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L'heure du dernier repas avant l'expédition avait sonné, demain à l'aube, les troupes se mettraient en route et la cinquante-septième expédition extra-muros démarrerait.

Le réfectoire était plongé dans un silence lourd, seuls de légers bruits de couverts résonnaient dans la pièce. Ils avaient peur, peur de ce qu'ils verraient, de ce qu'ils affronteraient, peur de voir leurs compagnons mourir, ou de mourir eux même.

Oui, ce soir, l'ambiance n'était pas au rendez-vous et le moral des soldats non plus mais après tout qui pourrait leur en vouloir ? Certainement pas leurs supérieurs, il y a bien longtemps qu'ils avaient arrêté de se voiler la face, ils ne pouvaient garantir la survie de personne, même pas la leur. Ils les envoyaient à la mort en sachant très bien que la plupart d'entre eux n'étaient pas préparé à l'affronter, les plus chanceux parviendraient à rentrer, en un seul morceau peut-être pas mais en vie oui.

Pour un fois, Élise ne mangeait pas à la table de l'escouade Levi comme elle avait l'habitude de faire avant un départ en mission, elle avait rejoins celle de son neveu et touillait sa soupe sans entrain, observant la mixture bouger sans même penser à la manger. Elle se trouvait entre Jean et Reiner qui ne semblaient pas plus affamés qu'elle, personne ne parlait à leur table non plus, contrairement à d'habitude où l'on pouvait entendre des rires fuser de l'autre bout du réfectoire.

- Vous devriez manger caporal, avoir le ventre vide pour partir n'est pas une bonne idée. Dit Christa qui se trouvait en face d'elle, brisant le silence qui s'était installé depuis le début du repas.

- C'est gentil de t'inquiéter mais je n'ai pas très faim, répondit la brune en levant le regard de son bol pour offrir un semblant de sourire rassurant à la jeune fille.

Le silence retomba ensuite. Élise savait des choses qu'eux ignoraient, que la plupart des soldats ignoraient. Cette mission représentait un véritable enjeu, tel que même en étant à l'endroit le plus sur de la formation, elle n'était pas convaincue de ses chances de survie.

Mais ce n'est pas ce qui la tourmentait le plus, au fil des années, elle s'était faites à l'idée qu'elle mourrait un jour, peut-être prématurément mais elle finirait par rendre son dernier soupir. Non, ce qui la terrifiait, c'était de savoir que le garçon se trouvant à coté d'elle, cet enfant qu'elle avait vu naître, risquait aujourd'hui de mourir, tué par les monstres qu'elle combattait depuis des années.

Sachant pertinemment qu'elle ne toucherait pas à son repas, la caporal observa les tables aux alentours. Elle vit Hanji, assise à coté de Moblit avec le reste de son escouade, rares étaient les fois où la scientifique n'était pas joyeuse pendant les repas, elle aussi restait fixée sur son repas sans décrocher un mot. Elle continua ensuite de balayer la salle du regard et vit l'escouade Levi, le caporal-chef arborait son habituelle expression impassible, Eren se forçait à manger son bout de pain, lui aussi avait peur, même avec sa capacité de transformation il ne fallait pas oublier que ça restait néanmoins sa première expédition. Mais c'était peut-être celui qui avait le plus de chances de rentrer en vie, le major l'avait ordonné, il devait être protégé, à n'importe quel prix.

Elle finit de faire le tour de la pièce, Erwin manquait à l'appel, comme souvent la veille d'une mission, il était enfermé dans son bureau à revérifier chaque détails pour le lendemain, essayant de trouver un moyen pour limiter les pertes. Il avait peut-être accepté qu'il ne pouvait pas sauver tout le monde mais n'était pas en paix avec cette idée pour autant.





Accoudé au rebord de sa fenêtre, il respirait l'air humide de la nuit. Observant un point lointain dans le paysage, il se rappelait de la promesse qu'il s'était faite étant enfant : débarrasser le monde des titans et libérer l'humanité de ces murs. Penser à ça le ramenait toujours au souvenir de son père, celui qui lui avait fait ouvrir les yeux sur la réalité de ce monde, celui qui lui avait inculqué les valeurs qui faisait de lui l'homme qu'il était aujourd'hui, celui qui avait payé le prix de son imprudence.

Il sentit une présence nouvelle dans la pièce où il se trouvait, en tournant la tête, il découvrit Élise qui venait de passer l'encadrement de la porte, il retourna à ce qu'il se passait par la fenêtre et la laissa s'approcher sans un mot. La fenêtre étant assez large, elle vint s'accouder à celle-ci à son tour.

Il n'avait pas besoin de parler, la présence de la jeune femme lui apportait une sorte de sérénité même dans le silence, la sentir à coté de lui réchauffait son être sans même avoir besoin de la regarder. Le fait qu'elle provoque des sentiments chez lui que personne d'autre ne provoquait, ça aussi il avait appris à vivre avec au fil des années.

- Il est entre de bonnes mains, on le ramènera à la maison, commença-t-elle, coupant le silence entre eux. À tout prix, ajouta-t-elle sans lâcher le paysage du regard.

- Il y a un prix que je ne suis pas prêt à payer, avoua-t-il d'une voix monotone quelques secondes après.

- Lequel ? Demanda la caporal interloquée, se tournant cette fois-ci vers le profil de l'homme se trouvant à coté d'elle.

Oui, il avait appris à vivre avec ces étranges sentiments qu'elle faisait monter en lui, mais ce n'est pas pour autant qu'il les avait enfoui, il avait essayé, en vain. Mais ça il n'était pas prêt de lui avouer, il ne pouvait pas.

- Peu importe, répondit-il. Tu devrais aller te reposer, ce qui nous attend ne sera pas une partie de plaisir, conclu-t-il en s'éloignant de la fenêtre, mettant fin à leur discussion.

Ce prix, c'est toi, songea-t-il en détournant le regard du dos de la jeune femme.

Devoir de mémoire ( Erwin x OC )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant