Il fait un froid mordant ce matin, même si le mistral a dégagé les nuages. Elle, dit que c'est le mauvais temps d'ici.
- Ça ne m'étonnerait pas que ce soit le déluge plus au Nord, explique-t-elle en se recroquevillant dans son pull.
Je jette un petit regard de côté à Artus qui se balade en tee-shirt tout au long de l'année. Dommage pour moi : dans les mangas, c'est toujours un grand moment quand le garçon ôte sa veste pour l'offrir galamment à sa petite amie frileuse. Et même si ce sont des stéréotypes, on a toujours un peu envie d'être à sa place.
En même temps, de quoi j'irais me plaindre ? On croirait que ce type de vêtement n'a été inventé que pour lui. Je lui ai même demandé l'autre jour comment il faisait pour les remplir aussi admirablement. « Du sport », m'a-t-il répondu sur un ton d'évidence tel que je n'ai pas insisté. Il y a des gens qui vivent dans des dimensions où nous ne sommes qu'invités.
Bon, je m'égare. Le petit génie est en train de me poser une question et je n'ai rien écouté.
- Hal propose qu'on reste ici quelques jours, répète-t-il d'un ton patient.
Je suis partagée. La maison est splendide, avec son immense piscine et ses jardins à perte de vue. Mais rester ici, c'est transformer notre fuite en simples vacances. Et ça, j'aurais beaucoup de mal à l'assumer : pour moi, être avec Artus ne se justifie qu'en version Bonnie and Clyde.
Je ne suis pas complètement honnête. Je sais également que s'éterniser ici, c'est partager Artus avec sa bande de potes. Vu le mode de vie de ces enfants gâtés, j'imagine qu'il va y avoir foule tous les soirs dans la maison. Certains des invités d'hier sont repartis en hélicoptère ! Or, même si je sais déjà que notre parenthèse brûlante sera incroyablement difficile à refermer, j'assume : j'ai envie de l'avoir pour moi seule.
Finalement, Artus se range à mes raisons. Direction les Alpes-Maritimes. Je me suis souvenue opportunément que ma grand-mère y avait un chalet d'alpage où j'ai passé quelques étés lorsque j'étais gamine. Il a accepté avec enthousiasme ma proposition d'y trouver refuge.
- T'as peur qu'on te pique ta copine si tu restes ici, se moque Hal, qui se tourne vers moi en s'esclaffant : Alix, je ne te donne pas deux jours pour revenir en courant !
Artus m'entoure d'un bras possessif, avant de tacler son pote.
- Je croyais que c'était fini le temps où j'étais obligé de draguer les filles pour toi. Maintenant, avec ton bel uniforme, tu devrais y arriver tout seul !
Hal rougit légèrement mais préfère s'en tenir là dans leur joute verbale. Je lis dans son regard qu'il me passe le relais et me souhaite bon courage.
Quant à Artus, quelque chose me dit qu'il n'est pas fâché non plus de passer plus de temps avec moi, car nous savons tous les deux que nous avons encore quelques pages à écrire.
*****
On a donc repris la route, sans parvenir à identifier si on nous suit ou pas.
Si Artus a vu juste, le maitre-chanteur ou un de ses acolytes devrait nous avoir pris en chasse dès qu'on a quitté la capitale. Sans compter les gardes du corps mandatés par Alexandre Stevenson. Même si nous avons affaire à des professionnels, nous multiplions les ruses pour tenter de les démasquer et ça nous amuse quelques temps. Une puissante voiture noire aux vitres teintées nous tient en haleine un moment avant de finir par nous dépasser. Le père tranquille qu'on aperçoit au volant n'a rien d'un barbouze : il doit se demander pourquoi nous le dévisageons avec tant d'insistance.
- Encore raté, soupire Artus, qui a obtenu de haute lutte que je lui cède le volant.
- Artus ! Je vois parfaitement le compteur, tu sais !
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Il faudra beaucoup m'aimer (Terminé)
RomanceAlix a 28 ans, un fiancé adorable, une vie parisienne assez cool, et un métier passionnant dans l'édition. Tout va pour le mieux jusqu'à ce qu'on lui demande de gérer le premier roman d'un jeune prodige de dix-huit ans. Sauf que le petit génie n'a a...