Chapitre 52

452 44 20
                                    

- Alors Fiston, comment ça se passe l'école ?

Le patriarche de la famille venait tout juste d'écraser le mégot de cigare qu'il tenait du bout de ses doigts contre le cendrier poudreux et métallique placé au bord de la table. Dès que l'insupportable odeur de tabac s'en alla, sa fille put enfin respirer normalement, ce fut donc naturellement qu'elle poussa un large soupire de contentement.

Il prit l'énorme louche disposée au centre de la table et vint se servir une assiette plutôt conséquente du délicieux pot-au-feu préparé avec amour et patiente par sa femme, profitant également de cet instant pour en humer un court moment l'odeur qui s'en dégageait. Il savoura brièvement les effluves à la fois fortes et épicées de ce plat originaire de France et vint s'en servir une part, avant de reposer la louche dans la casserole.

- Je fais des progrès. Assura Changbin, entre deux crocs de viande, juteuse à souhait. L'examen de sport arrive dans quelques jours et j'ai promis à un pote de l'aider pour sa musique, c'est beaucoup de boulot mais ça me fait plaisir alors je relativise.

« Un pote ».

L'envie de mentionner son petit ami comme tel aux yeux de sa famille lui brûlait les lèvres et pourtant, il se devait de le faire passer pour un ami lambda devant cette-dernière, au risque d'inévitablement s'attirer les foudres de son père.

Il allait donc la jouer prudente, en tentant de ne pas tout faire capoter comme la dernière fois, cette même fois où il avait menacé de tout détruire autour de lui par une simple affirmation...

Il se devait d'être fort et bon comédien. Il allait jouer le rôle du petit enfant sage et modèle, et lorsqu'il obtiendrait enfin sa propre autonomie, il s'enfuirait.

Tout ce temps perdu à enchaîner mensonges sur mensonges sera alors enfin terminé et il pourra donc le consacrer à autre chose, ou plutôt à quelqu'un d'autre, de bien plus important à ses yeux.

- C'est bien de vouloir aider mon fils mais n'oublie pas ton examen. Je ne veux pas te voir échouer à cause de ta soit disante « musique » de pacotille.

On aurait presque pu croire que sa fourchette venait de se tordre si Changbin n'avait pas su contrôler la colère qui faisait rage au sein de lui. Le ton à la fois condescendant et jugeur dans son père le mettait dans une colère telle qu'il aurait clairement pu en ce moment même lui décrocher une droite au visage.

Cependant, sa volonté de réussir fut plus forte et il arriva à calmer ses pulsion en répétant inlassablement cette même phrase dans sa tête :

« - À dix-huit ans je me barre. À dix-huit ans je me barre. À dix-huit ans je me barre... »

Quatre mois.

Il suffisait seulement d'attendre quatre petits mois et il pourrait enfin dire adieu à cette vie pleine d'anxiété et de pression familiale. Il aurait enfin : une situation stable, un appartement et Felix à lui tout seul.

Alors, en s'imaginant tout ce qu'il pourrait bien faire en échange de ses quatre petits mois de torture, il déclara, tout sourire :

- Bien sûr ! Compte sur moi pour faire de mon mieux !

- C'est ce genre de réaction que j'attendais de toi mon garçon ! Ria le père en zieutant fièrement son fils. Rends-nous fier, je sais que tu en es capable.

Un petit rire traversa la barrière de ses lèvres lorsqu'il aperçut son père le fixer d'une manière aussi... peu naturelle ? N'empêche, quel bon acteur pouvait-il être, ce Seo Changbin.

There isn't any Love in Hate [Changlix]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant