Les premiers craquements ont lieu en fin de matinée.
On entend d'abord un claquement sourd, des explosions, suivi d'un grondement lointain. Comme si les montagnes étaient en train de se déplacer.
Et puis soudain, le déluge s'abat sur la maison et les vitres volent en éclat, cédant sous la pression d'un torrent de boue qui charrie des arbres arrachés, des éboulements, des routes, des ponts, des maisons... et emporte tout sur son passage.
La rivière La Roya est sortie de ses gonds.
- Bordel ! s'exclame Artus, qui a juste le temps de se jeter sur moi et de me couvrir le visage avec les bras tandis qu'une trombe d'eau saumâtre s'abat sur nous, nous asphyxiant et nous faisant bouler, transformant les meubles et les objets en projectiles qui éclatent violemment contre les murs et fusent autour de nous.
Le niveau de l'eau monte rapidement. Artus me tire par le bras pour me sortir de ma stupeur. Je reprends vite mes esprits et on sprinte jusqu'aux escaliers. Gagner l'étage est notre seule chance de survie.
Un morceau de métal lancé à vive allure me perfore la cuisse, m'arrachant un hurlement de douleur. Artus me retient au moment où je manque de tomber. Il s'accroche à la rambarde en bois, tout en nous hissant dans un effort surhumain qui nous jette hors d'haleine sur le palier de l'étage.
- Il faut pas rester là, constate-il. On doit monter sur le toit. Tu te sens d'attaque ?
J'observe ma jambe déchirée et le sang qui imprègne déjà mon jean.
- Sortons de ce piège, je réponds en serrant les dents.
Il examine à son tour ma blessure et essaye de tâter doucement à travers le pantalon pour évaluer les dégâts. Puis il se tourne vers moi d'un air malin.
- Je n'ai aucune notion de secourisme. Je sais même pas si il faut te faire un garrot ou du bouche à bouche !
Puis il éclate de rire sous mes yeux consternés.
- Bon sang, Artus, je proteste d'une voix lasse. Sortons de là, et tu feras tes petites blagues quand on sera au sec.
Il a le bon goût d'afficher un air fautif, et s'attaque au châssis de toit qui éclaire le couloir, pendant que teste ma jambe pour m'assurer que je peux y prendre appui.
Le chambranle métallique est vieux et rouillé, mais un bon coup d'épaule parvient à le faire sauter, libérant l'accès à la toiture. J'observe pendant ce temps la montée des eaux qui semblent s'être stabilisées au niveau du plafond du rez-de-chaussée.
- On peut rester ici, ça m'a l'air jouable, je propose en désignant l'eau noire qui affleure mais a cessé de s'élever.
Artus secoue la tête en signe de dénégation.
- S'ils envoient des secours, personne ne saura qu'on est là. Il faut monter sur le toit.
- Tu crois vraiment qu'on va venir nous sauver ?
Il mime un cercle rapide avec l'index, comme pour designer des hélices. Je comprends alors que les secours sont déjà programmés, et que les milliardaires n'abandonnent pas leurs rejetons au milieu du danger.
- C'était prévu ?
Il jette un œil à sa montre.
- J'espérais qu'on pourrait rester tranquillement à l'abri en les attendant, qu'on aurait le temps de poursuivre notre discussion. Manifestement, les évènements se précipitent un peu.
Je soupire et je m'avance, tandis qu'il fait la courte échelle à ma jambe valide.
L'arrivée sur le toit est d'une violence stupéfiante. Le déluge nous assomme et le vent strident nous perfore les oreilles. Mais le plus terrible est en contrebas de la maison : les eaux tumultueuses semblent avoir tout emporté. Le hameau est noyé à présent sous une étendue vaseuse et noirâtre, dont on devine qu'elle est en train de poursuivre sa course meurtrière plus bas dans la vallée.
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Il faudra beaucoup m'aimer (Terminé)
RomanceAlix a 28 ans, un fiancé adorable, une vie parisienne assez cool, et un métier passionnant dans l'édition. Tout va pour le mieux jusqu'à ce qu'on lui demande de gérer le premier roman d'un jeune prodige de dix-huit ans. Sauf que le petit génie n'a a...