Chapitre 14 : Endeuillée

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Lanaya

La nuit a été calme. Vu la médiocrité de ma journée de la veille, je pensais devoir faire face à une insomnie ou à des cauchemars terribles. Mais rien de tel. J'ai simplement alterné les phases de léthargie plus ou moins comateuses et celles de sommeil réparateur.

Lorsque j'ouvre les yeux, la journée est déjà bien avancée. Un soleil pâle illumine une chambre et les oiseaux chantent à l'extérieur. Les rayons de lumière jouent entre les franges du rideau gris, venant parfois caresser mon visage. Je reste un moment là, allongée, à observer avec attention, le portrait accroché sur le mur, face à moi. Dans les heures proches de l'inconscience, j'ai tellement fixé ce dessin que j'en ai eu mal à la tête. Mais je n'en ai, à aucun instant, remarqué la froide beauté. Lyanna a dû me déposer là après ma perte de connaissance. Elle n'a cependant pas osé me déshabiller ce que je comprends très bien.

Je suis des yeux, les contours du dessin fait au fusain. Représentant un magnifique cheval gris pommelé, broutant au milieu d'une clairière, les traits sont fins et fluides, comme si le dessinateur n'avait eu aucune hésitation. Curieuse, je me lève et approche. J'ai toujours adoré le dessin. C'était les rares moments où je pouvais me permettre de tout oublier. Plus rien d'autre ne compte que le crayon qui glisse sur la feuille. En seconde, j'ai pris l'option art plastique, avant de finalement abandonner pour me tourner vers des matières plus scientifiques ou sportives. C'est d'ailleurs à ces cours de dessin que j'ai rencontré Angel. Mais si moi, je dessinais pour échapper au présent, elle, elle tentait d'oublier le passé.

J'effleure, du bout des doigts, la feuille Canson. L'œil du cheval est particulièrement magnifique. L'artiste a su représenter cette lueur taquine et intelligente qui habite le regard de ce somptueux animal. Il a comme insufflé la vie à son dessin. Me détournant à regret du portrait, je soupire. Il faut que je me bouge. Et que je me décide. Partir ou rester ? Je doute que Cameron ou Lyanna ne me vendent au Conseil, ils l'auraient déjà fait. En revanche, je crains qu'ils ne cherchent à m'entraîner dans leurs histoires. Enzo m'a dit qu'ils agissaient contre le Conseil. Et même si je meurs d'envie de voir les Anciens morts, je refuse d'entrer dans cet univers de violence, de complots et de trahisons. Tout ce que je veux est retrouver Dante et retourner à un semblant de vie normale... Ma mère n'a pas sacrifié sa vie afin de me garder loin de tout ça pour que je foute tout en l'air en me jetant corps perdu dans une vengeance sans fin.

Il doit forcément y avoir un moyen de pénétrer ces foutus centres. On peut échapper au FSG mais pas s'en échapper. C'est un adage tristement connu, surtout parmi les Alementas isolés des camps. Je soupire. Dans tous les cas, je ne vais pas rester là, les bras croisés à attendre. Je me dirige vers l'armoire, d'un pas résolu. Lyanna a dit que je pouvais lui emprunter des fringues ? Qu'à cela ne tienne. J'attrape sans trop réfléchir un débardeur rouge et un pantalon slim noir que j'enfile à la va-vite. La douche sera pour plus tard. Mes yeux se posent sur la table de nuit, attirés par un éclat de lumière. Les timides rayons viennent se réfléchir sur quelque chose. Je m'approche et reconnais avec un certain soulagement tous mes poignards avec leurs étuis. Leur contact suffit à me faire monter les larmes aux yeux. Mon corps est un traître. Je les raccroche à leurs endroits respectifs et me sens aussitôt mieux.

Je pose délicatement le sweat de Dante à côté du lit et sors de la pièce, avant de regretter et de m'y enfermer pour l'éternité si ce n'est plus. Une fois les escaliers descendus, j'inspire profondément pour me donner du courage et pénètre dans la cuisine. Personne.

Je ne sais pas si je dois être déçue ou soulagée. Attirée par l'odeur de nourriture, je m'avance tout de même vers la table. Des biscuits au chocolat et un thé encore bien chaud ont été posés en évidence et m'observent avec des yeux de chiens battus. J'en prends un sachet et commence à manger sans plaisir.

Alementa I - Braise [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant