31. Réveillez-vous.

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Nous étions arrivés à la Capitale, le Sundry n'était désormais plus loin. Ma détermination commença à s'effriter pour laisser place au doute et à la nervosité. Quelle idée avais-je eu ? Qui me disait que quelqu'un accepterait de me suivre ? Sans oublier que m'adresser au public n'était pas ma grande passion, hormis lorsqu'il s'agissait d'être désagréable. L'envie de faire demi-tour et de détaler loin de tout m'envahit. La main de Kalidas se serra un peu plus dans la mienne. Il avait deviné mon anxiété. Le savoir là, avec moi, me rassurait.

Le Rôdeur nous maintenait invisible jusqu'au Sundry. Il fallait éviter d'être vu par l'ennemi. Il était compliqué de rester discret dans les rues de la Capitale, l'effervescence des lieux était indescriptible. Je devais parfois me contorsionner pour ne pas heurter les passants.

Lorsque je vis, dans une ruelle, la devanture du Sundry, je me stoppai net. Le Rôdeur se tourna vers moi, les sourcils froncés. Il nous rendit visible.

- Peut-être que je suis en train de faire une énorme connerie, finis-je par lui dire, peut-être que je suis en train de me tirer une balle dans le pied. Ou dans le front. Aussi.

Kalidas se rapprocha, je levai la main pour l'arrêter alors qu'il s'apprêtait à me répondre.

- Je vais y aller, lui appris-je, laisse-moi juste le temps de me préparer mentalement. C'est juste que je ne sais pas comment parler aux gens, et je ne connais pas tant de choses que ça à ce monde... Je sais que les lois et le pouvoir royal sont incontestés et sacrés aux yeux de la population... Ils ont beau vivre dans la misère, ils ne sont peut-être pas prêts pour se réveiller. Et je ne suis pas la mieux placée pour leur faire un speech...

- Tu ne parviendras pas à convaincre tout le monde de te suivre, sinon j'en serai très surpris, me répondit Kalidas, et il est normal que tu te sentes dépassée par ce que tu vas accomplir. Tu n'as pas été entraînée pour mener des troupes, mais je sais que tu peux y parvenir. Même si on ne peut nier que tu as un sacré côté tyrannique, tu as aussi des talents de leader que tu devrais tenter d'exploiter.

- Tyrannique ? répétai-je, un sourcil haussé.

Les yeux du Rôdeur brillèrent d'amusement.

- Pourquoi est-ce que je me doutais que ce serait tout ce que tu retiendrais ?

Je le poussai doucement, faisant mine de râler, et je me décidai enfin à rentrer dans le Sundry. J'étais engloutie sous l'appréhension, mais s'il y avait bien une chose qui dépassait ce sentiment, c'était la détermination. Jamais elle n'avait été aussi ardente. Jamais elle ne m'avait autant envahie. Je voulais mettre fin à ce cauchemar une bonne fois pour toute.

Le Sundry était bondé d'Obscuras. Pour ne pas changer à ses habitudes. J'avançai lentement, ne cherchant même pas à cacher mes traits d'un physique si particulier. Je laissai mon pouvoir inonder les lieux imperceptiblement pour pouvoir voir chaque recoin de la pièce en cas d'éventuel danger. Une fois que j'eus passée les lieux au peigne fin, je me dirigeai vers le bar où se tenait Piper. Il astiquait un verre, l'enserrant dans son bras de tentacule et l'essuyant de sa seule vraie main. Je me posai devant lui, les coudes sur la table, la tête entre mes mains.

- Salut, articulai-je sans le quitter du regard.

Piper, surpris, arrêta de nettoyer le verre avant de le poser devant lui.

- Tu es l'amie d'Alisa, celle aux pouvoirs similaires à ceux d'Evilash, reconnu-t-il.

J'acquiesçai.

- Le reste de ma troupe s'est fait choppée et sera exécutée, lui appris-je.

- Je le sais, tout le monde le sait.

Obscuras Tome 3 : L'intouchable.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant