Chapitre 20.2 : Défiée

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 Mon cerveau met un temps de trop à analyser la situation. Un choc sourd sur mes côtes m'arrache un grognement de douleur. Rodée par les années d'entraînement, je tire sur mes bras, contracte les abdos et me hisse sur la branche. Je ne pensais pas un jour remercier à ce point ma mère pour ses séances d'accrobranches nocturnes illégales. Et sans harnais, bien entendu.

Je prends aussitôt de la hauteur pour éviter un nouveau coup. Les arbres ici dénudés ne jouent pas en ma faveur. J'observe rapidement l'arme que Lyanna tient dans la main. Deux espèces de barres métalliques cylindriques dont le diamètre doit faire une dizaine de centimètres reliées par une chaîne sombre. C'est une arme japonaise. Son nom m'échappe mais je l'ai déjà vue plusieurs fois utilisée dans des séries à l'instar de ces petites étoiles tranchantes. Si mes souvenirs sur son maniement sont exacts, le meilleure moyen de la rendre inoffensive est de rompre la chaîne qui unie les deux barres. Une fois en pièces détachée, l'arme perd une grande partie de sa force.

J'inspire profondément pour calmer une fois de plus ma respiration. Poussée par l'adrénaline, je ne m'en étais pas rendue compte, mais ma cheville commence à sévèrement protester. J'essuie la sueur qui perle dans mon cou et qui m'arrache un frisson. Je déteste cette sensation. Ma main masse un court instant mes côtes engourdies. Un liquide poisseux coule sur mes doigts. Un nouveau nom d'oiseau traverse mes lèvres. L'arme a dû m'érafler plus que je ne le pensais. D'en bas, le regard de Lyanna est posé sur moi. Calme comme d'habitude. Plus aucune trace de ce combat qui s'est mené tout à l'heure dans ses prunelles. Je me demande même si je ne l'ai pas imaginé. Je hausse les épaules avant de m'ébrouer. Quand faut y aller...

Je ne prends même pas la peine de m'accrocher à une branche pour faire balancier et me laisse tomber sur le sol à l'opposé de Lyanna. Une onde de choc et de douleur se propage dans la partie inférieure de mon corps. Je me redresse d'un bond et attend cette fois-ci que mon adversaire vienne à moi. J'affronte ses iris grises en jouant distraitement avec mes poignards. Une minute passe. Puis une autre. Je ne ferai pas le premier pas. Pas cette fois. J'attends, ignorant les lionnes qui rugissent en moi.

Indifférents à notre rixe, les bois craquent. Les fourrés tressautent. Des feuilles mortes bruissent. Le silence de la forêt est le seul silence capable d'être aussi oppressant par ses bruits. Un sifflement prend alors le dessus sur le vent dans les branches. Lyanna rompt notre contemplation et fait passer son arme d'une main à l'autre. La tenant par un cylindre, le second fend l'air dans des arabesques et voltiges parfaitement maîtrisées. La blonde avance petit à petit. Je ne bouge pas. Elle avance encore. Je ne fais pas le moindre mouvement. Le souffle provoqué par la barre aérienne fouette presque mon visage. Je ne la lâche pas des yeux. Lorsqu'elle est assez proche, Lyanna tente une attaque. Je l'évite en reculant. Mon regard ne dévie pas de ce maudit cylindre qui me nargue. Elle en essaie une deuxième, combinant dextérité, rapidité et puissance. J'esquive d'un mouvement sur la droite la barre qui visait mon genou. Puis celle se destinant à mon épaule. Le rythme offensif de Lyanna augmente comme si elle prenait en assurance. Je suis contrainte de reculer, je ne cherche même plus à percer sa défense, préférant éviter les coups qu'en donner. Mon attention ne quitte pas ses mains pendant que mon cerveau mémorise chaque enchaînement. Toujours les mêmes, dans des ordres différents.

Soudain, mon pied bute dans une racine que je suis obligée d'enjamber pour ne pas tomber. La barre métallique me frôle la joue. Mon cœur loupe un battement. Je me remets en position de défense, déterminée à en finir. Je reconnais alors le premier mouvement d'une série familière. Je connais la suite. C'est le moment ou jamais. Mon bras se détend, comme un diable jaillissant d'une boite. Le cylindre me frappe l'épaule et je tressaille en serrant les dents, la douleur estompée par la perception satisfaisante de la chaînette entre mes doigts. Aussitôt, mon feu se jette dessus. Le métal fond en quelques secondes et coule avant de s'évaporer. Un sourire victorieux s'étale sur mes lèvres.

Alementa I - Braise [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant