Chapitre 32 - Manon - La suite de la cavale

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Je bouge à peine, de peur d'une autre ruse. Je tente de trouver une percée pour observer vers le chemin. Je n'aperçois personne. Par chance, la légère brise dans les arbres m'a aidé à dissimuler ma présence dans cet amalgame de fougères géantes. J'ai mal de partout. Mes muscles sont tétanisés par mon immobilité prolongée et la douleur des coups que j'ai reçus. Oui, je les ai mieux encaissés, grâce aux séances d'entraînement et de musculation, mais ça ne veut pas dire que je ne vais pas avoir des bleus et que la douleur n'existe pas, bien au contraire, elle est toujours aussi cuisante. Mais ma plus grosse inquiétude pour le moment, c'est mon bras. La douleur pulse toujours.

Je m'assois et je regarde plus posément mon bandage de fortune, maintenant que le danger est légèrement écarté. Le bout de tissu est largement taché mais l'hémorragie semble stoppée. Je préfère faire un nouveau bandage de protection et voir les dégâts. Je dois faire attention car une infection pourrait m'être fatale. Ma chair est gonflée et déchiquetée en surface. La balle m'a éraflé sévèrement. J'ai un léger haut-le-cœur mais je ne m'attarde pas, pour le moment je ne peux rien faire d'autre que refermer mon bandage bien serré, avec une nouvelle bande que j'ai déchirée de mon paréo.

Après une dernière vérification visuelle et auditive de la zone, je me relève enfin. J'ai les jambes qui flageolent. Il me faut quelques secondes et m'appuyer sur un arbre pour reprendre mes esprits et une pleine possession de mon corps, malgré mes douleurs.

J'en profite pour regarder à la ronde. Quelles sont mes options ? Retourner voir s'ils sont encore vers la cabane de bambou et s'ils sont partis ? Ce qui me permettrait d'envisager de repartir par la route qui m'a menée ici !

Ou suivre le chemin de la rizière dans ces grands espaces à perte de vue qui peuvent sûrement se connecter entre eux mais sans certitude et sans vraiment savoir la destination finale.

Ou tirer droit dans cette végétation dense, en espérant déboucher sur une route. Ma première intention, lors de ma course folle, aller tout droit. Mais là, je réalise que je déteste ne pas voir ce qui m'entoure. C'est une petite phobie ! La peur des petites bêtes, pas les fourmis ou les araignées... Quoique ! Celles de France ne me font pas vraiment peur, mais ici elles sont sûrement beaucoup plus grosses et pourquoi pas des mygales. Ils en mangent, ici ! Alors il y en a forcément, et les serpents ou les scorpions... Mon esprit commence à analyser l'inventaire des bêtes qui peuvent me piquer dans cette végétation inconnue. À ma prise de conscience et le réveil de ma peur, je me précipite sur le chemin.

Je sais, c'est ridicule, je viens de passer un temps infini allongée dans cette végétation sans me poser ces questions. Et maintenant, je suis incapable d'y rester une seconde de plus. L'esprit peut être très étrange, suivant l'urgence de la situation ! En conclusion, fin de mon option 3.

Je regarde à la ronde, que ma réaction ridicule ne m'ait pas mise en péril.

Les longues heures de marche dans les rizières, vers je ne sais où, ne me tentent pas beaucoup et honnêtement, je suis curieuse de savoir s'ils sont encore dans les parages, ou repartis.

Je m'engueule mentalement de ma curiosité mais j'ai besoin de savoir. Je vais donc vérifier.

C'est très doucement et avec beaucoup de prudence que je reprends le bout de chemin en sens inverse. Je me dissimule à l'orée du bois et j'observe. Après près de dix minutes, je ne vois aucun mouvement, ni personne, ni véhicule. L'endroit a l'air complètement abandonné. Je décide de poursuivre le sentier jusqu'à la bambouseraie qui était à l'arrière de la cabane pour rester à couvert. Je me retrouve à longer cette végétation, car il m'est impossible de me faufiler au travers, elle est beaucoup trop dense. Je reste tout de même courbée pour être la plus discrète possible, en faisant des pauses à chaque palier de la rizière que je gravis.

Je suis maintenant derrière la cabane et toujours aucun mouvement. Je vois enfin le chemin de terre qui devrait me conduire à la route. Je le suis, ils ont filé. Je ne risque plus de les croiser, ils sont sûrement déjà très loin. Enfin, je vois la route. C'est un soulagement !

Maintenant, il me faut trouver un moyen de transport pour retourner en ville à l'hôtel. Je suis obligée de me résigner et d'admettre qu'ils avaient bien prévu leur coup. C'est une misérable route de terre et je dois me rendre à l'évidence, il n'y a personne qui l'utilise. Ça fait maintenant plusieurs minutes que je descends cette route, je n'ai vu circuler personne. Je relativise car j'avais vraiment envisagé de faire la longue marche dans la nature sur les sentiers des rizières. L'avantage, c'est que là, je suis sur une route en terre battue, et surtout sans bestiole en embuscade. Je prends mon mal en patience et j'avance. Un véhicule passera forcément à un moment ou un autre.

La faim commence à me tirailler le ventre, ce qui m'indique qu'il doit être pas loin de 19h/20h. Ça fait donc près de quatre heures que j'ai été enlevée, et dans 1h30 à 2h la nuit va tomber, ce qui va compliquer ma situation. Je n'ai pas vraiment envie d'envisager cette option. Je croise les doigts et je prie ma bonne étoile pour qu'elle veille une nouvelle fois sur moi.

Mon ange aura entendu ma prière car, après sûrement vingt minutes, enfin j'entends un moteur s'approcher. Je ne cherche pas à savoir et je me mets au milieu de la route pour qu'il s'arrête. Il remonte la route mais je ne vais pas laisser passer ma chance. Le véhicule s'arrête et je m'approche de la voiture pour demander de l'aide.

À l'intérieur, deux Indonésiens me regardent avec stupeur. Je leur parle en anglais en espérant qu'ils me comprennent. « Help ! » est un mot qui doit se comprendre dans tous les pays du monde et, enfin, ils acceptent de me prendre. Je ne sais pas s'il ont tout bien compris. Je leur répète : « Hotel Keramas Beach, please ! » Ils me répondent des OK, OK avec de grands sourires et des hochements de tête positifs.

Une fois montée à bord, la voiture fait demi-tour, direction ma destination, enfin je l'espère. Quel soulagement !

*****

Manon est normalement en route pour l'hôtel où Sam et tous les autres remuent ciel et terre pour avoir un semblant de piste pour la retrouver.




Surf Évasion [ Terminé ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant