serrant plus encore contre moi. Enfin la plupart du temps.

Elle m'adressa un clin d'œil et un large sourire. Je compris que l'amour serait toujours derrière chacun de ses sorts. Mais pour la douceur, ce serait sans doute plus compliqué. Cependant, en repensant à l'excitation que m'avait procurée ma transformation en culotte et à la nuit de sexe intense qui en avait découlé, j'étais prêt à subir quelques moments d'inconfort passager.

ᐧ