Chapitre 33 : Difficile

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Lanaya

Je pose un pied hors de la voiture, en blonde cette fois. À peine descendue, je lève les yeux vers l'immeuble de ma mère, la gorge nouée. Les larmes n'ont pas encore coulé, mais je les sens, véritables rapaces, guetter la moindre occasion pour surgir. Tant de souvenirs refluent. Des bons bien entendu comme les soirées avec Dante, les conneries avec Angel et les moments de complicité avec ma mère. Mais aussi les moins bons comme le jour fatidique où tout a basculé, les pleurs après la mort de mon père et la peur qui a hanté ces lieux tant de fois.

Cameron me pousse doucement de l'épaule pour que je bouge, sans faire le moindre commentaire, ce qui ne lui ressemble pas, mais que j'apprécie. Je secoue la tête et recommence à avancer. Si j'avais pu y aller à reculons, je crois que je n'aurais pas hésité.

— Lana, m'interpelle l'Alementa de l'Ombre.

Étouffant le sanglot qui menace de monter, je me retourne. Cameron ouvre le coffre de la voiture et en sort un objet tout en longueur. Il me faut un instant pour reconnaitre des béquilles. Je fronce les sourcils.

— Je les ai commandées à un ami lorsque j'ai vu que tu ne pouvais pas marcher chez Enzo. Je ne savais pas si Alex pourrait faire quelque chose alors j'ai pris les devants. J'ai été les chercher pendant que tu dormais.

Touchée par son attention, je reste un instant sans voix. Il lève les yeux au ciel et d'un signe de tête, me fait signe de les saisir.

— Bon, tu les prends ? Je vais pas faire la statue de la Liberté comme ça pendant cinq ans.

Ignorant sa remarque, je tends la main vers l'objet qu'il me présente. Les béquilles sont blanches, grandes, mais réglables. Mes mains se posent d'emblée sur les appuis ergonomiques et confortables. Celles que j'avais quand je me tordais les chevilles ou les genoux ne l'étaient pas tant et me filaient des cloques au bout de deux jours. Étant trop souvent éclopée, ma mère a fini par m'apprendre à me battre sur une jambe et à profiter des béquilles. C'est d'ailleurs pour ça que ça ne m'a pas inquiété plus que cela quand j'ai vu que ma cheville était HS. Évidemment, je suis soulagée qu'Alex ait pu me la rafistoler car ça reste quand même handicapant, mais j'aurais su me débrouiller.

— Je sais que tu n'en as plus besoin car Alex a réussi à la réparer, mais si un jour il est blessé ou pire, on est pas à l'abri que ça se fasse la malle. Alors mieux vaut prévenir que guérir. En plus, on se méfie bien moins d'un blessé que d'une personne en pleine possession de ses moyens. Tu peux tirer ça à ton avantage surtout que tu sais te battre avec.

Cameron me prend une béquille et me montre l'embout.

— Il est renforcé et peut infliger des coups très peu agréables, m'explique-t-il avant de désocler les appuis pour révéler un poignard affuté. Et si ça tourne mal, tu auras toujours ça. La deuxième est construite de la même manière.

Je contemple les petits bijoux, muette. Rien ne l'obligeait à faire ça. D'autant plus qu'il ne pouvait pas savoir avec certitude que j'accepterais de les aider alors il ne l'a pas fait pour servir ces intérêts.

— Merci, murmuré-je en plantant mes yeux dans les siens. Je ne sais pas quoi te dire de plus... Tu n'étais pas obligé...

— Si je le suis. Votre vie avec Dante si tout marche comme prévu sera une fuite permanente. Et ta cheville vous aurait ralentis. Très peu envie de passer mon temps à vous sortir de la merde... Et sinon, que veux-tu, on m'a toujours dit que ma bonté me perdrait.

Sur ces mots, il se détourne et avance vers le bâtiment sans rien ajouter. Je lève les yeux ciel. Evidemment. Ce mec est une putain d'énigme. Et il y met un point d'honneur. Toujours agir au contraire de ce qu'on attendrait de moi, semble être sa devise. Mais je commence à comprendre comment Dante et lui ont pu s'entendre.

Alementa I - Braise [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant