Chapitre 46

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Ça y est, Tom et moi ne vivons plus au Four Seasons. Après quelques recherches, nous nous sommes trouvés un petit appartement cosy au nord de West Village, assez éloigné du centre pour avoir un peu d'intimité. Michelle et Marco nous ont aidé à emménager avant de repartir pour Londres : il était temps pour eux de rouvrir le Merry Bar. En repensant à cette période de ma vie, j'ai l'étrange impression que cela date d'il y a des années. Pourtant, ce n'était qu'il y a quelques mois.

Ma mère et mon frère, quant à eux, sont toujours à New York. Ils sont installés dans la chambre d'ami de notre nouvel appartement, et je suis heureuse de les avoir ici. Mais... les choses ne s'améliorent pas, au contraire. Tout devient de plus en plus difficile.

Ma mère ne sort pas de l'appartement, et elle l'a interdit à Danny. Ils restent tous les deux cloitrés, à attendre qu'un miracle se produise et que mon père soit arrêté. Mais ça n'arrive pas. Quand je pars au Winter Garden, j'entends ma mère pleurer depuis la chambre. Elle ne me laisse jamais sortir seule de la maison, même pour acheter une bouteille de lait ou une boite de chocolats. Et ça devient... difficile.

Alors, j'ai pris une décision même si je sais qu'elle ne plaira pas à tout le monde. Même qu'elle ne plaira à personne, pour être honnête. Peu importe, je veux mettre un terme à tout cela.

- Merci Larry, dis-je en sortant de la voiture. Vous pouvez rentrer, je me débrouillerai pour repartir quand j'aurai fini.

- Vous êtes sûre mademoiselle ? demande le chauffeur en fronçant les sourcils. Je peux très bien attendre, si vous le désirez.

- Ça ira, ne t'en fais pas. Merci.

Sur ce, je le salue d'un signe de tête avant de me retourner, sur le trottoir au milieu de la Grosse Pomme. Le commissariat de police m'attend de l'autre côté de la rue, alors après avoir vérifié que la voie était libre je m'engage sur le passage piéton et entre sans attendre dans le grand bâtiment beige et blanc.

Une fois arrivée, je me dirige vers le bureau le plus proche, une casquette et des lunettes de soleil pour me cacher.

- Bonjour, dis-je à la femme que je vois là, je cherche le lieutenant Peters.

- Vous avez rendez-vous ?

- Dites-lui que "Amy" l'attend, s'il vous plait. Et qu'elle a un plan pour Prieur. Ça devrait le faire venir.

Le lieutenant me regarde et tente de croiser mes yeux, sans succès. Finalement elle décroche son téléphone et parle quelques secondes avec quelqu'un en ligne. Ensuite, elle relève les yeux vers moi.

- Troisième porte au fond du couloir.

- Merci.

***

- Tu as QUOI ?!

- S'il te plait Tom, ne t'énerve pas.

- Comment est-ce que tu veux que je reste calme, Amy ?! HEIN ?

- Il fallait faire quelque chose !

J'ai dit ça en levant les bras, en position de défense, comme si je m'attendais à ce qu'il m'attaque. Évidemment c'est ridicule, alors je baisse les bras tandis que Tom recule d'un pas, apparemment touché.

- Je suis désolée... soupire-je. Et je suis désolée si ce n'est pas ce que tu veux. Mais j'ai pris ma décision.

- Amy, c'est une très mauvaise idée.

- C'est de t'en parler qui était une mauvaise idée.

À ça, Tom fronce les sourcils avant de secouer doucement la tête de gauche à droite. Ensuite, il se rapproche de moi et glisse ses mains dans les miennes.

- Même si je ne suis pas d'accord avec tes choix, me dit-il, tu dois m'en parler. Toujours. Et je t'écouterai, toujours. Mais... avoue que c'est dingue. Il y a d'autres solutions, j'en suis sûr.

- Non, il n'y en a pas.

J'ai parlé au lieutenant Peters, l'homme qui est sur l'affaire de mon père. Celui-ci ne sortira pas de sa cachette si on ne l'y force pas, il restera bien au chaud jusqu'au moment où il saura qu'il peut à nouveau avoir la vie tranquille. Mais je ne compte pas attendre, plus maintenant : la situation est invivable, et ça ne peut pas continuer. Alors, je l'ai expliqué à Tom : j'ai un plan.

- Il suffit que je l'attire jusqu'à moi, reprends-je, et il viendra j'en suis sûre. Ici, les flics pourront le coincer et tout ça sera terminé. On pourra reprendre notre vie, là où il est venu l'arrêter.

- Amy...

- Tu ne m'en dissuaderas pas.

Tom reste silencieux, et je glisse la main sur sa joue dans un sourire désabusé.

- Ma mère ne sort plus d'ici, elle ne voit même plus le soleil. Elle a peur pour Danny, et elle a peur pour moi. Ça ne peut pas continuer. Et je ne craindrai rien : dès qu'il entrera dans la maison, Peters et ses hommes viendront l'arrêter. Il ne m'arrivera rien.

Je continue de caresser la joue de Tom, pendant qu'il me regarde en essayant de sourire. Je sais qu'il n'y arrive pas pour le moment, mais ce n'est pas grave : je peux sourire pour nous deux.

- Je t'aime, Amy. Je ne veux pas qu'il t'arrive quoique ce soit.

- Je t'aime aussi, et c'est exactement pour ça que je dois le faire. Je veux... vivre, Tom. Je suis trop jeune pour décider d'abandonner, ma vie ne fait que commencer. Et... pense à Danny. À ma mère. Il faut les libérer de tout ça. Je veux vivre. Pas survivre.

Tom pose sa main sur la mienne et prend davantage appui sur elle, les yeux fermés. Je sais qu'il n'aime pas ça, mais lui sait que c'est la bonne chose à faire. Finalement, après quelques instants de silence il finit par soupirer.

- Je suppose que tu ne vas rien dire à ta mère.

- Tu supposes bien. Alors pas un mot !

J'approche mon visage du sien, puis murmure à son oreille :

- Tout ira bien, mon coeur. Tu verras.

Le chant des TourtereauxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant