Devoir de mémoire ( Erwin x OC )

44.

Pourquoi la vision de l'homme qu'elle aimait tant, de celui qui éveillait en elle des sentiments qu'elle n'avait jamais ressenti, de celui qui illuminait son regard d'or, était pour l'instant présent si douloureuse ?

Ils avaient peiné à atteindre le sommet de la colline, le handicap d'Erwin et les blessures d'Élise n'aidaient pas à pousser le fauteuil aisément à travers les chemins recouvert de dalles menant jusqu'en haut. Mais ils y étaient parvenus.

Désormais en haut, les quelques arbres feuillus formaient une bordure au tableau qui s'offrait à eux. Le soleil couchant projetait une douce lumière orangée sur la ville qui s'étalait loin devant eux, au pied de la colline.

Le jour s'éclipsant un peu plus au fil des minutes sonnait la fin de cette journée fatidique, la dernière avant le départ des bataillons d'exploration.

Après cette dernière escapade, il ne lui resterait que quelques instants à passer avec celui qu'elle chérissait, une dernière nuit à sentir son parfum effleurer ses narines, à sentir sa peau contre la sienne et à l'enlacer, collant son oreille à son torse sculpté pour entendre les battements de son cœur.

Grand, le dos droit et le menton relevé vers l'horizon, le vent faisant vaciller la manche pendante de son long manteau kaki, sa silhouette se tenait plantée à seulement deux pas du fauteuil de la jeune femme. Même au seuil de la mission probablement la plus risquée qu'il s'apprêtait à mener, cet homme gardait une prestance indéniable.

Le blond finit par se retourner et faire face à la brune se trouvant derrière lui, projetant l'ombre de sa silhouette sur elle.

Leur regard s'accrochaient l'un à l'autre comme des aimants, et Élise sentait une douce torpeur se répandre dans l'entièreté de son être. Comme à chaque fois que ces yeux emplis d'espoir se posaient sur elle.

- J'aurai aimé pouvoir te promettre de revenir cette fois encore, résonna soudainement sa voix grave, t'offrir cette maison loin de tout et cette vie dont on rêvait, en sécurité.

- Mais tu ne peux pas, termina Élise d'une voix douce en voyant qu'il commençait à peiner à s'exprimer.

Elle aussi, elle aurait aimé. Se réveiller chaque matin à son côté, partager les repas qu'ils auraient préparé ensemble et partir à cheval talonner les terres désinfectées des démons qu'ils avaient combattu corps et âme. Oui, elle aurait aimé goûté à cette vie, avec lui.

Il approuva ses dires d'un simple clignement des yeux, regrettant de ne pouvoir la contredire.

- Lorsque mon père est mort, et que j'ai compris que c'était parce qu'il s'était approché de trop près de la vérité, expliqua-t-il, je m'était donné comme seul objectif de vie de mettre la lumière sur notre monde et les secrets qui l'entouraient. De découvrir d'où venaient les titans et de mettre fin à leur existence pour libérer l'humanité.

Il marqua une pause, et absorbée par son récit, Élise l'encouragea à continuer d'un signe de tête.

- Et puis lorsque j'ai rejoint les brigades d'entraînement, tu étais là, reprit-il.

Elle sentit son cœur se serrer, les larmes menaçaient de couler sur ses joues.

- Tu faisais partie des plus jeunes recrues. Tu étais débordante de vie, intrépide et ne laissait personne te marcher dessus.

Elle ne put empêcher un léger sourire de prendre place au coin de ses lèvres en l'entendant décrire l'adolescente qu'elle avait pu être.

Cette époque lui paraissait si loin, tel qu'elle peinait à croire qu'elle avait vraiment existé.

- Nous étions complètement différents, et pourtant, tu as retenu mon intérêt dès lors que j'ai posé les yeux sur toi, avoua-t-il. Mais tu voulais rejoindre les brigades spéciales et moi le bataillon.

Jamais il ne lui avait révélé tout ça. Elle se sentait naïve et aveugle de n'avoir rien vu tout ce temps durant, alors que tout était là sous ses yeux.

Avant de le laisser continuer, elle prit soudainement la parole, la voix légèrement tremblante :

- Tu voulais libérer l'humanité et moi servir cet imposteur qui était assis sur le trône juste pour assurer ma sécurité. J'étais affreusement égoïste et tu as fait changer ma vision des choses. C'est grâce à toi, Erwin, que j'ai changé d'avis. Et pas une seule fois, en dix ans, je n'ai regretté ce choix.

C'était la vérité, à quinze ans, elle avait décidé de rejoindre les brigades d'entraînement, mais jamais elle n'aurait pensé faire la rencontre de personnalités comme Erwin et Hanji. Elle se souvint aussi que Nail Dork avait fait parti de sa famille de cœur pendant un court temps, jusqu'à ce que leur chemin se séparent, parce qu'elle décidait de suivre la voie qu'Erwin lui avait éclairé.

Ce regard océan plein d'espoir et de détermination avait fait différer la vie à laquelle elle aspirait, elle avait suivi le chemin que son cœur lui indiquait, celui semé d'embûches qui l'exposerait à un constant danger. Mais elle combattait ce danger aux côtés de ceux qu'elle aimait.

Malgré elle, une larme finit par rouler sur sa joue qu'elle essuya d'un revers de main.

- Si c'est là la façon dont tu vois les choses, alors c'est à mon tour aujourd'hui d'être égoïste, annonça-t-il soudainement.

Elle fronça les sourcils, ne comprenant pas ce qu'il voulait dire.

- Je ne reviendrais probablement pas de cette mission, mais il y a une dernière chose que je voudrais...

Il se mouva lentement, les yeux écarquillés et la bouche entrouverte, stupéfaite, elle l'observa poser un genoux à terre.

Elle crut que son cœur allait sortir de sa poitrine et que ses entrailles n'allaient cesser de se retourner sur elles-mêmes.

- Si je venais à disparaître, je voudrai m'assurer que toi, Élise, tu fasses perdurer mon nom, en le portant, alors...

Elle ne disait rien, incapable de sortir le moindre son.

À ces mots, il passa sa main dans la poche de son manteau pour en sortir un petit écrin en velour rouge qu'il parvint à ouvrir à l'aide sa seule main.

Avant de ne lui montrer, il observa le bijoux quelques secondes, et l'idée qu'elle avait en tête se confirma, elle savait ce qu'il s'apprêtait à faire.

Lorsqu'il releva enfin les yeux vers elle, il lui dévoila le contenu de la petite boîte, et termina enfin sa phrase :

- Veux-tu m'épouser ?