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- Emmène moi le voir, demanda-t-elle.

- Tu ne peux pas bouger, remarqua le noiraud, un sourcil arqué.

- Je vais bouger, décréta Élise d'un ton ferme.

Il soupira et sortit de la pièce sans un mot, revenant quelques instants plus tard avec un fauteuil roulant.

- Aller montes là-dedans l'estropiée.

Il attendait, les paumes enroulées sur les poignées du fauteuil, qu'elle s'installe dessus. Mais ce n'était pas une blague, elle ne pouvait vraiment presque pas bouger. En comprenant qu'il allait lui falloir un petit coup de pouce, le brun souffla avant de passer un bras sous les jambes de la blessée et un autre sous ses bras, la soulevant avec une facilité déroutante.

Ils sortirent ensuite de la chambre discrètement. Assise sur ce fauteuil, tous ses membres la tiraillaient, mais c'était la seule solution. Un air amusé collé sur le visage, elle se retenait de faire une remarque, et Levi le remarqua bien vite.

- C'est que t'as de la force le nabot, lança-t-elle, un sourire en coin aux lèvres.

- La ferme, rétorqua-t-il immédiatement.

Étant un membre assez gradé du bataillon, elle avait été placée dans l'aile médical du bâtiment de l'armée. Elle n'était donc pas si loin que ça du major finalement.








Encore installé à la table de réunion trônant au milieu de son bureau, son regard ne s'était pas détaché de la grande porte en bois se trouvant en face de lui depuis qu'elle s'était refermée sur Levi quittant son bureau.

Les paroles du noiraud ne faisaient que résonner dans sa tête. Il avait raison, et il le savait, il y avait de fortes chances pour qu'il meurt lors de cette expédition. Son bras amputé rendait les combats et le maniement de l'équipement bien plus difficile, il avait perdu en force, ça aussi il le savait.

Mais lui, le major du bataillon d'exploration, il refusait de s'avouer vaincu, de rester les bras croisés dans son fauteuil à attendre patiemment que ses soldats reviennent lui annoncer la victoire. Il voulait voir l'humanité reprendre le dessus sur les titans, il avait voué sa vie à ce seul objectif.

Levi avait tenté de l'en dissuader par tous les moyens, menaçant même de lui casser les deux jambes pour l'empêcher de bouger, lui disant qu'ils diraient aux autres qu'il ne lui avait pas laissé le choix que de rester à la base, allant même jusqu'à lui cracher qu'il n'était plus le soldat aussi fort qu'il était auparavant. Mais Erwin n'avait rien voulu entendre, il comptait participer à l'opération de reconquête du mur.

Il releva la tête en entendant cette même porte qu'il fixait grincer à nouveau, la voyant s'ouvrir. Il découvrit Levi, il était revenu, mais pas seul, le soldat poussait un fauteuil roulant dans lequel était installée sa bien-aimée, les bras encore couverts de bandages. Ses jambes n'étaient maintenant plus recouvertes par le drap blanc, et il observait que des bandages recouvraient aussi sa peau à certains endroits sur ses cuisses et ses mollets.

Les yeux écarquillés et la bouche entrouverte, il les suivait du regard, entrant dans la pièce, et vit Levi s'approcher de l'oreille de la brune.

- À toi de jouer, souffla-t-il d'une voix monotone mais qui laissait transparaître la confiance qu'il plaçait en elle pour le convaincre, la nomade.

Puis il s'éclipsa sans un mot, sans même adresser un regard à Erwin, refermant la porte et plongeant la pièce dans un silence de plomb.

Le caporal-chef avait laissé le fauteuil de la jeune femme au bout de la table, la longueur du meuble en bois, c'était tout ce qui les séparait. Et puisque sa mobilité était pour l'instant presque inexistante, elle ne pouvait s'approcher davantage du blond, et pourtant ce n'est pas l'envie qui lui manquait.

Elle était perdue entre l'envie de lui flanquer une gifle dans l'espoir de le réveiller et qu'il comprenne que participer à cette opération est du suicide, ou bien celle de le prendre dans ses bras, de le serrer de toutes ses forces en le suppliant de ne pas partir. De ne pas l'abandonner.

Mais elle ne faisait rien.

- Se servir de toi pour me dissuader de venir, commença-t-il doucement, c'est bas, mais c'est bien pensé.

- Erwin...pourquoi ? Demanda-t-elle d'une voix qui trahissait son inquiétude.

- Pour les mêmes raisons qui t'ont poussée à te retrouver dans cet état. Mon devoir de soldat.

Son cœur se serra, il se servait de ses propres mots contre elle, ses paroles n'étaient pas froides ni tranchantes, seulement réalistes. En vérité, elle était la dernière personne à pouvoir tenter de le retenir, car elle avait agi de la même manière lors de la dernière opération, sans même se soucier de ce que qui que ce soit pouvait ressentir.

- Tu ne peux pas m'empêcher de partir Élise... reprit-il.

Puis il se leva, s'approchant lentement du fauteuil de la soldate, un pas, après l'autre. Comme si en allant trop vite il briserait quelque chose.

Ça avait toujours été comme ça entre eux, en réalité. Des actions lentes et réfléchies par peur de fissurer l'instant malgré les liens si forts qui les unissaient.

Finalement, peut-être que si elle avait ouvert les yeux elle aurait compris bien plus tôt qu'il brûlait d'amour pour elle, et qu'il n'en était pas moins d'elle.

Pour la première fois, elle ressentait un sentiment si fort envers quelqu'un qu'elle n'était capable de l'expliquer. Désormais, elle le savait, il faisait parti d'elle, et elle avait besoin de lui pour vivre.

Plus il comblait l'espace qui les séparait, plus elle sentait la pièce se réchauffer. Elle écarquilla en le voyant poser un genoux à terre, puis un autre, sans la regarder. Plongée dans l'incompréhension, elle mis quelques instants à réagir lorsqu'il posa sa main sur la sienne puis sa tête sur ses cuisses, sa joue collée contre le tissu blanc du vêtement de l'infirmerie.

Il serra un peu plus sa main sur la sienne, elle sentait les larmes lui monter. Malheureusement, elle devait accepter la vérité, elle ne pouvait pas l'empêcher de partir.

- Ne m'en veux pas, je t'en pris, la supplia-t-il presque.

Elle aurait dû s'en douter, la vie lui avait déjà tant pris, pourquoi lui aurait-elle laissée le seul et unique amour de sa vie ?

Et même si la simple idée de le perdre lui donnait l'impression que son cœur se fendait en deux, en posant sa deuxième main sur les cheveux du blond, d'un geste aimant et protecteur, elle céda d'une voix tremblotante :








- Je ne t'en veux pas, tu peux partir...mon amour.

Devoir de mémoire ( Erwin x OC )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant