Chapitre 18

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Le vol jusqu’à Paris s’est plutôt bien passé, j’ai profité du duty-free pour m’offrir des accessoires de luxe. Maintenant nous sommes en route pour le Canada, avec un Pierre-Vivian fait un peu de fièvre. Il se plaint d’avoir froid. J’ai arrêté l’air conditionné mais rien n’y fait. Je l’ai enroulé dans quatre couvertures et actuellement il est blotti contre ma poitrine. Il a pris ses médicaments, il est au chaud, il a mangé, mais la fièvre ne descend toujours pas. Tout ceci n’aide pas l’angoisse que je ressens depuis quelques jours.

Armand décide qu’on change de place pour lui-même veiller sur son fils. Je veux refuser mais il ne m’en donne pas trop le choix. A contre cœur je lui remets mon bébé endormi et vais m’assoir au côté de Lilian, mon grand garçon. Ce dernier tapote ses cuisses comme pour m’inviter à y poser ma tête. Je pose deux coussins sur ses petites cuisses et y pose un bout de ma tête pour ne pas les lui atrophier. Il passe son bras autour de mon cou, ce qui me fait sourire et me réchauffe le cœur. Mon petit Lilian est un petit homme tellement responsable comme son papa.

Je ne saurais dire à quel moment je me suis endormie, c’est la voix du commandant de bord qui me tire brusquement de mon sommeil. Ce qui me provoque un léger vertige. Je regarde derrière et tous dorment. Tout le monde est à l’aise sauf Lilian. Je le couche et vais me soulager. Au passage je ne manque pas de prendre la température de Pierre-Vivian de ma main, la fièvre semble avoir baissée. Je vais me soulager et reviens à mon siège. Tout le monde dort dans l’avion. Je prends Pierre avec moi, il dort paisiblement en ronflant même. Je mets un film et jusqu’à Toronto, je ne dors plus.

Le dernier vol pour Sydney est le plus difficile, le cumul. Pierre n’aide pas aussi en faisant mille caprices. Comme il est malade, je le chouchoute. Monsieur veut un yaourt, heureusement il y en a dans l’avion. Il ne quitte pas mes cuisses mais pour qu’il prenne ses médicaments, il a fallu que son père tonne. Il est fatigué. 4h de vol d’une ville à une autre, dans un même pays.

Lorsqu’il faut quitter l’appareil, je n’ai que Pierre dans les bras. Tous les sacs sont gérés par les garçons. Ce sont eux qui s’occupent aussi des valises sur les carrousels. Quand tout est chargé, Armand pose Amaël sur les valises, lui aussi grincheux car fatigué. On marche jusqu’à la sortie où un Monsieur nous attend avec notre nom sur une pancarte. Il nous reconnaît et vient nous aider avec les valises. Ici on parle anglais, je prends certes des cours mais de là à dire que je peux avoir une conversation.

Le chauffeur nous conduits au Lodge, après un détour au McDo pour les enfants. Ils n’ont pas faim, c’est juste de la gourmandise. Mais leur père a demandé de les laisser faire. Ils sont si ravis que Pierre a recommencé à parler. Comme il fait nuit, on mange et direction le lit. On est tous crevés c’est le moins qu’on puisse dire. Même Amaël ne se fait pas prier pour aller au lit.

Je dors du sommeil du juste jusqu’à ce que mon alarme interne me réveille. Le petit-déjeuner  de ma famille ne va pas se faire tout seul. Même en vacances l’habitude demeure. Et j’avais bien raison car 10mn après, Pierre se réveille pour réclamer son verre de lait. Je le lui donne et il retourne se coucher. Rendez-vous à 8h pour le vrai petit-déjeuner.

La maisonnette se réveille doucement, Armand est toujours le dernier à quitter le lit. Si on ne l’appelle pas au moins trois fois il ne sort pas.

Tout le monde à table, on peut commencer à manger. Enfin, après avoir réussi la guerre des médicaments avec Pierre.

-papa ? On va sortir aujourd’hui ? demande Lilian qui a fini.

-si Amaël finit son bol de lait et si Pierre prends ses médicaments.

La motivation qu’il leur fallait. Après ça, Pierre léchait même les cuillères des médicaments.

-il faudrait qu’on prenne à manger. Ce matin c’est la proprio qui m’a dépannée.

-maman tu as parlé anglais ?

Je me contente de le toiser ce qui les rend tous hilares. 

-attendez quand j’aurai ma fille.

Chacun dépose son bol dans l’évier. La dame de ménage que je suis va nettoyer.

-bébé il y a une dame de ménage qui va passer relaxe.

-on peut laver son bol ça ne prend même pas cinq minutes.

-moi aussi maman ? me demande Pierre d’un air ahuri.

-personne ne fait le ménage ici. Allez vous apprêter ! insiste Armand.

-allez vous apprêter. j’abdique en soupirant.

Armand m’arrache l’éponge des mains une fois les enfants partis.

-le prix du séjour inclus  une dame de ménage. Je veux que tu te reposes. Tu gères la maison, les enfants, les affaires et moi tous les jours. Relax.

En même temps on frappe à la porte. C’est la dame de ménage justement. A part la saluer, je ne vois pas ce qu’on pourrait se dire. Armand lui parle en anglais, je capte quelques mots mais ne comprends pas vraiment le sens de la conversation.

Les cris commencent entre Amaël et Pierre et les pleurs ne vont pas tarder. Qu’est-ce que je disais ?

-Lilian occupe-toi de tes petits frères s’il te plaît.

-Mme NKOMA allez déjà vous apprêter on ne veut pas de retard.

-on va où ?

-mets simplement un jean. En plus il fait froid.

Je vais me doucher, enfile un jean et un pull sous une veste en jean. Je me maquille quand Armand passe sous la douche. Quand il en sort il ne me manque que la bouche.

-hum !

-j’ai fini. Je me dépêche de répliquer.

-est-ce que j’ai parlé ?

Il passe dans mon dos nu, mes yeux fixe son membre à travers le miroir.

-la vue est bonne ?

-alléchante. Je réponds en me léchant la lèvre inférieure.

Il me fait un clin d’œil et enfile ses sous-vêtements.

Le chauffeur de ce matin nous sert de guide pour la journée. Il nous fait visiter la ville, nous montre les endroits à connaître en nous racontant l’histoire de la ville ou des monuments. A midi on mange dehors puis un peu de shopping pendant que les enfants sont à la salle de jeu. Je n’achète pas grand-chose, des trucs nécessaires pour le climat local essentiellement.

-tu as eu l’hôpital ? Demain c’est quelle heure ?

-8h. Ils vont le garder pour des examens et ensuite commencer la chimio.

Mon cœur se sert dans ma poitrine. Armand me prend dans ses bras où j’éclate en sanglots devant les gens. J’ai peur, c’est normal.

Cette nuit je ne laisse pas Armand dormir. Je n’ai pas sommeil alors  on baise jusqu’à épuisement. Il n’en a pas vraiment envie mais c’est la seule chose qui puisse me calmer et me faire dormir.

--

Les enfants sont dans la salle de jeux de l’hôpital, Armand et moi sommes avec le médecin. C’était le professeur d’Armand à l’université, il a beaucoup d’admiration pour lui.

Il nous explique que Pierre sera interné deux à trois semaines pour des examens nécessaires avant la chimiothérapie. Il sera isolé après l’opération pendant un mois ensuite il pourra sortir. En gros, lui et moi sommes là pour quatre mois minimum. Les autres devront rentrer pour l’école et le boulot.

80% des enfants s’en sortent, mais mon fils sera de quel côté du pourcentage ? C’est surtout la chimio qui m’effraie.

-donc il ne rentre pas avec nous ce soir ?

-si Mme NKOMA, aujourd’hui c’est juste pour qu’il découvre l’hôpital il va y passer énormément de temps. Essayer de le mettre en confiance. Actuellement il est avec une psy sans le savoir.

Son sourire ne me rassure pas plus que ça. Mais j’apprécie les efforts, le confort. C’est tout ce qu’on demande aux personnels soignants de nos pays. La politesse, la courtoisie, la compassion, le professionnalisme. On te répond que les hôpitaux sont mal équipés et les gens travaillent dans de mauvaises conditions, il faut quelle machine pour sourire à un patient dans la douleur ? Qui travaillent dans de bonnes conditions au Gabon ? C’est juste un manque d’éducation et rien d’autre.

La visite se présente comme un jeu, tout pour mettre l’enfant en confiance. L’hôpital n’est pas l’endroit le plus gai au monde mais ce n’est pas aussi l’enfer. Le gars n’y voit que du feu au point où lorsqu’on lui annonce qu’il revient le lendemain, il saute de joie. Quand tu choisis une profession par amour et non par intérêt. Ça donne ça.

Après le repas, je laisse les enfants devant la télé. Armand travaille sur la table à manger. Soudain Amaël vient me coller dans le lit, il fait souvent ça pour nous rappeler qu’il existe. Mais on sait qu’il existe. Il arrive qu’il se sente délaissé et dans ces moments malgré la fatigue, je suis obligée de lui donner toute mon attention.

-tu veux des crêpes mon bébé ?

-moi seul ?

-oui mais tu peux aussi donner un peu aux autres.

-je donne seulement une à chacun. dit-il catégoriquement.

-ce n’est pas gentil. Si Pierre ne te donnait pas ses crêpes tu serais content ?

Il réfléchit alors qu’on connait tous la réponse.

-bon d’accord je vais leur donner.

-tu es gentil mon bébé.

Il sourit fièrement et me parle de tout et rien. De sujets que je comprends à peine. Et à chaque fois il vérifie que je l’écoute en me demandant mon avis.

On est allongé dans mon lit à rigoler lorsque j’entends Lilian appeler son père en détresse. Il semble avoir un problème. Je m’immobilise et tends l’oreille pour mieux entendre. Le cri se répète mais plus intense, en un bond je me suis retrouvée au salon.

Incapable de comprendre, Pierre est en train de convulser dans les bras de Lilian et Armand, téléphone à l’oreille, fouille je ne sais quoi dans le tiroir des couverts. Je suis immobile, incapable de bouger.

Une main tire sur le bas de mon pyjama et c’est Amaël qui me regarde en larme. Je le soulève pour l’empêcher de voir la scène. Je tremble mais je le berce pour le calmer. Je suis simple spectatrice de ce qui se passe, mon corps est figé.

Je crois qu’Armand empêche Pierre d’avaler sa langue, je n’en suis pas sûre. Le bruit des sirènes me sort de ma léthargie. C’est aussi à ce moment que Lilian court cacher son visage contre mon ventre en pleurant. Je pose ma main sur sa tête pour le rassurer.
Armand part avec les secours et Pierre sans même me dire un mot. Qu’est-ce qui vient de se passer ?

-Pierre-Vivian est mort maman. murmure Lilian contre mon ventre.

Qu'est-ce que l'amour Où les histoires vivent. Découvrez maintenant