Chapitre 49

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Les médecins m'autorisent à quitter l'hôpital après une semaine d'alitement. Même quand j'ai retrouvé l'usage de ma voix - bien que ce soit une voix déraillante et pas du tout mélodieuse - je n'ai pas eu le courage d'appeler Elena, alors Tom s'en est chargé. Il s'est chargé de tout. Il s'est chargé de vérifier que mon père était envoyé dans la prison la plus éloignée possible de New-York, il a fait des aller-retours entre l'hôpital et l'appartement pour emmener et ramener ma mère et mon frère quand ils le voulaient, il est resté auprès de moi pour essayer de me faire rire, ou au moins de me distraire. Ça n'a pas marché ; mais il est resté quand même.

Aujourd'hui quand Tom pousse mon fauteuil roulant à l'intérieur de l'appartement, je ressens une vague d'émotion me traverser. Quand il me voit fixer le bar avec consternation, il resserre ses mains sur mes épaules d'un geste réconfortant. Puis il m'emmène jusqu'au salon, où il m'aide à m'asseoir sur le canapé. Mes côtes me font mal, et je ne peux rien faire sans laisser échapper une grimace.

- Désolé, s'excuse Tom en me posant.

- Ça va, dis-je simplement.

Je ne peux pas beaucoup parler, même si j'ai retrouvé l'usage de ma voix. J'ai la gorge encore très inflammée et même si les médecins ont affirmé le contraire, je ne suis pas sûre de pouvoir retrouver la voix que j'avais dans le passé un jour. Pour le moment il faut l'avouer : je n'ai pas le moindre espoir.

- Amy ! s'exclame Danny en arrivant dans le salon. Enfin tu es de retour !

- Salut champion, dis-je de ma voix éraillée. Alors... quoi de neuf ?

Danny me parle mais je n'arrive pas à l'écouter. Je repense à cette nuit-là, au moment où je me suis réveillée à l'hôpital et où j'ai compris que tout avait changé. Ma mère nous rejoint et me sort de mes pensées, toujours animée de sa bonne humeur habituelle. Tout le monde se sent libéré d'un poids désormais ; mais aussi, tout le monde se voit forcé d'en porter un nouveau.

Tom a dit à Elena que j'avais eu un accident, sans entrer dans les détails afin d'être sûr que ma vie privée ne serait pas étalée partout. Cependant, il a dû insister sur le fait que je ne pourrais plus assurer mes représentations avant quelques temps. Dans le jargon, ça veut surtout dire que Burlesque, c'est fini pour moi. Voilà, ça aussi mon père me l'aura enlevé.

J'aimerais le détester mais je n'y arrive même pas. Tout ce que je ressens, c'est de la tristesse. J'ai effleuré du doigt les possibilités que j'aurais un jour pu avoir, et tout s'est envolé. Même si mon père est derrière les barreaux maintenant, une partie de moi est toujours en sa possession. Il l'a prise avec lui et je ne la récupérerai jamais.

Je passe la journée à sourire, à me montrer aussi douce que possible mais quand le soir vient j'ai pris ma décision. Quand Danny part se coucher et que je suis seule avec Tom et ma mère, je prends donc les mains de cette dernière dans les miennes et lui parle sur le ton de la confidence.

- Maman, Danny et toi devez rentrer en Angleterre.

- Quoi ? Non, répond-elle. On ne va pas partir. On va rester avec toi jusqu'au bout !

- Non, lui dis-je en souriant. Vous allez partir.

Je croise le regard de Tom, et peux lire quelque chose de nouveau dans ses yeux. Je ne sais pas ce que c'est. De la lassitude, de la fatigue ou... autre chose. Mais ça ne me détourne pas de mes objectifs.

- Je vous aime, de tout mon coeur. Mais là... j'étouffe. J'ai besoin de prendre du temps pour moi, de... prendre conscience de tout ce qui s'est passé. J'ai fait ça...

Je m'arrête un peu pour reprendre ma respiration, la gorge en feu.

- J'ai fait ça parce que je voulais que vous puissiez retrouver une vie normale. Alors j'aimerais que vous partiez, et que je voie que vous êtes heureux et libres. Si tu veux retourner à Paris, retourne à Paris. Si tu veux déménager ailleurs, fais-le. Mais maman... J'ai besoin d'être tranquille. Tu comprends ?

Je sais que ça lui fait de la peine, mais elle doit absolument comprendre. Si elle est là, elle va m'empêcher de m'écrouler mais pour le moment, c'est de ça que j'ai besoin. Même si c'est quelque chose qu'elle ne peut pas comprendre.

Finalement, elle me prend dans ses bras avec force et j'esquisse une grimace, que je camoufle du mieux que je peux.

- D'accord Amy, si c'est ce que tu veux. Mais sache que je serai toujours là si tu as besoin de moi.

Quand Tom et moi allons nous coucher ce soir là, allongés sur notre lit en regardant tout sauf l'un et l'autre, sans bouger, je finis par prendre la parole même si ça me coûte

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Quand Tom et moi allons nous coucher ce soir là, allongés sur notre lit en regardant tout sauf l'un et l'autre, sans bouger, je finis par prendre la parole même si ça me coûte.

- Toi aussi, tu devrais t'en aller.

- Même pas en rêve.

Je tourne brièvement la tête vers Tom, mais lui continue de fixer le plafond alors je tourne à nouveau, et regarde les buildings éclairés dehors.

- Je ne suis pas un invité ici, reprend ensuite Tom dans un souffle, tu ne peux pas me mettre dehors comme tu le fais avec ta mère. Alors je n'irai nulle-part.


Le chant des TourtereauxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant