Chapitre 21

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L’idée m’ait venu détendre encore plus mon business, je parle évidemment de Bidzi. Ouvrir une boutique et y ajouter les boissons naturelles faites avec des ingrédients locaux. On parle de jus de fruits et légumes, mais aussi de café et chocolat. La première entreprise gabonaise dans ce genre.

Comme je n’y connais pas grand-chose au café si ce n’est comment l’avaler, je me documente là-dessus. Je cherche aussi où aller pour une petite formation dans le domaine car il s’agira de planter le café et le cacao moi-même.

Je continue aussi mes expériences en termes de boissons. Actuellement je fais des mélanges avec la citronnelle pour en faire un thé glacé. Mon cerveau ne dort pas. Je travaille dure sur plusieurs projets depuis la reprise.

Aussi, il faut que j’accélère avec les cours d’anglais. Là-bas le niveau ce n’est vraiment pas ça. Les meilleurs cafés africains viennent des pays anglophones, si je dois y aller en formation il va falloir y mettre du mien. Trop de projets comme je le disais.

La sonnerie de mon téléphone me sort de mes pensées. C’est mon Lilian qui appelle.

-maman tu es où ? Il se fait déjà tard.

Je retire l’appareil de l’oreille pour y vérifier l’heure, il est exactement 18:47. C’est ça tard ? C’est pour ça que je me fais réprimander comme un enfant ?

-j’arrive chéri, je n’ai pas fini au boulot.

-ne tarde pas.

-oui chef.

Je raccroche et me penche sur mon ordinateur continuer mes recherches. Il faut croire que ça sera l’Éthiopie pour moi. N’empêche que je commence à me documenter sur la culture du café ça et là sur le net. Le cacao ça va, je connais. Mais un caféier, je n’en ai jamais vu de ma vie.

J’imprime quelques documents et brochures et je me dépêche de rentrer à la maison. Je donne deux coups de klaxon avant que le portail s’ouvre, il serait vraiment temps qu’on en installe un électrique. Je me gare et aussitôt la voiture d’Armand entre dans la concession. Pas besoin de l'attendre, il connaît le chemin.

Les garçons sont déjà à table, ils ont dressé les couverts et nous attendent sagement assis.

-eh bah ! Vous devez vraiment avoir faim dis donc. Il n’est que 19h et demi.

Personne ne me répond. Je vais dans la chambre me changer pour une robe plus confortable et des pantoufles. Armand fait de même peu après. On s’évite, personne ne dit mot si ce n’est le « bonsoir » auquel il a répondu.

Je redescends avant lui réchauffer les plats et les disposer à table. La maison est silencieuse alors Armand rompt le silence.

-comment était la première semaine à l’école dans l’ensemble ?

-bien !

-ça va !

Décidément !

-vous vous êtes faits de nouveaux amis ? Vous avez retrouvé les anciens.

-non !

Armand et moi échangeons un regard interrogateur. Qu’est-ce qui a bien pu se passer ?

-il y a un problème ? Quelque chose vous tracasse ? je demande inquiète.

-non ça va !

Et ce fut l’ambiance durant tout le repas. Après avoir nettoyé, ils veulent nous « montrer quelque chose dans la buanderie ».  On les suit sans se poser de question curieux de découvrir la raison de ce comportement soudain.

Arrivé à destination, ils nous poussent à l’intérieur. Lilian sort un papier de sa poche, se racle la gorge et commence la lecture d’un ton solennel.

-papa, maman, bonsoir. Amaël et moi nous sommes consultés.

Je regarde Amaël qui hoche la tête en fronçant son visage. Il veut se donner un air sérieux mais c’est juste hilarant. Pour ne pas les vexer, je garde mon rire à l’intérieur.

-nous avons constaté des comportements qui ne nous plaisent pas. Comme ne plus prendre le petit-déjeuner en famille, ne plus se parler à table le soir ou manger séparément. Vous êtes tout le temps fâchés et on ne sait pas pourquoi. C’est pour ces raisons que nous avons décidé de vous enfermer dans cette pièce jusqu’à ce que vous *faisez la paix. Vous devez réfléchir à votre comportement. Voilà !

Il remet le papier dans sa poche, Amaël a ses côtés croise les bras sur sa poitrine.

-quand vous aurez fini, cognez quatre fois fort et on vous ouvrira. Ajoute le « nerveux » Amaël en nous montrant quatre doigts.

Ils sortent de la buanderie et on entend la clé tourner dans le verrou.

-réfléchissez bien mais ne durez pas.

On les entend s’éloigner. Je me retourne vers Armand et on éclate de rire.

-ils nous ont punis ?

-il faut croire.

Le fou rire passé, le silence regagne son trône entre nous. Je m’adosse contre la machine à laver, réfléchissant à comment démarrer la conversation. Sauf que je n’ai pas à le faire car…

-j’essaie Kaya. J’essaie vraiment mais tu n’aides pas.

-je n’y arrive pas.

-pourquoi ? Qu’est-ce qui bloque ?

-je n’ai pas envie d’enterrer un autre enfant. De revivre ça.

-on n'est pas obligé de faire un enfant maintenant. De plus, cette fois on est prêt, on a toutes les infos. Depuis le ventre on fera le test et on pourra agir en conséquence.

-tu te rappelles de ce que vous m’aviez dit lorsqu’on a su que Pierre-Vivian était drépanocytaire SS ? Vous m’aviez dit que certains voyaient leurs petits-enfants malgré la maladie, que l’espérance de vie des SS ne cessait d’accroître avec l’avancé technologique. Qu’il suffira de suivre son hygiène de vie. Où en est-on aujourd’hui ? Où ? Où est mon fils ?

-c’est différent.

-non. Ce n’est pas différent. C’est exactement la même situation.

-quel serait alors la solution ? Qu’est-ce que je dois faire Kaya ?

-je ne sais pas.

La discussion s’arrête là. Au bout de quelques minutes il cogne à la porte quatre fois et nous sommes libérés.

-merci les garçons. Armand les félicite une fois la porte ouverte. 

Moi je vais me coucher. Bien plus tard Armand me rejoint dans le lit. Il se met à m’embrasser, ma caresser en me notifiant qu’il avait pris des préservatifs. Je le laisse faire, ne bouge pas d’un iota. Je ne ressens absolument rien, pour vous dire que même le lubrifiant du préservatif ne suffit pas à faciliter le rapport. Je compte les moutons dans ma tête jusqu’à ce qu’il finisse. Puis je me mets sur le côté en lui souhaitant bonne nuit. Il ne répond pas et quitte la pièce.

--
Je suis en train de négocier l’achat d’un terrain. J’ai besoin d’espace pour mes projets futurs. Armand est présent, après tout nous sommes mariés sous la communauté des biens. Un ingénieur agronome est aussi de la partie ainsi que notre avocat.

Un terrain de deux hectares et demi situé hors de Libreville. Les résultats d’analyses du sol montrent que la terre est propice à l’usage que je vais en faire. Dans un premier temps, je vais ériger la barrière électrique. Ensuite il faudra faire le forage, construire le labo et l’entrepôt et pourquoi pas les habitations de certains futurs employés. Tout un programme mais surtout tout un budget.

Une coupe de champagne pour célébrer ce pas en avant s’impose. Puis avec Armand on rentre à la maison. On agit normalement devant les enfants mais une fois seule, la tension est à couper au couteau.  On se parle à peine.

Il est 15h mais je me mets en pyjama devant la télé, un bol de soupe de maïs en main. Les garçons sont au club de sport jusqu’à 17h. J’ai 2h pour regarder un film sans être interrompue. Enfin, c’est ce que je croyais. Armand se saisit de la télécommande et baisse le son sans me demander mon avis.

-j’ai contacter quelqu’un. Pour une thérapie de couple.

-ok !

-tu penses qu’on pourrait commencer quand ?

-quand tu veux.

-je veux savoir ce que tu veux toi. Notre couple fonce tout droit dans le ravin, est-ce que tu veux oui ou non le sauver ?

-qu’est-ce que tu attends de moi à la fin ? Je veux comprendre. Je ne m’occupe pas de la maison ? Des enfants ? De toi ? Ne t’ai-je pas ouvert mes cuisses ? Qu’est-ce que je dois faire de plus ? Qu’est-ce que tu attends de moi ?

-que tu redeviennes la femme qui m’a fait tomber amoureux.

-désolée mais elle pleure son fils, il faudra repasser après.

Il me regarde sans répondre et là j’explose.

-est-ce qu’on peut me laisser deux minutes faire mon deuil à ma façon ? Merde ! On me dit « fais un effort » et qu’on je fais cet effort, ce n’est pas assez. Tout ce que je fais n’est jamais assez, des choses que je fais par contrainte. Excusez-moi de vous importuner avec mon malheur, excusez-moi d’avoir mal, excusez-moi de pleurer mon fils.

-c’était aussi le mien. il finit par exploser. C’était aussi mon enfant et moi aussi je souffre de son absence.

-alors arrête de me forcer la main. Arrête ! Ce couple fonce dans le ravin parce que tu ne veux pas respecter mon deuil.

-je dois te laisser dépérir ? Et pendant que tu le fais ce deuil, tu penses à tes enfants ? Ton mari ?

-je m’occupe parfaitement de mes enfants Armand. Et si tu as tant que ça envie de baiser Armand, vas-y ! Je t’autorise à aller voir ailleurs. Vas-y !

-tu t’entends parler là ? Tu entends ce qui sort de ta bouche ? Les conneries que tu racontes ?

-je suis fatiguée. Fatiguée des prises de tête à n’en pas finir.

-tu veux divorcer ?

-je vais en Ethiopie pour trois mois. Suivre cette formation dont je t’ai parlé. Le temps de perfectionner mon anglais d’ici janvier je serai partie.

-wow ! Tu l’as décidé comme ça ? Sans me consulter ? Eh bah je suis ton mari et tu n’iras nulle part.

-à vos ordres chef ! Je réponds avec ironie avant de sortir de la maison mes clés de voiture en main.

Je suis en pyjama mais je n’en au rien à foutre. Je roule sans but, sans destination et je finis assise sur la tombe de mon fils dans le cimetière familiale de ma belle-famille qui se trouve dans leur concession. En passant, ma belle-mère m’interroge sur mon accoutrement mais je ne lui réponds pas. Je m’assoie près de la tombe de mon bébé et vois la nuit tomber.

Quelque temps après un domestiques vient déposer un Mouskito à mes pieds ainsi qu’une bouteille d’eau avant de s’en aller sans le moindre mot.

Qu'est-ce que l'amour Où les histoires vivent. Découvrez maintenant