Puisque tout le monde dit que je suis impulsive, autant me montrer à la hauteur de ma réputation.
Vingt minutes plus tard, j'ai abandonné Dimitri à sa libido débridée et, chevauchant à scooter derrière Fred, nous traversons la Seine en direction du quatorzième arrondissement.
Après-demain, c'est ce soir. Et les catacombes, c'est devant.
Fred, qui m'avait donné rendez-vous pour une soirée ciné en amoureux, ronchonne un peu mais obtempère : il a lu sur mon visage crispé l'angoisse de voir des semaines de travail s'abimer dans le scandale et les révélations.
Bien-sûr, l'entrée du monument est fermée lorsque nous arrivons.
« Catacombes de Paris. Ouvert du mardi au dimanche. Dernier accès à 19h30 ».
Il y a un petit affichage sur le côté, probablement destiné à rassurer les touristes égarés : « 500.000 visiteurs chaque année ! » Mais je ne vois aucune pancarte : « Combats de boxe clandestins, troisième sous-sol » ni de banderole : « Soirée spéciale : éclatez la tronche du futur Goncourt ».
Fred m'observe avec placidité, tandis que je piétine devant les grilles à la recherche d'un indice.
- Les catacombes, c'est grand. Il y a plus de trois cents kilomètres de réseau. Ça n'a rien à voir avec la petite portion qui se visite.
Je le sais bien ! J'y ai amené mon filleul pour ses huit ans, en pensant que ça l'amuserait : en fait, l'empilement de crânes et de fémurs le long de boyaux mal éclairés l'ont traumatisé à vie. Erreur de débutante, m'a tancée ma sœur, en récupérant sa progéniture hagarde.
Mais pour le moment, je ne peux m'empêcher de faire les cent pas devant la nécropole parisienne.
- Quand je pense qu'il est quelque part là-dessous !
- Tu veux pas qu'on avise tranquillement, propose Fred, il y a une petite brasserie sympa...
- Soyons clair Fred : on ne va pas aviser « tranquillement », et surtout pas dans une petite brasserie sympa, tant que le garçon sur lequel repose toute ma stratégie de rentrée s'amuse à jouer Rocky 12 sous nos pieds...
Mon fiancé m'interrompt sous le coup d'une illumination.
- J'ai une copine qui pourrait peut-être nous renseigner...
- Une... copine ?
- Disons une collègue. Elle a fait un remplacement en Arts plastiques l'année dernière, et on avait pas mal parlé de ces graphistes qui taguent dans les catacombes... Elle connait peut-être un moyen d'accéder là-dessous ?
- D'accord, mais c'est pas à moi qu'il faut poser la question ! je réplique, en lui faisant signe de dégainer son téléphone.
Il grommelle en s'exécutant, avant de prendre sans transition sa voix de téléphone, charmeuse et enjouée.
- Jeanne ? Saluuut, c'est Fred.... Ouais bien, et toi ?
Donc : ils ne se sont pas vus depuis six mois, et la fille le remet direct, sur un simple prénom. Je sais que l'Éducation Nationale est une grande famille, mais quand même, je m'agace un peu.
- ... je me souviens que tu m'en avais parlé... cette artiste qui faisait des graffs sous terre, oui... la vague d'Hokusai... tu vois, je m'en rappelle bien...
La conversation continue sur le même ton badin, emportée par des souvenirs communs, tandis que je piaffe à côté. Fred est une proie beaucoup trop facile et, si je ne quadrillais pas régulièrement mon territoire, on me l'aurait déjà enlevé.
VOUS LISEZ
Il faudra beaucoup m'aimer (Terminé)
RomanceAlix a 28 ans, un fiancé adorable, une vie parisienne assez cool, et un métier passionnant dans l'édition. Tout va pour le mieux jusqu'à ce qu'on lui demande de gérer le premier roman d'un jeune prodige de dix-huit ans. Sauf que le petit génie n'a a...