Alementa I - Braise [TERMINÉE]

Chapitre 7 : Epuisée

Lanaya

— Dante est fort, Lana, me rassure Enzo tandis que je me laisse choir sur le canapé, vide de toute énergie. Il va s'en sortir. Peu importe le temps qu'il lui faudra... Il s'en sortira...

Je passe mes mains sur mon visage. Je ne dois pas craquer... Pas maintenant... Mes épaules sont secouées de sanglots intarissables. J'aurais aimé être aussi persuadée qu'Enzo. Mais il n'était pas sur ce toit avec nous. Il n'a pas vu Dante s'écrouler, épuisé, torturé par son Alementa. Il n'a pas vu le sang tacher son débardeur à cause de ses téléportations incessantes. Il n'a vu ni l'amour ni la détermination ni l'épuisement qui brillaient dans ses yeux juste avant qu'il n'effectue sa dernière téléportation. Celle qui lui a coûté ses dernières forces. Celle qu'il m'a offerte pour que je sois en sécurité au détriment de lui-même. Comment puis-je ne serait-ce que songer l'abandonner ?

— On peut au moins aller voir... le supplié-je. Je t'en prie Enzo...

Ce dernier ferme les yeux comme pour faire taire son chagrin. Dante est son meilleur ami, son frère. Ils ont toujours été très proches. Plus qu'un duo, ils étaient une famille. Je n'imagine même pas ce qu'il doit ressentir à l'idée de devoir le laisser aux mains du FSG. Pourtant, il n'hésite pas à prononcer les mots qui le condamneront, une douleur infinie dans le regard.

— Non, Lana. Ça mettrait en danger tous les Alementas de la ville. Si rien ne bouge après sa dernière opération, le FSG peut encore croire à deux cas isolés. Si on commence à y retourner, c'est fichu. Ils vont comprendre que nous sommes plus et remueront la ville jusqu'à au moins te retrouver toi. Plus aucun Alementa ne sera alors en sécurité. On ne peut pas se le permettre, surtout pour un résultat probablement négatif. Je suis vraiment désolé, Lana, mais Dante va devoir se débrouiller seul pour le moment.

Une inspiration, deux expirations.

J'aimerais dire que ses mots ne m'atteignent pas. J'aimerais lui répliquer que tout cela ne me concerne pas, que je m'en fiche. J'aimerais tous les haïr autant que je hais le Conseil des Anciens, ne pas penser à ces enfants innocents qui n'ont pas choisi leur famille, ne pas songer à leur chagrin, à leur peur, quand ils devront quitter tout ce qu'ils connaissent. Leur maison, leur école, leurs amis... En somme, j'aimerais être égoïste... Malheureusement, je n'y arrive pas. Je ne peux pas leur infliger ça... C'est au-dessus de mes forces. Je ne connais que trop bien le scénario stressant et marquant d'une fuite. Qui suis-je pour leur imposer ça ? Pour les arracher à tout ce qu'ils connaissent et aiment ? Personne. Je ne suis personne.

Les images de la journée me harcèlent tels des oiseaux en furie, me griffant et me becquetant. L'alarme au lycée, Dante qui se jette du toit pour échapper à la police, ces dons infernaux qui s'agitent dans mes veines, le corps inerte de maman, et Dante encore et toujours. Le chagrin s'avance à nouveau dans mon dos pour réconforter et me prendre dans ses bras, couteau à la main. Une forme floue apparaît à mes côtés. Une main translucide vient essuyer mes larmes d'un geste doux.

— Ne pas culpabiliser, ne pas regretter, fuir sans... récite ma mère.

—... sans se retourner, terminé-je dans un filet de voix.

Elle hoche la tête et s'évanouit aussi vite qu'elle est apparue, une fois certaine que son message est passé. Fuir sans se retourner... C'est si facile à dire. Si difficile à faire. Je ne peux m'y résoudre. Non, je ne peux partir et me reconstruire ailleurs. Je suis désolée, Maman... Je ne le laisserai pas derrière moi. Je secoue la tête pour repousser le chagrin avant qu'il ne me poignarde dans le dos, essuie mes yeux et tends la main pour qu'Enzo m'aide à me redresser. Mes idées mettent une dizaine de secondes à s'éclaircir. Une inspiration, deux expirations. Une fois debout, je lui demande d'une voix calme, encore pleine de sanglots.