Chapitre 5: Tout vient à point à qui sait attendre

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Aimazilia

Je caresse du bout des doigts le manche de ma dague. Je suis avec fascination les contours de la rose sculptée. La tige entoure joliment la garde pour donner naissance à une sublime fleur au niveau de la lame. Tant de beauté en une arme si dangereuse. C'en est presque paradoxal. Fascinée, je laisse mon index glisser le long du côté tranchant, fin et étincelant. Elle doit mesurer entre quinze et vingt centimètres, pas plus. Quinze ridicules centimètres qui peuvent mettre un terme à des vies trois fois plus longues. D'une main, je la soupèse. Légère et simple à dissimuler, elle est encore affutée comme une lame de rasoir. En y repensant, je bénis le fait qu'elle se soit enfoncée dans mon épaule, et non dans mon dos ou mon ventre où elle aurait fait des dégâts bien plus graves que la simple éraflure qu'il me reste de ma dernière rencontre avec l'Alementa du feu.

Je roule des épaules en reposant avec précaution le poignard sur mon bureau, au milieu de mes devoirs de maths enfin terminés. Ashley a failli avoir ma peau. Elle l'aurait d'ailleurs eue si je ne l'avais pas privée de ses pouvoirs le temps de lui faire passer mon message. Je secoue la tête pour chasser ces souvenirs. Tout est terminé à présent puisqu'elle est morte. J'effectue un nouvel étirement qui fait protester l'ensemble de mon corps. J'aurais peut-être dû dormir cette nuit au lieu de la passer à gambader sur les toits pour mettre en place mon plan. J'accroche mes poignards à ma ceinture et passe mon carquois de flèches dans mon dos. Je reste persuadée que malgré les dires de mon père tuer l'Alementa du feu n'était pas stratégique pour eux. Ashley voulait tellement que sa fille ait une vie normale qu'elle ne représentait aucun danger, jamais elle ne se serait ralliée au Conseil des Anciens contre nous ou n'aurait dérangé ses actions.

En revanche, Lanaya ne sera pas la même Flamme et j'ai bien peur qu'en tuant sa mère, mon paternel ait propulsé dans le camp ennemi une arme de destruction massive. Elle est pleine de colère, de rage, un feu bien plus féroce que celui d'Ashley brûle en elle. Je l'ai senti dès notre première rencontre. Certes, sa mère l'a élevée dans la haine du Conseil et de notre monde, mais sous la tristesse, le chagrin, le besoin de vengeance, elle risque d'oublier cette haine. Les ennemis de nos ennemis sont nos amis comme on dit. 

Et cela mon père et ses alliés ne l'ont pas pris en compte. Je hausse les épaules. Tant pis pour eux, tant mieux pour moi, après tout. Malgré la précipitation dans laquelle m'a propulsée mon géniteur avec ses décisions irréfléchies, j'ai réussi à tirer mon épingle du jeu. Il est bien trop occupé à éliminer tous les Alementas isolés ayant connu l'influence des Anciens pour s'occuper de mes actions. Les pouvoirs se transmettent ainsi à leurs enfants, plus téméraires, plus influençables et donc plus dangereux. Avides de vengeance, ils se rangent de notre côté de leur plein gré. Car rares sont les Alementas hors des camps qui parlent de leur passé à leur enfant. Ils les croient ainsi plus en sécurité dans l'ignorance. C'est vrai dans une certaine mesure. Car à la mort de leurs parents, ne pas savoir ne les protège pas. Je dirais même que par leur ignorance, ils prennent leur élan pour se jeter dans la gueule du loup. Et le loup est toujours au bon endroit pour les dévorer.

Je passe ma cape et rabats ma capuche sur mon visage. La réunion doit commencer dans quelques minutes, je vais être en retard. J'ouvre mon armoire et actionne le mécanisme débloquant la porte secrète. Mon père va me demander de partir à la recherche de Lanaya pour la ramener chez nous. Je passe donc en revue les fioles de sang que j'ai à ma disposition. Mon regard s'arrête sur celle qui contient le sang d'Ashley. Le verre a fondu et le liquide carmin a attaqué le bois de ma planque. Je soupire et saisis deux pincettes pour tirer ce qui reste du contenant. C'est ainsi à chaque fois qu'un Alementa meurt. Son sang dans ma réserve disparaît et laisse des traces différentes selon le pouvoir qu'il possède. Une fois ma cachette nettoyée, j'attrape alors les différentes fioles et les glisse dans une poche spéciale qui me permet de sentir leur essence facilement. Je referme précautionneusement le placard et quitte ma chambre. J'ai déjà cinq bonnes minutes de retard. Sans me presser pour autant, je gagne la salle de réunion d'un pas tranquille. Je frappe et entre, sans attendre de réponse.

Alementa I - Braise [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant