Chapitre 37 : Dévastée

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Lanaya

Les paupières collées par la transpiration, je lutte pour les rouvrir. Ma tête ballote dans tous les sens, malmenée par la vitesse de la voiture et ses virages intempestifs. Dans un grognement, je parviens à ouvrir les yeux. La forêt défile sur le bas-côté à une telle allure que mon estomac se soulève.

Mon cœur bat bien trop lentement. Il est comme un athlète usé par la course. Un athlète pour qui le repos n'est pas pour tout de suite. Je me frotte les yeux dans l'espoir de m'éclaircir l'esprit mais à part augmenter ma migraine, ça n'a pas grand effet. Je palpe d'un geste fébrile ma plaie au niveau des côtes. Le pansement est propre. Enfin propre dans le sens bien fait car il est déjà imbibé de sang.

— J'ai endigué l'hémorragie.

Je sursaute et tourne vivement la tête. Cameron conduit toujours, le visage fermé mais le regard en alerte. Ses yeux sont d'une clarté pure, reflétant le ciel et mon humeur avec une fidélité effrayante.

— J'ai endigué l'hémorragie mais je ne sais pas si ça suffira.

Très encourageant... Les images me reviennent en mémoire. La sensation de m'effondrer, la maison ravagée, cette dague si imposante. Un haut-le-cœur me secoue brutalement et je m'agrippe à la portière. Lyanna.

— C'est Lyanna qui a été blessée... Pas moi, murmuré-je.

— J'ai bien compris, mais en attendant, tu pisses la rage aussi. Et je ne sais pas si le fait d'avoir arrêté l'hémorragie sur toi suffira à vous sauver toutes les deux ou si peu importe ce que nous ferons tant que sa blessure à elle ne sera pas pansée, vous continuerez à vous vider de votre sang.

Je sens le peu de sang qu'il me reste déserter mon visage. Je n'ai pas pris conscience sur le coup ce qu'il venait de se passer et surtout des conséquences. J'imaginais que nous verrions le pourquoi du comment quand nous serions toutes les deux sur pieds. J'ai entendu ce cheval. Encore. Ce même bruit de sabots qu'à chacun de mes malaises.

— Mes yeux... Est-ce qu'ils sont devenus bleus ?

— Oui...

C'est donc une énième action de mon deuxième don. Décidément, il me fait tomber dans les pommes, reproduit sur moi les blessures des autres... S'il continue comme ça, je ne suis pas sûre qu'on s'entende, lui et moi.

— Donc, ça signifie... Que Lyanna est en danger de mort ?

— Je ne sais pas. Peut-être...

— Mais je n'ai pas ressenti la même chose pour tous les autres, alors pourquoi elle ?

— Je ne sais pas, je n'en sais fichtrement rien ! La question que je me pose actuellement est, est-ce qu'endiguer l'hémorragie chez toi suffira à te sauver... Si tu es vraiment liée à Lyanna et que sa plaie est encore béante, qu'est-ce qui empêchera le sang de s'évader ? Et du coup, ça se répercutera sur toi ? Putain, fait chier ! jure Cameron en donnant un coup dans le volant.

Je ne te le fais pas dire. C'est quoi encore ce bordel ? Depuis quand deux corps de deux personnes qui se connaissent depuis trois jours peuvent-ils être liés à ce point ? Chez des Sentimentaux, ça ne m'aurait que moyennement surprise, mais là... Mon mal de crâne repart de plus belle si bien que je cesse de m'interroger. Ma vie a de toute manière perdu toute cohérence depuis bien longtemps. Néanmoins une pensée vicieuse s'impose et mon souffle s'accélère. Il y a forcément un moyen de neutraliser cette liaison. Il le faut... Je voulais reprendre une vie normale. Une fois Dante et les Doubles libérés, je ne veux pas continuer dans ce quotidien de peur, de vengeance et de combats. Mais comment reprendre une vie normale si à chaque fois que Lyanna ou même quelqu'un que j'ai déjà plus ou moins côtoyé est blessé, tout se répercute à moi ? Je ne veux plus rien avoir à faire avec cet univers de souffrance. Mon rêve a toujours été de tracer une croix dessus, alors pourquoi tout semble s'opposer à ce simple souhait ?

Alementa I - Braise [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant