Le visage d'Artus s'éclaire d'un sourire perplexe quand il me découvre sur son palier, mon sac de voyage à la main. Et il ne peut s'empêcher d'ironiser.
- Qu'est-ce qui se passe ? On part en week-end ?
Ah non ! Pas deux fois la même blague, par pitié !
- Artus, ferme-là s'il te plait et va t'asseoir.
Ses sourcils se froncent légèrement, tandis que ses grands yeux se font plus interrogateurs.
- Humm... D'habitude j'aime bien les femmes qui font preuve d'autorité... mais quelque chose me dit qu'on n'a pas la même histoire en tête.
Je confirme, en me plantant face à lui.
- En effet, Artus. Et mon histoire à moi, elle n'est pas très réjouissante.
Je lui retrace alors l'enchainement complet des évènements de la journée, de la visite du mystérieux maitre-chanteur à ma récente explication avec Fred.
- Wow, commente Artus d'un air sombre.
- Oui... foutu bon sang de wow, si c'est tout ce que tu trouves à dire.
Il hésite un instant.
- Comment va Fred ?
Mon sang ne fait qu'un tour.
- Ah non, Artus, pas ça ! Ta sollicitude, tu te la gardes ! Et tu laisses Fred en dehors de tout ça.
- Je demandais, c'est tout, se rétracte-t-il en haussant les épaules.
- Ne demandes plus. Point final. Et déballes-moi plutôt tout ce que tu sais de cette embrouille, que j'essaie d'y voir clair.
J'imagine que j'ai craché ça avec férocité, et mes mains tremblantes et fébriles n'échappent pas à son coup d'œil observateur.
- Tu veux une lampe de bureau, pour me la braquer sur le visage ? Ou tu préfères tout de suite me tabasser avec un annuaire ? m'interroge-t-il sur un ton laconique.
Puis il m'enveloppe longuement de son regard soyeux.
- On va se faire un thé, hein ?
Un thé ? Je m'imaginais en Mata Hari, et je débarque chez Miss Marple.
Il se lève nonchalamment et commence à farfouiller dans les placards de cuisine. Je soupire, mais je finis par le rejoindre, en me juchant sur un tabouret derrière le comptoir.
- Artus, j'ai vraiment besoin que tu...
Il tourne vers moi un visage agaçant de moine bouddhiste, tandis qu'il pose un doigt sur mes lèvres.
- Chuuut... ça n'aide pas si tu t'emballes.
D'accord, on va dire que c'est un moyen pour lui de rassembler ses idées. Et, miracle, ça m'aide aussi à calmer les miennes.
Je l'observe avec une certaine fascination, tandis qu'il mélange précautionneusement la poudre verte du thé matcha avec un petit fouet en bambou. Il surprend mon regard attentif.
- J'ai pas mal vadrouillé au Japon...
Bon sang, plus je le connais, plus je me demande combien il a eu de vies.
- Franchement, t'as quel âge, Artus ?
Il marmonne, en contrôlant soigneusement la température de l'eau.
- Dix-huit ans...
Je suis à deux doigts de lui poser la fameuse question de Bella : « Depuis combien de temps as-tu dix-huit ans ? »
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Il faudra beaucoup m'aimer (Terminé)
RomanceAlix a 28 ans, un fiancé adorable, une vie parisienne assez cool, et un métier passionnant dans l'édition. Tout va pour le mieux jusqu'à ce qu'on lui demande de gérer le premier roman d'un jeune prodige de dix-huit ans. Sauf que le petit génie n'a a...