Chapitre 10 : Dans mes souvenirs

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Lanaya

— Lana, ne te retourne pas mais y a un mec qui te fixe depuis deux minutes, déclare Angel en découpant minutieusement son pain pour en avoir assez entre son fromage et sa charcuterie.

Ne m'attendant pas à cette déclaration, je m'étouffe – de manière gracieuse et discrète évidemment – avec mes haricots. Le légume long s'accroche à mes amygdales, en équilibre précaire entre la bouche et mon œsophage. Alors que je crache mes poumons sur la table, ma meilleure amie me sert un grand verre d'eau, un petit sourire victorieux sur les lèvres. Je le bois d'une traite tout en la fusillant du regard. Quelle idée de balancer une chose pareille en pleine discussion sur un DS de physique... Elle me répond un petit rire, visiblement pas peu fière d'elle.

Bien évidemment une fois ma respiration soulagée, je ne résiste pas et attrape la cruche pour aller la remplir au distributeur. Une fois près de la machine, je parcours la salle bondée du regard. Quel plaisir de manger à onze heure trente et d'éviter ainsi la file interminable de midi pile. Mon téléphone vibre dans ma poche. Je le sors juste assez pour lire le message qu'Angel m'a envoyé.

Le brun à la table à coté de Raphaël. 

Je range mon portable et relève la tête, à la recherche du roux de notre classe. Je le repère sans mal à sa chevelure auburn. Elle est marrante, Angel, y a quatre tables autour de la sienne ! Et pour m'aider, il y a au moins cinq bruns sur les seize personnes y déjeunant. Déçue, j'attends un moment voir si l'un d'eux va relever les yeux dans ma direction. Mais rien.

— Euh excuse-moi mais... je crois que ta carafe est train de déborder, me hèle une fille assise près du distributeur.

Surprise, je me retourne et retiens une fontaine de jurons devant le flot qui se déverse de la cruche. Je m'écarte d'un bond en constatant que, non seulement ça déborde, mais qu'en plus, l'eau inonde mon sac en bandoulière. Sac qui contient un joli couteau papillon dissimulé dans sa couture et je doute que ce dernier apprécie la douche.

— Merci, lâché-je à la fille tandis que j'éteins la machine et soulève la cruche.

Je la vide un peu dans les grilles posées à cet effet et m'apprête à rejoindre Angel. Concentrée pour ne pas renverser, j'avance sans lâcher la surface d'eau du regard. Je suis avec angoisse les vagues alors qu'elles montent et descendent, dansant tantôt à droite tantôt à gauche, près, bien trop près, du bord. Erreur de débutante. Il faut toujours regarder droit devant soi pour ne pas que ça passe par-dessus bord.

Ce qui devait arriver arriva. Mon champ de vision uniquement réduit au liquide transparent se dandinant et m'hypnotisant par la même occasion, j'entends à peine le « Attention ! » venant de ma droite que je percute quelqu'un de plein fouet. Surprise, j'en lâche ma carafe qui se renverse sur mon chemisier alors que je tombe en arrière, sur les fesses. Des assiettes et verres se brisent dans un millier de tintements aigus. Une violente douleur foudroie le bras avec lequel j'amortis la chute, évitant à mes lombaires une nouvelle séance chez l'ostéopathe.

— Putain... grincé-je en le repliant par réflexe contre ma poitrine.

Mauvaise idée, très mauvaise idée. Le frottement du tissu contre la peau brûlée me rappelle à l'ordre et je secoue le bras pour retirer la sauce bouillante sans y toucher. Mais le mal est fait. Je ferme les yeux, retenant mes larmes et inspire profondément, invoquant le calme nécessaire pour mobiliser mes maigres capacités d'Alementa. La douleur s'estompe d'un iota.

— Ça va ? me demande la blonde que j'ai percutée. Je suis désolée, je ne regardais pas où j'allais.

— T'inquiète, on est deux.

Alementa I - Braise [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant