- A droite ! Garde ! Putain, balance !
J'ai toujours les yeux fermés et je ne suis le combat qu'à travers les exclamations de Fred.
- Vas-y ! Mets-lui la pression !
Je perçois l'excitation palpable autour de moi, les clameurs d'encouragement pour l'un ou l'autre des combattants. J'entends aussi leur ahanement et le bruit mat de la chair qu'on frappe quand ils s'assènent des coups de poing, de pied ou de genou.
- Bouscule-le ! Ne te laisse pas déborder ! crie Fred qui, comme quatre-vingt pour cent des hommes dans le public, semble se prendre pour l'entraineur.
Je l'interroge, en tournant la tête sur le côté.
- Ça se passe bien ?
Il me répond à peine, absorbé par l'action.
- Oui... Ouch !
Je surprends sa grimace et son mouvement de recul.
- Quoi, ouch ?- Ne regarde pas ! Ne regarde pas ! répond-il précipitamment.
Du coup, les frappes furieuses suivies de grognements que j'entends à travers les cris du public m'affolent un peu : je n'ai pas envie de récupérer mon auteur à la balayette. Et lui porter ses béquilles sur les plateaux télé ne fait pas partie de mon programme chargé.
- Il s'est dégagé, s'exclame Fred d'un air soulagé. Allez, grand, vas-y !
J'ouvre les yeux à demi en espérant une accalmie : Artus est debout et échange coup pour coup avec son adversaire. Ils se mettent une trempe d'anthologie, avec la même détermination féroce et une lueur carnassière dans le regard. Artus reste bien concentré et respire calmement. Je le vois sautiller avec souplesse, la garde haute, à l'affut de toutes les ouvertures pour lancer un crochet ou projeter la jambe. Malheureusement, son opposant semble poursuivre le même but avec les mêmes moyens. Et les deux y mettent autant de hargne. De cœur, corrigerait Fred s'il m'entendait, lui qui distingue des boxeurs, des hockeyeurs, des rugbymen, bref des athlètes, là où je ne vois malgré moi qu'une même brutalité.
Je suis à deux doigts de monter sur le ring pour arrêter le massacre, même si tout le monde semble trouver la situation parfaitement normale. Mon regard erre un instant sur la salle taillée dans la roche. L'ambiance est encore bon enfant, mais le bruit des frappes et l'odeur du sang semblent avoir réveillé en chacun un fond de sauvagerie qui en dit long sur les instincts humains.
Je reviens au ring pour voir Artus grimacer sous l'impact d'un genou qui vient de l'atteindre aux côtes, lui coupant le souffle. Son opposant poursuit son avantage et tente de l'immobiliser en le saisissant à la nuque tout en lui assenant une série de coup de genoux dans les flancs. Mais Artus parvient à lui attraper le pied et tire vigoureusement en arrière. L'autre s'écroule et le combat se poursuit au sol.
- Garde de la distance ! prévient Fred pendant que les deux adversaires s'étreignent dans une suite de prises létales.
- Calme le jeu ! Contrôle-le ! vocifère mon compagnon déchainé, en mimant dans le vide le geste technique qu'il aurait fallu faire.
Heu... qu'avez-vous fait de l'homme affable et civilisé qui partageait ma vie ?
- Oui ! C'est bon ça !
Artus assure sa prise et commence à glisser le bras autour du cou de son opposant. La foule rugit à l'unisson en voyant un des combattants prendre l'ascendant. Mais son adversaire glisse comme une anguille et lui échappe, en l'enserrant à son tour de ses jambes. Je vois Artus grimacer quand l'étau se referme sur ses côtes, juste à l'endroit où l'autre l'a longuement pilonné quelques instants avant.
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Il faudra beaucoup m'aimer (Terminé)
RomanceAlix a 28 ans, un fiancé adorable, une vie parisienne assez cool, et un métier passionnant dans l'édition. Tout va pour le mieux jusqu'à ce qu'on lui demande de gérer le premier roman d'un jeune prodige de dix-huit ans. Sauf que le petit génie n'a a...