Chapitre 12

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Armand est installé sur la méridienne, il lit ses mails. Je me fais une place dans ses bras et le laisse travailler. La maison est silencieuse, Armand a préféré laisser Lilian chez ses parents depuis le décès de maman.

-Lilian rentre quand ?

-ce week-end.

-il me manque mon bébé.

-à moi aussi. Je suis allé le voir hier avant de venir te chercher à l’hôpital. Il veut rentrer mais je voulais que tu te reposes encore un peu.

Il replonge dans ses mails. Je regarde l’écran de son iPad sans réellement lire ce qui s’y affiche. Au bout de quelques minutes, il verrouille son appareil et le pose près de lui. Il m’enlace et pose un baiser sur mon front.

-comment tu te sens ?

-ça ira.

-je suis là.

-je sais.

La pluie se met à tomber, les vents se mettent à secouer les feuilles des arbres fruitiers.

-je sais ce que je veux faire. Le business que je veux lancer.

-je t’écoute.

Je me redresse pour lui faire face.

-j’ai deux projets. Le premier c’est d’ouvrir une agence de personnels de maison. Mais attention, un personnel de maison formé et qualifié. Les particuliers gagnent car ils n’ont plus la crainte d’être volés par les dames de ménage, gardiens, etc. Les employés gagnent parce qu’ils ont les mêmes avantages que tous les autres salariés. Tout comme, contrairement aux autres, ils auront leurs salaires à date fixe parce que c’est l’agence et non le particulier qui le paie.

-et en terme de finance ? Est-ce que c’est rentable ? Est-ce que c’est faisable ?

-je n’ai pas encore regardé cet aspect.

-et le deuxième projet ? Donne-moi envie d’investir tout de suite.

Je quitte sur ses jambes et m’assoie en face de lui d’un air sérieux. C’est le projet qui me parle réellement.

-la femme gabonaise est une femme active. Elle travaille en général cinq jour sur sept, elle est hors de la maison de 7h à 17h. Mais c’est une femme qui tient à sa cuisine. La dame de ménage fait tout sauf la cuisine en général dans nos foyers. Résultats, on mange des pizzas, cassoulet, choucroute, sushis, etc. que des mets étrangers. Le matin on mange béninois, à midi ivoirien ou sénégalais, le soir européen ou asiatique. Tout ceci par manque de temps. Mon projet est de réintroduire les plats gabonais dans nos foyers.

-comment ?

Lorsqu’on parle de nourriture, Armand est tout ouïe.

-nos cuisines prennent du temps et consomment beaucoup de gaz. Ce n’est pas facile de faire du nyembwe à la sortie du boulot, il faut attendre le weekend, et même là. Ce que je propose : nos mets typiques en conserve. Un bon soucouté préparé par Kaya, bien emballé qui ne demande à la femme active qu’à être réchauffé et dégusté. Plus nutritif qu’une pizza et moins cher en plus. Qu’est-ce que tu en penses ?

-voilà ce qu’on va faire. Tu as jusqu’au mariage pour m’établir un business plan. Le trois janvier, tu me feras une présentation sérieuse. Ça sera sans pitié hein, même si la veille tu me ba*ses sauvagement, si la présentation est nulle tu n’auras même pas un franc.

-carrément !

-carrément Kaya. Je veux que tu me montres que c’est sérieux pour toi. Que tu vas vraiment t’y donner car je ne vais pas passer ma vie à financer tes projets. Je veux bien le faire pour ces deux là ensuite c’est terminé.

-…

-entreprendre n’est pas un passe-temps, ça demande de la discipline avant toute chose. Montre-moi que c’est sérieux, que tu es sérieuse, et je débloque le montant dont tu as besoin.

-c’est quoi un business plan ? je demande honteuse.

-va chercher mon ordi et de quoi noter.

-

Finalement le mariage est maintenu. Comme l’avait suggéré mon grand frère, la liste des invités a été revisitée. De cent quatre invités chez moi, nous sommes passés à cinquante-deux. Le mariage civil, nous ne serons que quarantaine-huit de mon côté. Même la liste de la dot a été modifiée.

