Chapitre 32

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Je me réveille en sursaut au petit matin. Je m'étire longuement, en soupirant de fatigue. Je sais que je ne pourrai plus fermer l'œil, autant me lever. Je me tourne vers Artus mais il n'est pas dans le lit. Bon sang, qu'est-ce qu'il fabrique encore ?

Hier, il est rentré de son expédition avec un visage étrangement fermé, me répondant par monosyllabes quand je le pressais de questions.

- Tu as trouvé le père Grange ?

- Mmh.

- Alors ? Il s'en sort comment ?

- OK. De toutes façons, il veut pas bouger.

- Il a pu te vendre quelques provisions ?

- Non. Il garde ce qui lui reste.

- Oh...

- Oui.

- Sinon, t'as eu des infos ?

- Le téléphone est coupé, même les fixes.

- Et la télé ?

- Rien ne marche.

J'ai dormi d'un sommeil agité et, je n'ai pas honte de le dire, je me suis raccrochée toute la nuit au corps chaud d'Artus, et à ses mots rassurants quand je le réveillais. La tempête ne s'est pas calmée, pas une seconde, et je commence à m'angoisser que nous soyons ainsi coupés du monde, sans réseau ni aucun moyen pour communiquer.

Le lit vide me semble d'un froid glacial. Je frissonne en observant par la fenêtre le ciel sombre et tourmenté. J'enfile rapidement un jean et un pull, et je descends en espérant un bon feu et un thé brûlant.

- Salut, claironne Artus d'une voix joyeuse, en rentrant au même moment du dehors, les cheveux détrempés et le tee-shirt à tordre.

Je l'aide à se débarrasser de l'empilement de bûches qu'il porte sur les bras, et je lui tends une serviette pour qu'il puisse se sécher. Mais il semble attendre que je m'en occupe, alors je soupire et j'entreprends de le frictionner pendant qu'il ronronne comme un chat.

Il enfile rapidement le vieux pull de ski, avec ses motifs de flocon, et un bonnet ridicule sur lequel est brodé un mouflon. Et il me tend un deuxième pull que j'enfile par-dessus le mien, ainsi qu'une écharpe et une grosse paire de chaussettes en laine.

- L'électricité a sauté, m'informe-t-il. Couvre-toi, il n'y a plus de chauffage.

Je remarque alors la lampe tempête qui éclaire faiblement la pièce, et l'imposant tas de bois devant la cheminée.

- J'ai rentré tout ce que je pouvais, dit-il en suivant mon regard.

- Tu aurais dû m'attendre, je t'aurais aidé.

Il hausse les épaules.

- Ça va. Je me suis réveillé tôt... Je viens de faire du café, tu en veux ?

Je m'approche du placard pour sortir deux bols, quand mes yeux tombent sur une incroyable installation. Artus a déplié une dizaine de cintres métalliques, tenus par des clous et des ficelles, qui s'étagent dans une gigantesque ramification au-dessus du poste de radio.

- Mais c'est... c'est..., je bégaye, interdite devant cet échafaudage.

- Quand je te disais que je m'étais réveillé tôt ! s'amuse-t-il. On a les fringues sur le dos, alors je me suis dit que je pouvais disposer des cintres !

- Et tu captes mieux ?

- Fort et clair.

J'éclate de rire. Je ferais bien une petite plaisanterie sur son enfance scout ou sur le Manuel des Castor Juniors, mais mon Macgyver me regarde bizarrement et, pour la première fois, je distingue une ombre d'inquiétude dans son regard d'habitude si nonchalant.

Il faudra beaucoup m'aimer (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant