— Meena?
Je tourne la tête vers mon père qui est près de Thaïs et moi alors que nous sommes en train de manger. Mon père ne vient jamais sur mon lieu de travail et je fronce les sourcils. Je ne l'ai pas revu depuis de la dernière fois, depuis que je lui ai dit que je ne voulais plus le voir pour le moment. J'avale mon bout de viande et me lève de ma place pour rejoindre mon père qui attend patiemment dans son coin.
— Qu'est-ce que tu fais là papa?
— Je n'avais plus de tes nouvelles.
— Et tu sais pourquoi.
— Oui mais ma fille me manque.
Je souffle légèrement, je suis touchée de voir mon père ici, pour me dire ça. Je n'ai jamais été en froid avec lui et ça me rend triste.
— Je vais me faire soigner d'accord?
— Vraiment?
— Je ne compte pas aller en cure.
— Papa...
— Non, écoute-moi. J'ai réduit ma consommation, ce n'est pas facile mais je le fais parce que je refuse de perdre une de mes filles.
— Vraiment? Mais on peut.
— Non, ne parlons plus de ça s'il te plaît. Mais je te promets de faire un effort.
— Mmh.
Mon père me regarde, la tête légèrement penchée et me tend ses bras. Je finis par capituler et m'y glisse, je n'ai pas honte de faire un câlin à mon père. Je sens qu'il embrasse le dessus de ma tête et je souris comme une enfant. C'est ce que je suis à ses côtés de toute façon non?
— Je vais te laisser avec ta collègue. On se voit bientôt?
— Oui.
— Je pensais qu'on aurait pu manger tous ensemble, avec tes sœurs, pour la grossesse de Paige.
— Oui, c'est une bonne idée, tu n'auras qu'à m'envoyer un message quand tu te seras mis d'accord avec les filles.
Mon père hoche la tête et embrasse mon front avant de partir. Je crois mon père quand il me dit qu'il va faire des efforts, la route va être longue par contre. Très très longue. Je sais qu'une personne ayant des addictions ne se détache pas facilement mais nous serons toutes là pour lui.
J'avoue que ma fin de journée à l'école a été meilleure. Être réconcilié avec mon père fait du bien, même si techniquement, nous n'étions pas vraiment pas fâché. Thaïs m'a aidé à ranger la salle de classe et j'attrape mon sac à main quand nous sortons enfin de l'école. Ce que j'aime dans notre pays, c'est que nous finissons les cours à quatorze heures et c'est un réel bonheur de savoir que nous avons toute l'après-midi tranquille. En France par exemple, les petits ont école jusqu'à seize heures trente, les pauvres.