Sinon on se remet du départ de maman comme on peut même si chaque jour la vie nous rappelle que nous sommes orphelins. Depuis que maman est partie j’ai moins de soutien pour mon mariage par exemple. Maman n’était certes pas parfaite, mais une mère reste une mère.

Otima est hors du pays. Son mari l’a faite sortir parce qu’elle frisait la dépression. Oremi… elle n’a jamais été très expressive sur ses sentiments donc va savoir comment elle gère.

Mais il y a une chose que je tenais à faire avant de me marier. Je n’ai pas oublié, ah non.

-Mlle BOUSSIBA ?

Je cherche du regard la voix et elle me mène à une dame. Trentenaire, bien apprêtée avec un regard sévère. Elle marche vers moi. On se parle depuis plusieurs mois mais c’est la première fois que l’on se voit.

-Me GASSITA, votre avocat. Nous pouvons y aller.

Elle parle vite et marche tout aussi vite malgré les talons aiguilles. Je la suis jusqu’à l’ascenseur dans lequel elle me répète ce que je savais déjà en venant ici. L’ascenseur s’ouvre à peine qu’elle est déjà dehors à marcher vite. La secrétaire nous conduit dans une salle dans laquelle Grégoire et son avocat nous attendent.

Je prends place et les écoute. J’ai bien compris que Me GASSITA n’aimait pas les pertes de temps, elle va droite au but.

-les documents sont là, vous en avez reçu une copie que j’espère vous avez eu le temps de parcourir.

-Me GASSITA, toujours aussi pragmatique. Se moque son confrère.

-c’est que j’ai encore une horde de personnes irresponsables à plumer ou envoyer derrière les barreaux. Me MOUTSINGA.

-mon client est prêt à signer.

-à la bonne heure !

-oui je vais signer, intervient Grégoire. Mais pas parce que je n’aime pas ou ne suis pas attaché à cet enfant. Simple question de logique. Si elle insiste à me faire renoncer à mes droits de père, elle sait pourquoi. C’est que je n’en suis pas le géniteur. Ou bien Maître ?

-et dire que l’état gabonais lui a confié l’éducation de sa jeunesse. je pouffe.

-tu étais aussi mon élève hein, si tu crois insulter quelqu’un.

-justement, je n’avais rien dans la tête jusqu’à ce que je rencontre Armand.

Je peux lire la colère sur son visage. Il saisit le document et signe toutes les feuilles d’une traite avant de me les balancer au visage.

-mais tu rendras des comptes à cet enfant. Un jour il te posera des questions, ajoute-t-il avant de prendre la porte.

On reste entre adultes et finalisent le tout. Me GASSITA et moi prenons congés de Me MOUTSINGA une poignée de minutes plus tard.

-je vais envoyer le tout au tribunal, l’enfant portera désormais quel nom ?

-NKOMA.

Oui j’en ai parlé avec Armand et lui-même s’est proposé de l’adopter. Je ne lui ai rien imposé, encore moins suggéré. On en a longuement discuté, il ne le fait pas pour moi mais pour Lilian.

-je vous envoie un mail pour la suite, répond-t-elle en regardant sa montre. J’ai un autre rendez-vous.

Juste le temps de dire au revoir et la voilà partie. Il ne nous faudra que trois semaines pour que Lilian devienne officiellement le fils d’Armand. La famille de ce dernier est informée et n’a rien eu à redire. Lilian est un NKOMA point.

Armand m’aura appris une chose : l’amour ne se scande pas, il se prouve. Il ne me donne pas de fortes sommes d’argent, ne me fait pas de somptueux cadeaux, mais il me donne beaucoup plus que ça. Et j’ai tellement hâte de devenir sa femme dans neuf jours top chrono.

Qu'est-ce que l'amour Où les histoires vivent. Découvrez maintenant