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- Qu'est-ce que tu fais ici ?


Sa sœur, la mère de Jean, se tenait dans l'encadrement de la porte en bois, éclairée par la lumière du couloir.

Elle se souvenait à peine de la dernière fois où elle l'avait vu.

Elles n'avaient jamais été très proches l'une de l'autre, elles ne se détestaient pas, loin de là, mais elles ressemblaient plus à de vieilles connaissances qu'à des sœurs. Leurs parents morts assez tôt, emportés chacun leur tour par la maladie, Élise avait été prise en charge par sa sœur jusqu'à ce qu'elle soit en âge de réaliser son objectif : entrer dans l'armée. Sa relation avec son neveu était en réalité la seule chose qui la liait avec sa sœur. Maintenant que celui-ci vivait presque avec elle, rien ne la poussait à la contacter.

- J'ai appris ce qu'il t'étais arrivé, alors je suis venue...expliqua-t-elle en s'avançant lentement dans la pièce. Ça fait longtemps, ajouta-t-elle avec un léger sourire, qui trahissait sa gêne.

Il ne lui fallut pas bien longtemps pour comprendre qui lui en avait parlé. Hanji et Erwin savait qu'elle avait une sœur grâce à l'existence de Jean, hors-mis ça, elle ne leur avait jamais parlé d'elle. Élise n'avait jamais été le genre à s'étaler sur sa vie personnelle, en même temps, il n'y avait pas grand chose à dire dessus. Cela ne pouvait donc venir que d'une seule personne : Jean.

Elle ne savait quoi lui répondre, sa venue était si soudaine, inattendue. Elle n'avait pas changé, en cinq ans, elle n'avait pas l'air d'avoir vieillie d'un pouce

- Il est tard, reprit-elle. Je peux repasser plus tard si tu le souhaites.

Elle commença à rebrousser chemin, se dirigeant à nouveau vers la porte et s'apprêtant à ressortir. Mais étrangement, même si l'atmosphère dans la pièce ne ressemblait pas à celle de retrouvailles chaleureuses, Élise n'avait pas envi qu'elle parte.

- Non, reste, articula la blessée d'une petite voix. S'il te plaît.





Le soleil pointait enfin le bout de son nez. Installée dans le fauteuil au chevet du lit d'Élise, les deux femmes n'avaient plus rien dit du reste de la nuit, se contentant de leur présence, et avaient fini par s'endormir.

La caporal s'était doucement laissée glisser dans les bras de Morphée, la dernière phrase de sa sœur tournant dans son esprit comme un écho.

S'approchant du lit peu sûre d'elle, elle découvrait de plus près l'état de la brune. Ses membres immobilisés sur le lit, ses bras recouverts de bandages, son visage creusé par la fatigue et la douleur. Les yeux brillants, elle avait doucement passé sa main dans les cheveux châtain de la blessée, plaçant avec délicatesse une mèche derrière son oreille.

- Je vais tenir mon rôle de grande sœur à partir de maintenant, avait-elle annoncé d'une voix tremblante. Je serai là, je te le promet.

Maintenant que la lumière du jour éclairait pleinement la pièce. Élise pouvait vraiment voir sa sœur, et comme elle le pensait quelques heures auparavant, elle n'avait pas changé.

- C'est donc ici que tu es depuis tout ce temps, au bataillon d'exploration, commença doucement sa sœur en voyant qu'Élise émergeait de son sommeil.

Étonnement, au bout de quelques minutes, la discussion devint beaucoup plus fluide qu'à l'ordinaire, Élise lui racontait des tas d'histoires qu'elle avait vécu à sa demande. Et elle finirent même par rire, lorsqu'elle lui avoua avoir vomi son petit-déjeuner lors de sa première expédition.

Elles parlèrent aussi de Jean, soulignant la maturité dont il faisait preuve et la force psychologique avec laquelle il encaissait tout ce qu'il vivait.

- Il faut beaucoup de courage pour survivre à tout ça. Ils disent tous que vous êtes fous, mais pour moi, vous êtes des héros Jean et toi, avoua soudainement la femme.

Ces mots la touchèrent, d'autant plus venant d'elle. Pour la première fois, elles se montraient sentimentales l'une envers l'autre, se découvraient certains centres d'intérêt desquels parler et, faisaient preuve d'une certaine affection.

Pour la première fois, depuis très longtemps, elle avait vraiment l'impression d'avoir une sœur. Il aura fallu qu'elle frôle la mort une énième fois pour que ça arrive, et elle faillit presque se dire que ça valait peut-être finalement le coup de se retrouver dans cette situation.

Elle s'absenta ensuite, ayant quelques courses à faire, mais elle lui promit de revenir dès qu'elle aurait fini. La jeune femme en profita pour s'assoupir un peu, essayant toujours de faire passer la douleur présente dans une bonne partie de son corps.




Après un moment de sieste, elle fut réveillée par Levi. Elle ne s'attendait pas à le voir là, des chiffons à nettoyer  dans les mains et un tissu blanc recouvrant la partie inférieure de son visage, nouée à l'arrière de son crâne.

- Tu peux m'expliquer ce que tu fais ? Demanda-t-elle les yeux encore à moitié fermés.

- Le ménage n'a pas été bien fait, on s'étouffe avec toute cette poussière, râla-t-il en ouvrant brusquement les fenêtres en grand.

Elle l'observa astiquer chaque recoins pendant une bonne vingtaine de minutes. Il y avait autre chose, ça se voyait. Certes Levi faisait parti des personnes les moins expressives qu'elle connaissait, mais leur rencontre ne datait pas d'hier, et elle le connaissait assez pour savoir qu'il voulait lui parler de quelque chose.

- Levi, dis moi ce qu'il se passe, je sais que tu n'es pas là uniquement à cause de ton obsession pour la propreté, l'arrêta-t-elle alors qu'il s'occupait de la commode en bois située en face du lit.

Il s'arrêta et, continuant de fixer la surface en bois sans regarder la brune, il dit :

- Il ne veut pas m'écouter. Il veut participer à l'opération de reconquête du mur, lâcha-t-il.

Elle était perdue et ne comprenait pas vraiment de quoi il parlait, mais il reprit ensuite :

- On part dans deux jours, et Erwin refuse de rester ici.

Sa voix avait changé, moins monotone, plus concernée. Oui, Levi était inquiet. La jeune femme sentait son cœur se resserrer douloureusement sur lui-même. Elle savait ce que ça voulait dire, et le caporal-chef lui confirma à voix haute :


- S'il vient, ajouta-t-il en la regardant cette fois-ci, il mourra.

Devoir de mémoire ( Erwin x OC )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant