Chapitre 65

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Désormais assise sur un banc de Central Park éloigné des rares passants nocturnes, j'ai la tête posée sur l'épaule de Tom et regarde devant moi d'un air serein. Je sais que le soleil ne tardera plus à se lever, à présent. Nous avons passé la nuit à explorer New York sans penser à rien d'autre, et maintenant j'ai pleinement la sensation d'avoir retrouvé la maison. Ceci dit, cette pensée me fait dévier la conversation sur un autre sujet.

- Tu as gardé l'appartement ?

Tom se redresse un peu sur le banc, et croise les jambes pour trouver une position confortable. Puis, il tourne la tête vers moi et caresse mes cheveux.

- Non, je l'ai vendu il y a quelques mois. Même si nous y avons vécu, je n'en ai pas gardé de bons souvenirs.

- Je comprends. J'aurais fait pareil.

Après tout, il a raison. Nous avons commencé à vivre dans cet endroit à un moment horrible de notre vie à tous les deux, et nous n'avons pas eu le temps d'y construire le moindre souvenir heureux ensemble. Cependant, j'ai un petit pincement au coeur en réalisant que nous n'avons plus de chez-nous. Mais alors que je me prends à me pincer les lèvres, Tom me décale de son épaule pour planter son regard dans le mien. Il y a quelque chose dans ses yeux, une lueur particulière. L'une de celles que j'aime voir en lui.

- J'aimerais te montrer quelque chose. Tu veux bien ?

En disant cela, il se lève du banc et me tend la main. Évidemment, bien que curieuse je l'accepte et me lève à mon tour, laissant Tom m'emmener là où il le désire.

Nous reprenons donc notre marche, alors que derrière nous le soleil commence à se lever. Nous sortons de Central Park et commençons notre voyage le long de l'Upper East Side, passant même Manhattan Valley. Nous continuons à marcher pendant plus d'une heure, sans que je ressente pour autant une once de fatigue. Près de Tom, je me sens plus réveillée, plus vivante que jamais.

Finalement, Tom me conduit jusqu'à l'endroit de New York que je préfère : mon endroit. J'esquisse un sourire et regarde vers le haut, profitant des lumières se réverbérant contre la façade des théâtre tout autour de moi. Broadway, le plus bel endroit du monde. Je n'ai pas le temps de poser la moindre question à Tom, car celui-ci m'emmène jusqu'à une petite rue parallèle à celle du Winter Garden Theatre. Ici, il se plante sur le trottoir et regarde devant lui en souriant. Nous sommes à côté d'une bouche de métro, en face d'un petit immeuble aux briques rouges.

- Qu'est-ce qu'on fait ici ? lui demande-je donc.

- Viens, me répond-il en souriant.

Je suis donc Tom près du bâtiment, jusqu'à ce qu'il sorte de sa poche un petit trousseau de clés. Je regarde ce dernier, les sourcils arqués. Tom vit ici ?

Je n'ai pas le temps de poser la question, car il m'entraîne à l'intérieur et me laisse ainsi sans voix. Nous montons un étage de l'immeuble, puis un deuxième jusqu'à atteindre le dernier étage. Ici, Tom longe le couloir jusqu'à la porte la plus éloignée, et insère une clé dans la serrure. Après cela, la porte s'ouvre dans un léger bruit et je me retrouve face à l'entrée, incapable de bouger.

- C'est... magnifique.

L'entrée de l'appartement donne sur une immense pièce à vivre, au bout de laquelle les fenêtres donnent droit sur le Winter Garden Theatre. Sur la gauche, une cuisine ouverte en pierre donne tout son charme à la pièce. En tout cas, c'est ce que je crois au début car ensuite je tourne la tête sur la droite et j'en perds mes mots. Tom a installé dans le coin salon un grand tapis style bohème, du genre que j'aurais totalement pu acheter moi-même. Sur le tapis, une guitare est posée sur son trépied à côté d'un piano, sur lequel Tom a posé une photo de Londres ainsi qu'un vase rempli de fleurs. Après qu'il m'ait lancé un regard entendu, j'ose m'approcher et effleure le haut du piano de mes doigts.

- Cet endroit, finis-je par dire, est absolument incroyable. Tu... tu vis ici ?

- Non, me répond-il en souriant. Enfin, pas pour le moment. J'ai acheté cet appartement il y a quelques mois déjà, mais... j'attendais un évènement un peu spécial pour m'y installer.

- Un évènement spécial ? Qu'est-ce... oh.

Alors, je relève la tête vers lui et me sens brûler de l'intérieur. Tom s'avance jusqu'à moi, prends à nouveau mes mains dans les siennes et son sourire me fait chavirer. Ici, il pose une main sur ma joue avec douceur et j'en frissonne sans même essayer de le cacher.

- Tom...

- Amy, souffle-t-il doucement, laisse-moi parler. D'accord ?

Devant son regard brûlant, je ne peux que me résigner. Alors, je hoche doucement la tête et plante mon regard dans celui de Tom, comme pour ressentir encore plus fort ce moment.

- Cet endroit n'est pas ma maison, c'est la nôtre. Ne me demande pas comment mais... j'ai su, le jour où je t'ai entendue chanter pour la première fois, que tu allais devenir la femme de ma vie. J'ai eu comme une vision, la vision magnifique et incroyable de notre avenir à tous les deux. J'y ai vu des hauts, des bas, des victoires et des échecs, mais surtout j'y ai vu de l'amour. Un amour brûlant, et inconditionnel. Même quand nous nous faisions du mal l'un et l'autre, nous étions incapables de tirer un trait sur ce que nous éprouvions. Je...

Tom s'arrête un instant, mais je ne dis rien. Je me contente de le regarder, de sentir tout cet amour me submerger.

- Je veux vivre avec toi, Amy. Je veux chanter, danser, et rire avec toi. Je veux manger de la glace sur le canapé, en pyjama devant un vieux film avec toi. Je veux me balader toute la nuit au coeur d'une ville sans avoir envie une seule seconde de m'arrêter. Je veux crier aussi fort que possible quand tu me crieras dessus toi-même, et je veux t'embrasser passionnément juste après pour me faire pardonner. Je veux grandir avec toi, devenir un homme près de toi. Je veux t'aimer, chaque jour, et même quand je te déteste. Et surtout, surtout Amy, je ne veux plus te quitter. Plus jamais. Alors... Viens vivre ici, avec moi. Faisons de New York notre royaume et de Broadway, notre maison. Viens vivre avec moi, et ne me laisse plus jamais t'autoriser à partir.

Je regarde Tom à chaque seconde, sans pouvoir dévier le regard une seule fois. Je le laisse me parler, me dire les choses qu'il ressent le besoin de me dire tout en sentant mon coeur battre la chamade. Je ressens chacun de ses mots jusqu'au centre de mon corps, de mon coeur, de mon âme. Ses paroles sont comme la formule magique qu'il me fallait pour me sortir d'un long et douloureux sommeil. Et alors, quand Tom arrête de parler et que je peux lire toute l'émotion dans les traits de son visage, j'approche mon corps du sien et tiens ses joues entre mes mains. Alors, ici, à cet instant, je dépose sur ses lèvres le plus doux, le plus fort et le plus parlant de tous les baisers.

- Je vais vivre avec toi, et New York sera notre royaume. À partir de maintenant, et pour toujours.


Le chant des TourtereauxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant