Chapitre 18 : Immergées

176 36 120
                                    

Lanaya

Tirée d'un coup sec vers le haut, je m'éloigne de cette terrible soirée à une vitesse vertigineuse. Je veux hurler, mais Ursula semble avoir piégé ma voix dans son coquillage maudit. C'est quoi ce délire encore ? Je m'envole toujours plus haut. Un souffle démentiel fait pression sur mon ventre, me coupant la respiration.

Soudain, la tendance s'inverse. Les fils qui m'entrainaient vers le ciel, lâchent. Mon estomac se retourne et mon cœur vrille alors que je tombe à pic. Mes cordes vocales restent figés alors que mon esprit hurle sa terreur.

Ma chute me paraît durer une éternité. Une infinité de secondes durant laquelle je ne peux qu'observer l'obscurité se rapprocher. Je suis condamnée à attendre ma mort en silence.

Puis tout s'arrête. La pénombre autour de moi est silencieuse, calme. Je fais l'erreur de penser que c'est terminé, que je vais me réveiller près de Lyanna. Mais l'expression « le calme avant la tempête » n'a jamais été aussi réelle.

Des coups de feu. Des explosions. Des cris de peur. De douleur.

Tout s'enchaîne. Je ne semble plus avoir de corps. Plus de sensations, plus de toucher. Seuls les bruits et les odeurs me parviennent. Je ne suis qu'une spectatrice aveugle, un esprit plongé dans le chaos.

Tout paraît aller si vite autour de moi. Le froid qui mord, le vent qui gifle, l'eau qui envahit et alourdit les vêtements. J'ai conscience de ces éléments sans pour autant les percevoir. C'est très étrange. Étrange et douloureux.

Je passe tout à coup de cette sorte de vide particulier à une explosion de sensations. Toutes empreintes de souffrance. Ma tête me lance comme si une épée me la transperçait de part et d'autre. Mes yeux se mettent à piquer, ma langue à brûler et ma respiration devient difficile. J'ai l'impression de me noyer. Les vagues me submergent de tous les côtés. Je me débats, encore et encore, contre cet ennemi invisible. Privé de toute consistance, un hurlement silencieux m'échappe, aussitôt étouffé par les flots.

Je suis immergée. Je sombre, inévitablement. Mes poumons crient leur manque d'oxygène, mon cerveau se contorsionne. J'ai mal, si mal... Le sang pulse dans mes veines, encore bouillant de vie. J'ai peur. Peur de mourir.

Je m'agite, pousse sans pour autant être sûre de ne pas me précipiter vers les profondeurs. Même l'énergie du désespoir commence à m'abandonner, jugeant ce combat perdu d'avance. Je tombe, tombe sans ancrage, telle une pierre à la fin d'un ricochet.

Ça y est, je ne tiens plus... Je vais ouvrir la bouche... Mon cœur ne bat plus.

Une brusque lumière m'aveugle. Je me redresse d'un bond, prenant une longue goulée d'air. Le corps appuyé contre quelqu'un, je panique, luttant pour reprendre mon souffle. Ma poitrine se soulève brusquement comme si chaque inspiration était la dernière.

— Tranquille, tranquille, me dit une voix calme, dont les bras m'enserrent dans un étau oppressant. Respire à fond.

Le ventre tremblotant, je tente de me concentrer sur ce que la personne me dit. Mais mon cœur, avide de vie, bat la chamade et mes poumons semblent coincés dans une boîte sous vide. L'instinct de survie est plus fort que tout.

Une inspiration, trois expirations.

— Voilà, tranquille, répète la voix, sans se départir de sa sérénité.

Je me blottis, grelottante, contre le corps chaud qui m'étreint. Puis peu à peu, la peur de mourir me quitte, mon rythme cardiaque se calme et ma respiration reprend un cycle plus régulier. Le silence autour m'apaise.

Une inspiration, une expiration.

Je souffle, infiniment soulagée, tremblant cependant de tout mon corps. Je garde, malgré tout, les yeux fermés, craignant de replonger dans cet enfer si j'ai le malheur de soulever les paupières.

Alementa I - Braise [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant