Chapitre 23 : Fuir

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Aimazilia

La mâchoire crispée par la douleur, je roule sans m'arrêter pendant près de vingt minutes. Les paysages défilent sans que j'y prête attention, mettant toute mon âme à prendre le plus de distance possible avec la maison qui m'a vu grandir.

Une main appuyée sur mon épaule blessée pour endiguer un minimum le sang en affluant, je conduis de l'autre par mouvement saccadés et brusques. Même moi qui ne suis habituellement pas malade en voiture, ai envie de gerber, c'est pour dire.

À chaque virage, je prie pour ne croiser aucune patrouille de police ou de radar mobile, car inutile de préciser que je suis bien au-dessus de la vitesse réglementaire. Même de toute vitesse réglementaire. Heureusement, la route est déserte.

Après une dizaine de minutes et surtout une fois certaine que je ne suis pas suivie, je bifurque dans un petit chemin de forêt. Je m'enfonce un peu dans les bois avant de m'autoriser enfin à m'arrêter. Un bruit de moteur résonne alors au loin. C'est pas possible, j'en connais qui n'ont pas dû rouler qu'à 90... Faites qu'ils ne viennent pas par là... Faites qu'ils ne viennent pas par là...

N'attendant pas d'en être sûre pour bouger, je sors de la voiture en attrapant les deux sangs que j'avais dans la boîte à gant. Un mouvement de main et toutes les traces de mon passage ont disparu et je m'éloigne de la voiture en tanguant. Trop tard pour dissimuler la voiture. Les tâches noires ne dansent plus devant mes yeux. Mon sang a quand même dû se régénérer un minimum alors que mes pieds m'entraînent dans la forêt avec l'énergie du désespoir.

Le ronflement d'un moteur se rapproche... Je me fige. Jetant un coup d'œil derrière moi, je vérifie que je ne suis pas visible depuis le chemin. Des voix me parviennent. Merde... si je peux les entendre, ça signifie qu'eux aussi.

Je me laisse alors tomber derrière un arbre et tends l'oreille aux aguets. Le sang bat dans mes veines au même rythme effréné que mon cœur dans ma poitrine. J'ai l'impression d'être complètement vide. Il faut qu'ils se cassent, je ne tiendrai pas longtemps ! Et si je m'évanouis maintenant, je ne me réveillerai pas.

J'appuie un peu plus fort sur la plaie comme pour compenser le temps que je perds à me cacher alors que je pourrais me soigner. Ma main me paraît moins poisseuse. Peut-être que le sang a arrêté de couler. Je ne retire néanmoins pas la pression pour vérifier, peu désireuse de voir le flot reprendre ou redoubler.

Depuis l'incident avec Lana, je garde toujours sur moi un échantillon de sang aux pouvoirs curatifs. Mais j'ai peur que tirer dessus maintenant me vide encore plus de mon énergie.

J'entends les sbires de mon père s'agiter et commencer à fouiller les bois. Je bénis un court instant avoir choisi une parcelle de pins bas pour fuir, car en hiver, je n'aurais trouvé grande cachette dans une forêt dénudée. Les feuilles bruissent. Je les entends bien trop nettement pour qu'ils soient loin. Pas par-là, putain, pas par-là, dégagez... S'ils me tombent dessus, c'est la mort assurée. Les pas se rapprochent de moi. Mon corps se glace alors que je me colle contre le tronc comme si je pouvais disparaître à l'intérieur.

— Elle n'a pas pu aller si loin, vu le sang qu'elle a perdu, s'énerve l'un en écartant des branches à, à peine dix mètres de moi.

— Justement, il faut juste la trouver. Le patron la veut vivante. Sa bagnole est là, elle est donc forcément dans le coin. Il suffit de chercher.

Ils font alors demi-tour et continuent de fouiller les buissons et herbes hautes aux alentours de ma voiture. La sueur perle sur mon front. Ils ne décamperont pas. Pas avant d'avoir mis la main sur moi. Je ne peux même pas fuir car ils entendront directement le bruit et rapliqueront. Et je ne suis pas en état de battre qui que ce soit au cent mètres.

Alementa I - Braise [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant