Chapitre 39 : Brisée

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Lanaya

Effondrée entre deux hommes, l'Alementa du Vent n'a même plus assez de force pour tenir sa tête. Ses vêtements sont déchirés par endroits et imbibés de sang. Je suis trop loin pour distinguer avec précision ses blessures mais sa peau semble ouverte et malmenée. Et vu l'angle étrange de son bras qui pend sur le côté, je ne serais pas étonnée qu'il soit brisé. Mon cœur s'accélère et je fronce les sourcils. Je comprends alors ce qui a malheureusement attiré mon regard. Sa chevelure argentée n'est plus qu'un vague souvenir. Les mèches qui pendent au-dessus de son visage sont carmines.

— Tu passes par derrière et tu libères Lyanna, m'ordonne Cameron.

— Attends, tu ne vas pas t'occuper d'une foule entière à toi seul ? C'est suicidaire ! protesté-je.

Il me répond par un sourire malicieux avant de s'engager dans la rue les mains dans les poches. Je me retiens de le rappeler. Ça ne ferait qu'attirer l'attention sur nous. Je serre les dents avant de me détourner. Cameron doit savoir ce qu'il fait. Après tout il n'est pas du genre à agir sur un coup de tête comme il dit.

Je suis le long baraquement sur le côté opposé à la horde de loups enragés pour contourner la place principale et arriver devant la foule en folie ou en furie dans notre cas. À l'angle du mur, je suis accueillie par un snipper qui achève sa descente du toit. Encore ? Ce n'est pas possible... Dans mon malheur, la chance se décide enfin à me sourire car lorsque le gus épaule son fusil pour tirer, un déclic annonce un chargeur vide. Saisissant l'occasion, je lance un premier poignard que le gars dévie de la crosse de son arme. Une lame scintillante apparait alors à chacun de ses poings et il avance à grandes enjambées. Je l'attends, prête à le planter dès qu'il sera à ma portée. Mais soudain il s'arrête, un rictus aux lèvres. Ce n'est pas bon ça, pas bon du tout. Avant que je n'aie le temps de faire quoi que ce soit, deux pics de glace jaillissent à deux pas de moi et foncent à une vitesse inouïe vers ma gorge avec la ferme intention de me décapiter. Par réflexe, mes dons s'agitent dans mes veines et tire sur leurs chaines crées par l'azalée. Chaines qui cèdent dans un éclat de douleur. Je pousse un cri alors que ma température décolle en flèche. Les stalagmites – ou stalactites, enfin peu importe – fondent avant de me toucher. L'eau bouillante s'évapore dans un nuage de vapeur qui profite aussi bien à moi qu'à mon ennemi. Le mot sublimation s'impose dans mon esprit longuement formaté par mon prof de physique. Bref, ce n'est pas vraiment le moment.

Je plisse les yeux et me fiant à la densité d'énergie plus qu'à ma vue, je lance un nouveau poignard. Un bruit de corps qui s'effondre. Je ne vérifie pas que mon adversaire est réellement mort et profite des derniers reliquats de brouillard pour me faire la belle. Les armes de lancer sont celles que le mec à l'accueil m'a gracieusement offert alors pas besoin de les récupérer. Je me dépêche de contourner la maison en ruine pour retrouver une rue adjacente à la place centrale. Les paroles de l'orateur me parviennent de nouveau. La foule n'étant qu'à deux pieds de moi, je me faufile parmi les gens.

— Lyanna, tu nous as planté un couteau dans le dos alors que nous avons choisi de t'héberger malgré ton origine. Tu as désactivé notre seul moyen de protection contre l'ennemi. Tu t'es rendue coupable de la plus haute des trahisons. Pour ça, nous te condamnons à mort. Ta sentence est immédiate et irrévocable.

Quelle originalité... Contre toute attente, Lyanna trouve alors l'énergie de lever les yeux. De près, je distingue ses blessures avec netteté et mes yeux s'écarquillent d'horreur. Son visage exprime la souffrance dont son corps porte les stigmates. Ses lèvres sont coupées et une des ses joues est ouverte. Elle semble même avoir craché du sang vu les traces sèches qui recouvrent son menton et son cou. Comme si son bras ne suffisait, sa jambe droite est étalée derrière elle, véritable poids mort. Pourtant son regard n'a perdu aucune étincelle et sa voix ne manque pas de cynisme quand elle répond.

Alementa I - Braise [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant