Elle se disait : le soleil doit être levé.
Langoureux, les Serviteurs étaient venus psalmodier les honneurs. Leurs prières longues et monotones, doucement, l'avaient extirpée des songes. Une fois encore, une fois de plus, soutenue par les coussins de soie, elle avait simulé l'attention. Puis les voix s'étaient tues. Les silhouettes s'étaient levées, la tête inclinée. Pas un mot, pas un regard. Ils ne lui avaient pas parlé. Ils ne lui parlaient jamais.
Sans voir l'extérieur, elle avait sombré dans le noir avant leur départ. Plus de lumière, plus de bruits. Mais l'oubli de la réalité, dans des rêves inexistants.
Et puis, quelques instants plus tard, une main avait toqué.
Il était entré.
Il s'était agenouillé près d'elle.
— Votre Altesse.
La porte restait ouverte. Elle dessinait une forme blanche, dans ce noir, même traversée par l'ombre d'une silhouette.
Oui, le soleil s'était levé. Mais il aurait dû rester dans le ciel.
Ses doigts glissèrent vers le bord du lit. Veban releva la tête, posa une main douce et chaude sur la sienne. Comme toujours, il lui renvoya son regard, avec cette lueur au fond des yeux, qui lui soufflait d'être forte.
— Les temps sont difficiles, murmura-t-il. Elle vous protégera.
Comme elle le faisait auparavant.
— Major !
Mais, pourquoi ce choix ?
— Saluez votre Grande Détentrice.
C'était à la fois la chose la plus horrible, la plus cruelle, la plus...
— A-Altesse, bégaya-t-elle en se courbant.
... Merveilleuse.
Elle restait debout.
Tandis qu'elle restait couchée.
Elle tordait sa tête vers la porte, lèvres pincées.
Tandis qu'elle restait immobile.
Le noir lui lissait les traits. Il gommait l'incompréhension qui tirait son visage.
Elle non plus, ne pouvait expliquer. Pourquoi il l'avait amenée. Pourquoi elle était là, devant elle, à frotter ses mains contre le meuble, en évitant soigneusement son regard.
Elle observait la fenêtre.
Elle l'observait elle.
— Qu'est-ce qu'il fait sombre...
Son murmure avait raison. Pourtant, ces quelques mots venaient d'illuminer la pièce, d'une force qu'elle ne pouvait pas soupçonner.
Elle la suivit des yeux. Son pas régulier la mena jusqu'aux rideaux. Qu'elle empoigna. Les poings comprimés sur le tissu, elle libéra la fenêtre, laissa place au jour.
Elles inspirèrent ensemble, fenêtre ouverte.
— C'est plus agréable !
Sa tête se tourna.
— Vous ne trouvez p...
Qu'avait-elle, elle aussi ? Allait-elle détourner le regard ? S'excuser de son impertinence, partir, la laisser à jamais ?
Elle attendait. Les épaules encore tournées vers la lumière, elle attendait. Immobile, silencieuse, comme si elle pouvait rester ainsi une éternité. Alors, elle fit ce qu'elle n'osait plus. Elle entrouvrit les lèvres.
— Si, souffla-t-elle. C'est plus agréable.
Et elle se rendit compte que l'amnésie l'avait frappée, elle aussi.
Elle avait oublié à quel point son sourire bouleversait le monde.
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L'Angevert - Partie II
Paranormal[Ce résumé contient des spoils sur la Partie I] Utopie n'est plus à portée d'ailes, pourtant Lyruan n'a jamais été aussi troublée. Promue major de l'Armée Blanche, la jeune gradée forme ses soldats sans relâche, la magie de l'Angevert coincée dans...