Chapitre 22

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Le visage d'Artus s'éclaire d'un sourire perplexe quand il me découvre sur son palier, mon sac de voyage à la main. Et il ne peut s'empêcher d'ironiser.

- Qu'est-ce qui se passe ? On part en week-end ?

Ah non ! Pas deux fois la même blague, par pitié !

- Artus, ferme-là s'il te plait et va t'asseoir.

Ses sourcils se froncent légèrement, tandis que ses grands yeux se font plus interrogateurs.

- Humm... D'habitude j'aime bien les femmes qui font preuve d'autorité... mais quelque chose me dit qu'on n'a pas la même histoire en tête.

Je confirme, en me plantant face à lui.

- En effet, Artus. Et mon histoire à moi, elle n'est pas très réjouissante.

Je lui retrace alors l'enchainement complet des évènements de la journée, de la visite du mystérieux maitre-chanteur à ma récente explication avec Fred.

- Wow, commente Artus d'un air sombre.

- Oui... foutu bon sang de wow, si c'est tout ce que tu trouves à dire.

Il hésite un instant.

- Comment va Fred ?

Mon sang ne fait qu'un tour.

- Ah non, Artus, pas ça ! Ta sollicitude, tu te la gardes ! Et tu laisses Fred en dehors de tout ça.

- Je demandais, c'est tout, se rétracte-t-il en haussant les épaules.

- Ne demandes plus. Point final. Et déballes-moi plutôt tout ce que tu sais de cette embrouille, que j'essaie d'y voir clair.

J'imagine que j'ai craché ça avec férocité, et mes mains tremblantes et fébriles n'échappent pas à son coup d'œil observateur.

- Tu veux une lampe de bureau, pour me la braquer sur le visage ? Ou tu préfères tout de suite me tabasser avec un annuaire ? m'interroge-t-il sur un ton laconique.

Puis il m'enveloppe longuement de son regard soyeux.

- On va se faire un thé, hein ?

Un thé ? Je m'imaginais en Mata Hari, et je débarque chez Miss Marple.

Il se lève nonchalamment et commence à farfouiller dans les placards de cuisine. Je soupire, mais je finis par le rejoindre, en me juchant sur un tabouret derrière le comptoir.

- Artus, j'ai vraiment besoin que tu...

Il tourne vers moi un visage agaçant de moine bouddhiste, tandis qu'il pose un doigt sur mes lèvres.

- Chuuut... ça n'aide pas si tu t'emballes.

D'accord, on va dire que c'est un moyen pour lui de rassembler ses idées. Et, miracle, ça m'aide aussi à calmer les miennes.

Je l'observe avec une certaine fascination, tandis qu'il mélange précautionneusement la poudre verte du thé matcha avec un petit fouet en bambou. Il surprend mon regard attentif.

- J'ai pas mal vadrouillé au Japon...

Bon sang, plus je le connais, plus je me demande combien il a eu de vies.

- Franchement, t'as quel âge, Artus ?

Il marmonne, en contrôlant soigneusement la température de l'eau.

- Dix-huit ans...

Je suis à deux doigts de lui poser la fameuse question de Bella : « Depuis combien de temps as-tu dix-huit ans ? »

Il faudra beaucoup m'aimer (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant