Chapitre 8 - Disparitions

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— Elle était donc là, la major défectionnaire.

Mignoche, planté à côté du bureau du Colonel, releva hautainement son menton plus anguleux qu'une pointe de flèche. Chacun de ses mots, en plus de respirer l'animosité, sonnaient tous comme des piques provocatrices. Un vieux réflexe voulut que je lui réponde par un regard assassin.

De mieux en mieux. En voilà encore un qui illuminait ma soirée — d'une autre façon.

— Je n'ai pas eu à la chercher bien longtemps, caporal Migonem, lâcha Trimidis dans une phrase cordiale qui sentait aussi fort le reproche.

L'autre siffla avec dédain.

— En tout cas, toute la relève du quartier scientifique n'avait aucune fichtre idée d'où se trouvait leur supérieure.

— Silence, tous les deux, coupa le Colonel. Nous aimerions tous être dans notre lit à l'heure qu'il est, donc écourtons au maximum, si vous le voulez bien.

Il se massait déjà le visage d'une main molle. Aucun des deux caporaux, bien en uniforme, ne fit la remarque que je me retins de lancer, à savoir qu'un lit, nous n'étions pas censés en voir un avant de longues heures encore.

Un geste de la part du haut-gradé nous invita à nous rapprocher. Encadrée de mes deux subordonnés, je m'exécutai, attentive. Aucun signe sur le visage du Colonel. Que s'était-il passé, cette fois ? Pourquoi diable Trimidis m'avait-il parlé de Fen ?

Mais avant d'en apprendre plus, le soubresaut d'une bibliothèque détourna mon attention. Le meuble, presque adossé au mur, vibra légèrement, avant que n'en sorte une silhouette maigrichonne. Pleh. Je me sentis cligner des yeux plusieurs fois. Complètement inconscient de notre réunion confidentielle, mon collègue fixait le plumeau agité au bout de son bras. Le Colonel commençait déjà à baragouiner des choses. J'hésitai un quart de seconde, avant de lever les yeux au ciel, et de me pencher avec les autres sur le bureau.

Après tout, cela m'arrangeait si Pleh restait ici.

— ... six groupes en tout, à ces endroits-là. Ici aussi. Et les vôtres, major ?

Sans un mot, j'indiquai une à une les positions de mes soldats sur la carte du Colonel. Enfin, approximativement. Mais mon doigt, franchement appuyé point par point sur le vieux parchemin, ne souleva aucun doute chez mon supérieur. Une fois toutes les positions marquées au charbon, il se mit à tracer de grands cercles autour de certaines zones.

Pleh, pourtant déjà allongé, devait se lever sur la pointe des pieds pour nettoyer les armes du haut de l'étagère.

— Voilà, il y a eu des attaques ici.

Je me forçai à revenir sur la carte.

— Donc c'est bien ce que disait Migonem. Walkaerys, ça concerne vos hommes.

— Nous avons la liste des disparus, nota Migonem, un peu moins aigre.

— Deux vérifications valent mieux qu'une, caporal.

Il aurait pu réussir à se blesser avec des fourreaux fermés. Distraite par l'intru de la pièce, je m'enquis :

— Quelle liste ?

Trimidis croisa ses bras, mal-à-l'aise. La bouche de Migonem, toujours apte à s'ouvrir pour cracher des méchancetés, se pinça pour la première fois devant moi. Le Colonel, lui, me fixa une seconde. Puis il enfonça sa main dans un tiroir, et me tendit un petit bout de papier, griffonné à la hâte.

L'Angevert - Partie IIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant