Ils battaient des ailes comme de beaux diables autour d'une corde.
— D'ici cinq minutes, major. On se dépêche.
Nez en l'air, je hochai la tête, avant qu'une course maladroite me confirme que le soldat avait détallé. Au loin, doucement, de lourds mécanismes se mettaient en route. La corde crissait comme jamais, dans un écho à détruire toutes les oreilles du passage.
— Vous n'étiez pas pressée, j'espère, souffla Trimidis à côté.
Il tenait encore la cape rouge à son bras. Je l'avais retirée, pour traverser la troisième strate.
— Le Colonel attendra, lâchai-je dans le vacarme. Vous lui avez déjà tout dit, j'imagine ?
— Affirmatif.
Un soldat nous faisait de grands signes.
— Allons-y, enjoignis-je au caporal, mais il accordait déjà son pas sur le mien.
Cette corde tout juste raccrochée devait me mener en deuxième strate. A cet instant, il s'agissait de la plus haute du passage, les autres ne dépassaient pas les prisons centrales. Les pieds sur un parterre de cordages, des soldats tiraient dessus, bras vibrants, ailes battant à reculons, pour tester la solidité. Une seule paire d'étriers semblait avoir survécu à la chute, assortie à des restes de poignées tordues.
Après quelques saluts, je pris pied sur l'installation.
— Vous ne montez pas ?
Mon accompagnateur leva un sourcil.
— Je prendrai les suivants, déclina Trimidis, alors qu'il n'y en avait sans doute pas.
Je me décalai sur le côté, coinçai la robe entre mes jambes.
— Montez.
Il resta interdit. Mais passé un instant, il dut se résigner, et, cape sous le bras, prit souplement place dans l'étrier. Nos mains se serrèrent sur les poignées. Elles grincèrent, tanguèrent, mais pas un écrou ne s'en échappa. Regard fixé vers le haut, je laissai Trimidis faire signe aux autres. Et le mécanisme s'activa ; la corde, se mit à monter, lentement, et toujours aussi peu silencieuse.
Dix mètres. Cinquante mètres. La grande ouverture sur les nuages s'éloignait sous mes pieds, comprimés à deux dans un étrier. Cent mètres. Trimidis laissait pendre une jambe dans le vide, sans même prêter attention au sol.
Il me regardait en coin. Je le savais, car je faisais la même chose. Concentrée de force sur le sommet, la Prairie que j'allais enfin rejoindre, je ne pouvais en même temps m'empêcher de le surveiller. Pensait-il à ma première remontée, quand il m'avait escortée avec ses hommes, à mon retour de Terremeda ? Revoyait-il notre discussion après l'attaque d'Utopie, ou encore celle sur les remparts, avant que la bombe n'explose ?
— A quoi pensez-vous ? murmura-t-il.
Ça alors. Trop occupée à imaginer ce qui se passait dans sa tête, j'eus du mal à savoir ce qui se passait dans la mienne. Que répondre en premier ? Qu'une heure plus tôt, j'avais failli laisser ma vie dans ces cordes de malheur ? Ou que j'y avais sauvé la sienne ?
— Je pense à l'asperge, trouvai-je finalement. Où est-il ?
Son regard m'obligea à reformuler.
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L'Angevert - Partie II
Paranormal[Ce résumé contient des spoils sur la Partie I] Utopie n'est plus à portée d'ailes, pourtant Lyruan n'a jamais été aussi troublée. Promue major de l'Armée Blanche, la jeune gradée forme ses soldats sans relâche, la magie de l'Angevert coincée dans...