Notre première matinée dans le chalet ressemble un peu à un rêve.
Comme si Robinson Crusoé, en débarquant sur son ile déserte, avait découvert que Vendredi était un jeune sauvage au tempérament de feu, tout disposé à lui faire oublier son éducation victorienne. Remarque, c'est probablement ce qui a dû se passer, même si Daniel Defoe ne le raconte pas.
Bref, Artus se révèle talentueux, joueur, et incroyablement endurant.
Mon Dieu, si on m'avait dit que je prononcerais ce genre de phrase un jour, j'aurais trouvé ça tellement cliché !
Mais comme la tempête qui se déchaine dehors nous fait la double obligation de nous distraire et de nous réchauffer, nous explorons sans retenue toute la gamme des plaisirs amoureux. Et je dois dire que le temps file à la vitesse des éclairs qui ébranlent régulièrement les murs du chalet. Les murs extérieurs. Parce que pour ce qui est de l'intérieur, c'est nous qui nous chargeons de les faire trembler.
Je découvre à cette occasion que le garçon impétueux possède une clé secrète qui déverrouille en moi des portes que personne n'a jamais ouvertes. Même si le mot « déverrouiller » ne donne qu'une faible idée de ce qui se passe en réalité. Artus n'ouvre pas les portes : il les crochète, il les dégonde, il les enfonce à grands coups d'épaule.
Parce que le petit génie veut gagner, c'est dans son caractère. Et cette victoire, il la mesure à votre abandon complet au moment suprême de la jouissance. J'ai l'impression que cela compte plus que son propre plaisir : Artus prend son pied en contemplant les yeux révulsés de ses victimes consentantes, en entendant leur cri de reddition quand le plaisir emporte tout et que l'esprit et le corps se fondent en une seule particule d'infini. Et quand il vous embrasse ensuite, très tendrement, c'est autant par affection que pour vous remercier du spectacle que vous lui avez donné.
Bon sang, cette conception du sexe contredit tout ce qu'on m'a appris sur le couple, sur la façon consensuelle et raffinée de grimper ensemble sur la courbe du plaisir. Mais comme je n'ai pas un caractère à me laisser dominer, nos ébats provoquent vite des étincelles qui nous laissent suffocants et complètement vidés. Parce que si son but est de triompher de l'autre, je tiens à lui montrer qu'on peut être deux à jouer à ce petit jeu. Et son sourire ravi quand je commence à lui foncer dans le lard, me dit clairement qu'il n'en attendait pas moins de moi.
Artus est un fantasme pour toutes les filles, c'est entendu, mais le regard enflammé qu'il pose sur moi quand j'entreprends de lui résister me suggère que, de son côté aussi, il m'avait un peu fantasmée.
Sur la table de la cuisine, dans la douche, dans la chambre, ou même dans le bûcher qui jouxte la maison, chaque acte devient un défi qu'on se lance. Lui vous porte, vous plie, vous renverse, vous assomme de sa sensualité débordante. Et moi... je fais tout pour lui échapper.
Cette course-poursuite à travers la maison donne lieu à des dialogues un peu absurdes, prononcés d'une voix haletante de sueur.
- Cuisine !
- D'accord. Vite !
- Le fauteuil, maintenant !
- Arrête, Artus c'est la chaise préférée de ma grand-mère !
- Bordel, viens sur le tapis.
Je me laisse happer mais, quand je me retrouve prise sous l'étau de son corps, le carrelage glacé me transit le dos malgré l'épais tapis de laine, et je ne peux m'empêcher de lui marteler les épaules.
- Froid ! Froid ! C'est toi qui passes en-dessous !
- Cheminée, propose-t-il d'une voix étranglée.
Suit une double cabriole où Artus nous fait rouler sans ménagement plus près du foyer, pour me protéger du sol gelé.
- Putain ! T'es pas obligé de me faire bouler comme ça, je proteste. On peut aussi se comporter comme des gens civilisés.
Il plante sur moi ses grands yeux carnivores et me répond simplement :
- Je vais te baiser comme un mec pas civilisé, et tu vas adorer ça.
