Chapitre 23 - Le retour du major

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— Lyruan ! Lyruan !

— Major !

— Hé, Lyruan ! Réveille-toi, hé, c'est pas drôle !

— Que s'est-il passé, soldat ?

— Je sais pas ! Je, j'étais, elle frappait l'autre, et puis... et puis... Lyruan, allez ! Lyruan !

— Vous n'avez rien vu ?

— Non ! Non ! J'ai cligné des yeux... J'ai juste cligné des yeux, caporal...

— Elle a cligné des yeux.

— Non, moi, caporal, en un clin d'œil, un clin d'œil, t-tout...

— Non, la major. Elle a cligné des yeux.

Il y eut une seconde de silence. Puis des mains se jetèrent sur mes épaules.

— Lyruan ! Lyruan !

— Reculez-vous, improvisa-t-il.

— De... l'eau.

Je ne savais plus articuler. Comme si elles avaient compris, les grandes mains maladroites cessèrent de me secouer. On me rallongea sur le sol plat. Il vibrait de dizaines de petites déflagrations lointaines.

— Reposez-vous, major.

Inconsciemment, je me dis que je n'aurais désobéi pour rien au monde. Mon corps tendu se relâcha. Les vibrations me réveillaient. Doucement. Je commençais à sentir mes doigts, amorphes, relevés vers un plafond de nuages flou. Des voix résonnaient sur ma gauche. Le vent sifflait à distance. Juste à côté de moi, une ombre difforme se releva, disparut au loin.

— Lyruan... Hé, tu nous as fait peur.

Il y avait une autre ombre. Elle se penchait sur moi, la voix basse.

— Hé... les cordes ont écrasé tout le monde. 'Reste que-que ceux qui étaient au bord... Chef... quelques autres...

Le visage de Pleh gagnait des détails à chaque seconde. Ses joues creusées comme s'il se les mordait. Sa tête, couverte de poussière, de ses boucles brunes à ses cils.

— Ceux... Ceux qui étaient en-dessous, ils sont en-encore sous les cordes. On est les-les seuls qui... Les seuls qui...

Me concentrer sur ce qu'il disait m'assommait encore plus. Je grognai en clignant des yeux ; la galerie commençait enfin à ressembler à quelque chose.

— Hé, il y a aussi l'autre, qui... Le grand, là, t'sais, celui qui parlait pas. 'S'est retrouvé dans le fi-filet qui était accroché. Comment il s'appelait, déjà... ?

— Narayan.

— Ah oui, Pab... Hein ? T'as dit quelque chose ?

« Narayan. »

C'était son prénom. Le prénom de cette ordure, de ce malade, j'en étais certaine. Pourquoi ? Je ne l'avais jamais entendu. Mais il résonnait fort dans mon esprit, comme un fait indiscutable, une évidence absolue.

« Je te présente Narayan. »

Quelqu'un se tenait face à moi. Pourtant, à part Pleh, je savais qu'il n'y avait personne.

« C'est un gentil garçon. »

« Et où est Rama ? »

— De l'eau, major.

L'Angevert - Partie IIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant