Les mois lui semblaient atrocement longs.
Et sa vie sans aucun intérêt.
Au début, elle culpabilisait à chaque fois que cette pensée venait déranger son esprit, s'accablant de remords.
Puis au bout de quelques semaines, elle avait arrêté de se reprendre et de positiver lorsqu'elle se disait qu'elle détestait son quotidien, ayant enfin compris que cette pensée ne disparaîtrait pas, qu'elle était là, présente au plus profond d'elle malgré tout ce qu'elle faisait pour l'éliminer.
Elle était fatiguée, fatiguée de continuer à jouer la caporal forte et intouchable, fatiguée de porter à la fois la casquette de supérieure, de tante et de sœur sur laquelle pouvait compter les adolescents formant désormais les soldats d'élite du bataillon, et surtout fatiguée de se battre dans la société pour laquelle son mari avait donné sa vie.
Et même si elle avait accepté cette pensée, ce n'est pas pour autant que celle-ci ne lui faisait pas mal, car même si ces adolescents étaient des soldats devenus forts et marqués par la guerre, ils n'en restaient pas moins sa famille, et elle ne voulait pas les abandonner.
Néanmoins, ceux qui restaient les plus durs à affronter étaient Levi et Hanji, elle avait l'impression de les trahir chaque fois que cette pensée survenait en leur présence.
Hanji avait perdu son second et même si elle s'efforçait de faire croire le contraire et de rester de marbre, son départ lui avait déchiré le cœur. Levi quant à lui restait froid, il ne changeait rien à ses habitudes, mais la jeune femme savait ce qu'il ressentait au plus profond de lui, puisqu'il lui en avait fait part. Oui, pour la première fois, Levi lui avait fait part de ses sentiments, dans le seul but de l'aider à aller mieux. Et elle, elle ne trouvait rien de mieux à faire que de penser qu'elle voudrait être n'importe où sauf ici lorsqu'elle était en leur présence, en la présence de ses amis, ceux qui l'aidaient, ceux qui l'aimaient, ceux qui l'avaient sauvé.
Mais ce soir, elle ne reculerait pas, elle ne reculerait plus. Cette situation lui devenait insupportable. Et le fait de voir le reflet d'Erwin chaque fois qu'elle posait son regard sur Armin l'était encore plus.
Le garçon s'était montré des plus cléments avec elle depuis qu'elle connaissait la vérité, comme s'il essayait de se racheter auprès d'elle. Il cherchait constamment à lui rendre service, malgré qu'elle lui ait assuré plusieurs fois qu'il n'avait pas besoin de le faire. Et puis une soirée, sans trop savoir comment, elle s'était retrouvée à parler avec lui accoudés à la fenêtre de son bureau, comme il lui arrivait de faire avec Erwin du temps où il était encore vivant. C'est en le regardant qu'elle a compris qu'il lui était impossible de continuer à le côtoyer sans souffrir, car dans ses yeux azurs se reflétait exactement le même espoir que celui qui animait le regard de son mari autrefois.
Elle était assise au bord de son lit, éclairée par sa lampe de chevet, fixant son sac posé au coin de sa porte. Lentement, elle se leva et enfila son long manteau noir avant de saisir les deux enveloppes posées sur la petite table et son sac. Elle jeta un dernier regard circulaire sur la pièce et éteignit la lumière avant fermer la porte derrière elle.
Mais elle n'avait pas prévu de se retrouver nez à nez avec le caporal-chef en se retournant. Adossé au mur, les bras croisés sur sa poitrine, c'était comme s'il l'attendait. Elle ne put d'ailleurs réprimer son léger sursaut en le découvrant.
- Comment tu as su ? Demanda-t-elle une fois sa surprise passée.
- Ça fait des semaines que je savais que tu finirais par partir, je ne savais juste pas quand ni comment, mais j'ai compris que ça serait pour ce soir en te voyant quitter le réfectoire sans un mot après le dîner, répondit celui-ci d'une voix monotone.
- Tu comptes m'en empêcher ?
Il soupira, comme si sa question était stupide.
- Bien sûr que non, rétorqua-t-il d'un ton évident. J'ai fait une promesse à Erwin, celle de te protéger, et pour la tenir te laisser partir est la meilleure chose à faire, mais je te laisserai pas t'échapper dans la nature comme ça.
La brune fronça les sourcils, ne saisissant pas vraiment ce qu'il voulait dire, il ne comptait tout de même pas partir avec elle ?
Puis elle vit l'homme lui tendre une enveloppe marron qu'il avait dissimulé dans son dos.
- Je t'offre un nouveau départ, tâche d'en faire bon usage, dit-il simplement lorsqu'elle la saisit. Je serai le seul à connaître ta localisation, lui assura-t-il ensuite, devinant qu'elle ne voudrait certainement pas que l'un d'eux essaye de la retrouver.
Elle savait que même sous la torture, le noiraud ne révèlerait rien, elle pouvait lui faire confiance. Après tout, elle n'avait même pas de questions à se poser, puisqu'il s'agissait de Levi. À cet instant précis, il ne pouvait même pas imaginer à quel point elle lui était reconnaissante de ce qu'il faisait pour elle.
- Merci, souffla-t-elle sincèrement, ne sachant quoi dire d'autre.
- Ne me remercie pas, t'attire pas d'emmerdes, c'est tout ce que je te demanderai, rétorqua-t-il dans son habituelle froideur.
Elle ne put s'empêcher de pouffer légèrement, il ne changerait donc jamais.
- Dans ce cas-là, faisons un échange de bon procédé, proposa-t-elle en lui tendant les deux enveloppes qu'elle tenait toujours, je te confie ça, je compte sur toi pour les transmettre, c'est là le dernier service que je te demanderai, car tu m'as déjà grandement aidé.
Il soupira, n'étant pas adepte du sentimentalisme et sachant très bien que ces lettres contenaient les raisons du départ de la jeune femme, mais les saisit quand même en hochant la tête, lui assurant qu'il le ferait.
Elle lui adressa un dernier sourire en guise de salutation avant de s'éloigner, mais au bout de quelques pas elle s'arrêta pour le regarder par-dessus son épaule :
- Tu avais tord, ce n'est pas vous que j'ai fini par détester, mais moi. Finalement, on est peut-être pas si différent que ça toi et moi, avoua-t-elle avant de se remettre en route.
Il ne répondit rien et la regarda s'éloigner petit à petit, tout en songeant à quelque chose qui lui rappela inévitablement son ami disparu.
Lui aussi il se détestait...
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Hey !
Voici le chapitre 51, tournure quelque peu inattendue j'imagine, mais ne vous en faites pas, c'est loin d'être terminé !
En espérant qu'il vous ait plu :)
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Devoir de mémoire ( Erwin x OC )
أدب الهواةÊtre en sécurité, c'est d'abord ça qui l'avait poussé à finir parmi les premières de sa promotions, sixième pour être exacte. Élise voulait s'assurer une vie paisible en entrant dans les brigades spéciales mais elle s'était ravisée, voilà dix ans ma...