Oui. Parce qu'Artus parle aussi pendant le sexe. Et c'est assez cru je dois dire.
Moi qui suis pétrie de culture littéraire et nourrie de grands auteurs, je pensais que les mots de l'amour devaient être suaves et policés, comme peut l'être l'affrontement de deux sensualités.
Mais Artus parle de « bouffer ma chatte » avec une admiration si sincère et un enthousiasme si conquérant, que je ne peux m'empêcher de le suivre dans son délire verbal.
La première fois que je clame « Bordel, je veux te sentir en moi », je rougis de honte, surtout quand je surprends son coup d'œil goguenard et vaguement admiratif.
Mais je m'aperçois rapidement que les mots coquins entre nous font grimper la température à des degrés inédits. Et qu'à vociférer comme deux acteurs porno, j'oublie mon métier, notre différence d'âge, et d'autres choses que je voudrais oublier.
La matinée se passe tout entière à ce petit jeu de chat et de souris, l'un des plus grisants et des plus voluptueux que j'ai joué dans ma vie. Attrape-moi si tu peux... Et il peut.
Heureusement, il y a aussi des phases moins frénétiques, qui nous permettent de trouver un second souffle.
Car même quand il pousse nos feux jusqu'à l'incendie, Artus sait aussi se montrer étonnamment doux. A un moment dans nos ébats impatients, quand il parvient à m'immobiliser sous sa poigne et que je renonce à me dégager après m'être débattue quelques instants, il profite de mon immobilité pour se pencher sur mon visage avec un sourire inquiétant et entreprend de me lécher délicatement le bord de l'oreille, mordillant le lobe à petits coups de dents, avant de s'aventurer un peu plus profondément dans le conduit auditif où la caresse furtive de sa langue déclenche en moi d'irrépressibles frissons. Mon Dieu, où est-ce qu'il a appris à faire ça ?
Et quand j'arrive à le coincer dans un plaisir auquel il ne s'attendait pas, il me laisse volontiers les commandes et j'en profite pour amener un peu de douceur dans son monde de brute. Et ces moments suspendus font passer tant de couleurs et de nuances dans ses yeux infinis, que j'ai l'impression d'être une spectatrice privilégiée, en train de capturer chaque touche de lumière sur la palette d'un impressionniste.
Mais il y va du sexe comme des voitures : Artus n'aime pas les sièges passagers. Alors, il reprend vite le volant, non sans me remercier d'un baiser cajoleur pour l'avoir si bien guidé sur des sentiers qu'il ne connaissait pas. Et le moteur recommence à rugir et le paysage à défiler.
A force d'assauts effrénés et bouillonnants, je finis quand même par percer son grand secret : la maitrise absolue et perverse de la frustration de sa partenaire. Les hommes, d'habitude, n'aiment guère les préliminaires et, quand enfin ils vous pénètrent, ils n'ont qu'une envie c'est de vous amener au terme. Pas Artus qui peut s'interrompre à tout moment, quitte à vous laisser au bord d'un précipice, pour s'amuser soudain avec une autre partie de votre anatomie ou pourchasser sur votre corps un de vos désirs qu'il a senti passer. Comme si il avait la tranquille certitude de vous retrouver exactement là où il vous avait laissé, confiant aussi que son pote plus bas sera toujours au rendez-vous pour vous donner le petit coup de rein qui vous précipitera - enfin - dans le précipice sans fond où vous croirez d'abord chuter comme une pierre, avant de vous rendre compte qu'il vient de vous apprendre à voler.
Bon sang, quelle envolée. Quelle course folle.
Ce n'est pas faire injure à Fred, ni aux deux sans importance qui l'ont précédé, que de dire qu'Artus s'est branché directement sur mon système nerveux, d'où il ravage dans l'ordre : mes sens, mon cerveau, et mon cœur.
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Il faudra beaucoup m'aimer (Terminé)
RomanceAlix a 28 ans, un fiancé adorable, une vie parisienne assez cool, et un métier passionnant dans l'édition. Tout va pour le mieux jusqu'à ce qu'on lui demande de gérer le premier roman d'un jeune prodige de dix-huit ans. Sauf que le petit génie n'a a...