Chapitre 9 : Observés

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Aimazilia

Reims est une belle ville. Je me le dis à chaque fois que je marche dans les dédales des ruelles, le soir. J'aime cette ambiance qui se dégage des maisons et des habitants. Chacun chez soi, les vaches sont bien gardées. Froid, peu aimable, ce patelin respire à peu près autant la convivialité et la chaleur humaine qu'un Parisien au réveil. De jour, l'effervescence rend la ville active et dynamique si bien qu'on ne ressent pas forcément cette mentalité hautaine. Mais la nuit, tous les chats sont gris comme on dit.

Bref, tout ça pour dire que j'apprécie le fait de ne croiser personne à dix-neuf heures alors que je me prépare psychologiquement à un meurtre.

Je grimpe l'escalier de l'immeuble tranquillement. Si je calcule bien, les dons de Lana ne saurait tarder à se réveiller de leur enfermement forcé par l'azalée. Dante lui a injecté une énorme seringue, il y a environ trois heures. Le délai d'action d'une telle dose est normalement de dix ou douze mais comme Lana est une Double peu sensible à la plante qui plus est, ça ira plus vite. Il faut bien que j'attende qu'elle en prenne deux nouveaux cachets pour passer à l'action. Si ses pouvoirs étaient régulés, je ne dis pas, mais là... Très peu envie de me retrouver face à un feu incontrôlable créé par une adolescente endeuillée et désespérée. Merci bien, mais très peu pour moi. J'ai le goût du risque, pas encore celui du suicide.

J'arrive devant une porte que je clenche. Fermée... C'est abusé, pourquoi les gens pensent-ils toujours à fermer leur porte avant de partir ? Je me penche alors et commence à bidouiller la serrure. Une minute plus tard, un petit clic satisfaisant retentit et je peux entrer.

J'inspecte les pièces, une à une, couteau à la main. Personne. Tant mieux, ça m'évitera de perdre du temps et d'avoir des corps à faire disparaître. Je pénètre dans le salon ayant pour seul habitant un chat tigré gris ronronnant sur le canapé. Je m'approche de lui et aussitôt, il roule sur le dos pour m'offrir son ventre. Aucun instinct de survie, ces bestioles-là. Je lui caresse délicatement le poil avant de me tourner vers la fenêtre.

Un coup d'œil à ma montre m'indique que les pouvoirs de Lanaya devraient être sortis de leur léthargie. Allez, comme je suis sympa, je leur donne encore dix minutes de tranquillité.

Je m'avance vers la fenêtre que j'ouvre en grand et jette un coup d'œil en bas. Quatre mètres. En me débrouillant bien, je peux descendre par là sans me blesser. Je rajuste ma capuche pour m'assurer que mon visage demeure couvert et replace mon masque.

Le calme de la rue me fait frissonner. À moins que ça ne soit l'excitation ? Le silence de la rue dégage soudain une aura de danger. Comme si une menace m'attendait dans ces ombres. Je secoue la tête.

— Ça va pas, ma pauvre fille, murmuré-je pour moi-même. Tu deviens vraiment folle.

Comme pour confirmer mes paroles, le chat me fait sursauter.

— Miaou, miaule-t-il en se frottant à mes jambes.

— Chaaaaaaaaaaaaaa, sifflé-je entre les dents.

Action, réaction. Le matou se carapate sans demander son reste, à l'autre bout de la pièce, le poil hérissé, d'où il m'observe, les pupilles dilatées. Si seulement on pouvait faire fuir les gens de la même manière. Ça m'éviterait de toujours avoir à tuer. Non mais c'est vrai, quoi... Si tout le monde se préoccupait un peu plus de ses fesses et moins de protéger autrui, il y aurait moins de gâchis et de corps à enterrer.

La lumière s'allume soudain chez le Skopo. Je distingue alors un blond que je ne connais que trop bien discuter avec Lanaya. Enzo est le Skopo. Le Skopo est Enzo. Je le savais, mais je n'avais pas prévu la culpabilité qui m'étreindrais le cœur au moment de tirer.. Je me mords la lèvre, embêtée, avant d'hausser les épaules. Dommage...

Alementa I - Braise [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant